Quai d'Orsay
Quai d’Orsay est, nous dit-on, la première comédie de Bertrand Tavernier. Fussent-elles partielles, il nous semblait pourtant, que le réalisateur avait déjà signé quelques incursions dans le genre. Et qu’elles étaient franchement plus réussies.
C’est un bon sujet. Pas neuf, certes, mais un bon sujet quand même. Les lieux de pouvoir et la frénésie inconsistante qui les habite, unis comme l’œuf et la poule. C’est parce qu’ils sont tels qu’elle naît. C’est parce qu’elle se développe qu’ils se perpétuent. Or celle, concurrente mais tragique et farcesque, du leader charismatique, il n’y a pas d’autre image du pouvoir que celle, comique et dramatique, de cette ruche produisant plus d’air que de miel. Bertrand Tavernier, adaptant une bande-dessinée éponyme à succès (Christophe Blain et Abel Lanzac, 2010 et 2011) s’en empare. Et, à la différence de Pierre Schoeller dans L’Exercice de l’Etat, seulement pour rire. Il y a matière. Pourtant, il échoue. Non qu’il ne provoque les gloussements attendus mais il se heurte à un insoluble problème, qui, en 2006 avec la navrante histoire du CPE, faillit être celui du pays entier : Villepin. La politique est souvent médiocre, on en convient, mais prendre pour modèle un homme qui, jusqu’à sa mort, démontrera que le ridicule ne tue pas, ne peut que conduire Quai d’Orsay dans une impasse. Jamais, malgré nombre de performances fameuses dans le cadre d’un perpétuel concours, il n’y eut – et probablement n’y aura – être plus grotesque placé dans une telle situation de ‘‘responsabilité’. Puisqu’on ne peut vraiment caricaturer une caricature, il est résolument impossible d’aborder le ballet politique par ce qu’il a produit de plus insignifiant. Les repères nécessaires à la lisibilité de l’œuvre se brouillent : que l’on confonde toujours le trait et son grossissement, admettons, mais que l’on ne décèle pas ce qui relève de la règle politique et de son exception villepinesque perd définitivement le film. En outre, Tavernier faignante ostensiblement. Il bâcle souvent cadrages et raccords et, remisant toute acidité, se contente de délivrer un trop long sketch. Il y multiplie les démonstrations d’imbécillité ministérielle mais, surlignant la compétence de certains et rappelant un discours resté célèbre, sauve la face du système. Le beauf franchouillard, persuadé que ses hommes politiques sont de sinistres crétins et que son pays vaut mieux que le reste du monde, y trouvera son compte. Facile… Restent, comme dans tout produit bas-de-gamme, des acteurs qui se débattent comme ils peuvent. En ministre de pacotille, agité et stupide, Thierry Lhermitte est habituellement médiocre. En jeune conseiller un brin candide, Raphaël Personnaz est normalement transparent. Quelques seconds rôles – Niels Arestrup en flegmatique et efficace directeur de cabinet ; Bruno Raffaelli en spécialiste, désespéré et affamé, du Moyen-Orient – sortent du lot, les autres, souvent outrés et de mauvais goût (Thomas Chabrol, Thierry Frémont), s’oublient immédiatement. Comme cette mauvaise comédie.
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 1
Quai d’Orsay (Bertrand Tavernier, 2013)
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