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A Touch of Sin

23 Décembre 2013 , Rédigé par nolan Publié dans #Critiques de films récents

Insolent, grave, satirique, politique, stimulant, métaphorique… On aimerait enchaîner les superlatifs comme dans la bande-annonce d'Orange Mécanique. Dans celle, déjà très réussie, d'A Touch of Sin, on a préféré choisir sagement quelques critiques laudatives. Auxquelles nous souscrivons pleinement.  

Successivement : Wu Jiang, Wang Baoqiang , Zhao Tao et Luo Lanshan
Successivement : Wu Jiang, Wang Baoqiang , Zhao Tao et Luo Lanshan
Successivement : Wu Jiang, Wang Baoqiang , Zhao Tao et Luo Lanshan
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A Touch of Sin (Jia Zhang Ke, 2013).

 

C'est l'heure du bilan en cette fin d'année. Cette fois le temps fut bien trop court pour voir tout ce qu'on avait prévu, y compris parmi quelques auteurs difficilement contournables – on en reparle début janvier. Mais fort heureusement, nous trouvâmes un créneau pour voir la semaine de sa sortie la fabuleuse réussite de Jia Zhang Ke – et ce qui semble être une consécration de son talent que nous connaissons assez mal.

Du cinéaste, nous fûmes séduit par la force ‘‘infusive’’ de Still Life (2006) mais 24 City (2008) fut surtout l'occasion d'une bonne sieste en salles (de 45 minutes, record personnel). Aussi ne considérions-nous pas a priori ce A Touch of Sin comme le potentiel chef-d’œuvre qu'il s’avère être. Il faut dire aussi que Spielberg et son jury cannois, visiblement convaincus mais pas complètement, ne surent quel prix lui attribuer (donc celui du scénario, ce qui dans le cas présent ne veut pas dire grand-chose).

Bref, A Touch of Sin est une nouvelle fois la preuve que le cinéma est un art qui peut encore nous apporter une extrême satisfaction autant sur le plan intellectuel qu'esthétique. Des quatre histoires qui s'enchainent naturellement, on n'en retiendra pas une plus qu'une autre. Elles forment un tout, une multitude de possibles, tous puissamment incarnés. Le cinéaste alterne les genres avec fluidité, passe d'un ton à l'autre avec souplesse. La construction de son film qui va de la satire au drame prend le spectateur à la gorge sans le lâcher.

Le traitement de la violence se découpe également en quatre parties. D'abord cathartique, elle est ensuite intégrée comme façon de vivre puis envisagée en ultime recours avant, enfin, de disparaître de la seule façon qui semble possible à Jia Zhang Ke : en s’effaçant soi-même. Ce n'est certes pas optimiste mais le constat social dramatique que fait le cinéaste n'est guère enchanteur. En Chine, l'argent, c'est la vie, semble dire l'auteur. Elle dépasse, supplante tout. Et aura le dessus sur l'Amour dans sa dernière partie.

« Je te tue avec mon argent » crie un client de sauna, qui, logiquement, finira occis pour avoir cru à la pérennité d'un pouvoir si volatile. Le réalisateur évite pourtant de sombrer dans la démonstration lourde ou le réalisme moralisateur. Il ouvre des pistes et les explore avec le plus de soin possible en utilisant pleinement les outils de son art(1). A Touch of Sin est dès lors un pamphlet électrisant autant qu’un drame romantique. Et le film de l'année.

 

nolan

 

Note de nolan : 5

Note d'Antoine : 5

 

(1)Une petite interrogation formelle toutefois : nous n'avons pas bien saisi pourquoi sur quelques plans larges, le point n'était fait. Flou artistique ? Pas évident puisque sur d'autres plans, tout est net.   

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A
Bizarrerie...<br /> Il me faut donc reconnaître que le film d'un conservateur chinois satisfaisant une certaine bonne conscience occidentale et traçant un signe égal entre communisme et capitalisme n'est pas loin du tout d'être ce que le cinéma propose de meilleur.
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A
Je continue à penser - mais je ne suis pas un immense optimiste de nature - qu'une partie du succès de Jia Zhang-Ke (relatif mais réel) est lié au fait qu'une fraction, sans doute majoritaire, de son public y trouve ce qu'elle est venue y chercher et, même si c'est éventuellement dans ses films, ce n'en constitue pas l'essentiel.<br /> <br /> Pour le reste, je suis assez d'accord avec toi. Les films de Jia Zhang-Ke rejoignent un discours classique et tout à fait admissible - je serai même prêt à le partager si je me sentais un peu plus maître du sujet - sur la Chine et la mondialisation. Je pense aussi qu'ils sont, outre des chefs d'oeuvre, les plus formidables documents qui soient sur les bouleversements du monde (encore une fois, comme M sur l'Allemagne des années 1930) car Jia Zhang-Ke montre la tension qui traverse la Chine - ce qui complète formidablement les analyses qui tentent de la comprendre.<br /> <br /> Mais j'en reste néanmoins complètement à ma mention de ''conservateur'' - qui n'a d'ailleurs pas spécialement de connotation négative. Le cinéma de Jia Zhang-Ke me semble partir d'un refus, d'une peur-panique du changement - que je ne vois pas comment désigner autrement que comme du conservatisme. Bien sûr, il dépasse sa pulsion et en arrive à une certaine complexité - à des contradictions, donc, que, cinématographiquement, il sublime. Mais, viscéralement, il demeure un conservateur.
B
Ton commentaire est instructif. Merci d'avoir pris le temps. Je n'aime pas l'idée de véhiculer de lui l'image d'un saint pour des Occidentaux critiques de la politique chinoise et, intéressés ou distraits, moins regardant envers la leur. <br /> <br /> Toutefois, sa vision semble s'accorder avec l'ensemble de la critique (et selon les sujets de la condamnation ?) de la Chine et de ses dirigeants, critique qui émane autant d'une certaine &quot;élite&quot; occidentale que chinoise (les fameux &quot;dissidents&quot;). Jia Zhang-ke est peut-être attaché à un passé qui n'est pas non plus celui de Mao et qui, puisqu'il ne l'a pas connu, ne peut-être qu'idéalisé, les critiques que je lis et vois dans les médias, chez les géographes, ne ramènent pas quant à eux l'évolution actuelle de la Chine à un quelconque passé (sinon pour une contextualisation ou un rappel historique et non pour une valorisation), mais montrent les perversions des choix faits depuis une quinzaine d'années, ces critiques dépassant souvent le problème chinois pour évoquer d'ailleurs celui de la mondialisation. En fait c'est ce que je vois dans les films de Jia Zhang-Ke. Je n'ai pas poussé l'étude assez loin pour déceler l'évocation d'un système nouveau, d'une alternative, d'une solution (vois-tu qu'il est conservateur dans les références utilisées à la culture ancienne, comme les opéras dans A touch of sin, ou les traditions que l'on voit ici et là dans ses films ?)... <br /> <br /> A travers le thème de la mondialisation, on montre du doigt tout le négatif, on constate aussi un certain rééquilibrage (les pays émergents), donc quelque espoir, maintenant à savoir ce qui prévaut et ce dont est conscient le réalisateur.
A
Ah, bah, tiens, je m'aperçois que j'ai une certaine constance. Je crois bien que je viens de développer la conversation à peine esquissée avec nolan il y a six mois.
A
Salut Benjamin,<br /> <br /> Je persiste et je signe pour ''conservateur''. Il me semble, en fait, que l'on cherche en Europe à faire de Jia Zhang-Ke une icône sans tâche dans un esprit parfaitement manichéen et un brin ethnocentrique. Cela permet d'ailleurs de faire une jolie boucle simpliste. Elle est à peu près la suivante : Puisque ses films sont géniaux, lui aussi l'est forcément et, puisque c'est un homme génial, ses films le sont aussi. Il devient ainsi le Chinois que l'on adore aimer et ce d'autant plus que, ressortissant de cette Chine que l'on adore détester, on a l'impression qu'il dit et montre ce qu'on lui a dit de dire et montrer. Bref, il permet de parler de la Chine comme on a envie de le faire, à peine achevée la projection de ses films, que, d'ailleurs, beaucoup ont à peine regardé. <br /> <br /> Sauf qu'il est, à mon sens, réellement génial ce qui implique qu'il ne fasse pas forcément tout ce qu'on attend de lui. Et ce qu'il sait surtout faire, c'est - comme Lang dans M, le Maudit (qui n'est pas un film antinazi) pour l'Allemagne des années 1930 - formidablement retranscrire par le médium du cinéma la tension qui traverse la Chine contemporaine. Et pour la retranscrire, il faut qu'il la ressente. Et il la ressent d'autant mieux que tout indique qu'il supporte très mal le changement, étant fondamentalement conservateur. D'où, avec A Touch of Sin, un film sur le pourrissement d'une société par l'argent. Il ne peut nier pourtant que la nouveauté, le dérèglement d'un temps cyclique - problème fondamental de tout le cinéma asiatique de Hou Hsiao Hsien à Wong Kar Wai - portent leur lot d'espoirs (on les entrevoit dans l'histoire de la femme dans Still Life).<br /> <br /> Fondamentalement conservateur, donc - et nostalgique d'une époque bien plus ancienne que celle de Mao - mais sentant le mouvement inéluctable, il se trouve pris dans une contradiction et, plutôt que de s'y noyer, il la sublime - n'est-ce pas le propre du génie - pour signer quelques-uns des films les plus importants de cette dernière décennie.<br /> <br /> Après que l'homme soit sympathique, que ses engagements soient courageux, tant mieux mais, cinématographiquement parlant, ce n'est pas vraiment le problème et, en tout cas, Jia Zhang-Ke n'est pas lisse et ne gagnerait pas grand-chose - au contraire ! - à le devenir. Peut-être toutefois, une telle image d'Epinal stabilise-t-elle sa position en Europe et lui permet-elle de continuer à travailler. Librement.
B
Je ne comprends pas 'conservateur'. Je ne crois pas Jia Zhang-ke nostalgique de l'ère Mao et il me semble qu'il attend des réformes capables de mettre à mal les déséquilibres sociaux dénoncés. <br /> <br /> Et, sans vouloir dire de bêtise, je crois que son engagement pour le développement d'un certain cinéma d'auteurs chinois en témoigne aussi.
B
Voilà un film très clivant comme on dit.<br /> La 1ère histoire se tient avec du rythme et un personnage intéressant, le reste se déroule lentement avec des acteurs impassibles ne transmettant aucune émotion.<br /> La scène du client qui frappe la femme avec son argent résume tout, la scène s'étire alors que tous les enjeux ont été vite compris et le dénouement des plus attendus.<br /> Le fond était a priori intéressant mais la forme terriblement chiante (faut éviter de voir le Scorsese avant sinon gare à la décélération).
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N
Oui je constate que la blogosphère de qualité est assez réservée sur A Touch of Sin, contrairement à la critique parsiano-parinistico-parisianniste :-). <br /> Je ne suis d'accord sur presque rien. Cela dit, je reconnais que la scène du client qui frappe est très longue. Et en effet on sent bien comment cela va se finir (mais la première partie ne donne-t-elle pas le programme ?), mais cela ne pose à mon sens aucun problème. Les problèmes de cette femme adultère sont assez complexes, …
B
AAAh, je me disais aussi, je n'ai pas rêvé... il y a des tas de plans dont la mise au point est tout juste foirée, c'est étrange
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N
Bonjour Dasola et bonne année également. Effectivement, A Touch of Sin n'a rien d'un dépliant touristique !
D
Bonjour Nolan, personnellement, le film ne m'a pas plu: trop de violence et de crimes gratuits. Je ne sais pas ce que le réalisateur a voulu nous montrer : si c'est pour nous dire que la Chine a un réveil difficile, c'est réussi. C'est le type même de film rédhibitoire pour le tourisme. A part ça, excellente année 2014 avec quelques films notables. Bonne journée.
N
Non non en effet, il y a du flou. Je ne me l'explique pas...
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