Gravity
Enfin, Alfonso Cuaròn revient et on se réjouit que son dernier film soit un grand succès populaire. Après le très puissant Les Fils de L'Homme, l'accouchement douloureux de Gravity sentait un peu le roussi. Pas du tout à l'aune des deux tiers du film qui constitue un vrai bonheur. Mais pour le final, on est tout de même dubitatif.
Attention je raconte des éléments clés de ce film fort plaisant.
Gravity part d'un principe simple pour saisir le spectateur : en cas de danger, on voudrait tous revenir dans le ventre de sa mère. Et la navette spatiale, ces épaisses combinaisons et ces multiples cordons forment une évidente métaphore – peut-être pas assez au goût de Cuaròn qui fait adopter au Dr Ryan Jones (Sandra Bullock) la position fœtale quand elle pénètre enfin dans la navette.
Mais ne boudons pas notre plaisir, le cinéaste fait un travail remarquable et sait donner au spectateur ce sentiment de perdition, cette volonté de retrouver un espace protecteur et confiné. Tout marche, la mise en scène en 3D, la direction d'acteurs, la musique… L'enchainement des séquences aussi, Cuaròn mettant un point d'honneur à offrir un spectacle virtuose d'une incroyable fluidité. Bref, c'est un vrai bonheur, presque enfantin. Par crainte peut-être de crouler sous trop de sérieux, le réalisateur a fait appel à Sandra Bullock et Georges Clooney (en colonel Matt Kowalski), sans doute embauchés pour occuper le poste de produits d'appel dans un film dont le pitch n'avait rien de commercial, mais qui ont également bâti une grande partie de leur célébrité sur leur humour. Aussi Clooney se joue presque lui-même avec toujours un bon mot au bon moment et Bullock a ce côté un peu gauche qui fait son succès Outre-Atlantique. Parce qu'à l'exception d'une raquette de ping-pong dans la navette chinoise, le film évite tout second degré.
Avec le fidèle Emmanuel Lubezki à la photographie (qui travaille aussi avec Terrence Malick), le cinéaste offre des plans-séquences saisissants, la séquence d'ouverture en particulier étant – au risque de répéter ce que tout le monde dit – à tomber par terre. Emporté par la musique synthétique de Steven Price aux bruits sourds, le film se révèle vraiment comme le trip qu'il promettait d'être, explorant notre inexplicable instinct de survie et la terreur du vide. Et le côté répétitif des séquences – le scénario veut que des débris spatiaux rentrent en orbite autour de la Terre et perforent ce qui se trouve sur leur chemin – ne fait qu'ajouter à la sensation de fascination.
Pourtant, une fois dans la navette de sauvetage russe et alors que le long-métrage se fend d'un retour fantasmagorique très réussi de Kowalski, le pathos et l'héroïsme prennent le dessus. Car après être rentré dans le ventre, il faut, selon Alfonso Cuaròn, en sortir. Mais cette fois, l'auteur ne sait plus trop sur quel pied danser. On imagine que le Malick de Tree of Life (2010) aurait sans doute pu en tirer quelque chose (moins celui d'A La Merveille – 2012). Mais dans une débauche d'effets spectaculaires et de musique ringardo-héroïque, Gravity trébuche et devient pompier. Il rompt en partie le contrat signé avec le spectateur qui croyait jusqu'ici au déroulé clinique (bien que peu vraisemblable) des événements. Surtout, il alourdit considérablement les touches mélodramatiques qu'il avait disséminées jusque-là. Ryan Stone a perdu sa petite fille de quatre ans dans un accident bête (et sans doute également le cinéaste qui abordait déjà cet aspect dans Les Fils de l'Homme en 2006). Et quand elle discoure en disant « Là haut, tu verras une petite fille mal coiffée, bla-bla-bla » pour faire pleurer dans les chaumières, on comprend mal la démarche du cinéaste. Alors le film devient un blockbuster plus classique mais toujours spectaculaire.
A l'aune des spectacles hollywoodiens proposés aujourd'hui, il semble évident que Gravity les supplante largement. Mais nous attendions un peu plus de la part du réalisateur mexicain – au moins un final plus ouvert.
nolan
Note de nolan : 3
Note d'Antoine Rensonnet : 3
Gravity (Alfonso Cuaròn, 2013)
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