A Touch of Sin
Insolent, grave, satirique, politique, stimulant, métaphorique… On aimerait enchaîner les superlatifs comme dans la bande-annonce d'Orange Mécanique. Dans celle, déjà très réussie, d'A Touch of Sin, on a préféré choisir sagement quelques critiques laudatives. Auxquelles nous souscrivons pleinement.
Successivement : Wu Jiang, Wang Baoqiang , Zhao Tao et Luo Lanshan
A Touch of Sin (Jia Zhang Ke, 2013).
C'est l'heure du bilan en cette fin d'année. Cette fois le temps fut bien trop court pour voir tout ce qu'on avait prévu, y compris parmi quelques auteurs difficilement contournables – on en reparle début janvier. Mais fort heureusement, nous trouvâmes un créneau pour voir la semaine de sa sortie la fabuleuse réussite de Jia Zhang Ke – et ce qui semble être une consécration de son talent que nous connaissons assez mal.
Du cinéaste, nous fûmes séduit par la force ‘‘infusive’’ de Still Life (2006) mais 24 City (2008) fut surtout l'occasion d'une bonne sieste en salles (de 45 minutes, record personnel). Aussi ne considérions-nous pas a priori ce A Touch of Sin comme le potentiel chef-d’œuvre qu'il s’avère être. Il faut dire aussi que Spielberg et son jury cannois, visiblement convaincus mais pas complètement, ne surent quel prix lui attribuer (donc celui du scénario, ce qui dans le cas présent ne veut pas dire grand-chose).
Bref, A Touch of Sin est une nouvelle fois la preuve que le cinéma est un art qui peut encore nous apporter une extrême satisfaction autant sur le plan intellectuel qu'esthétique. Des quatre histoires qui s'enchainent naturellement, on n'en retiendra pas une plus qu'une autre. Elles forment un tout, une multitude de possibles, tous puissamment incarnés. Le cinéaste alterne les genres avec fluidité, passe d'un ton à l'autre avec souplesse. La construction de son film qui va de la satire au drame prend le spectateur à la gorge sans le lâcher.
Le traitement de la violence se découpe également en quatre parties. D'abord cathartique, elle est ensuite intégrée comme façon de vivre puis envisagée en ultime recours avant, enfin, de disparaître de la seule façon qui semble possible à Jia Zhang Ke : en s’effaçant soi-même. Ce n'est certes pas optimiste mais le constat social dramatique que fait le cinéaste n'est guère enchanteur. En Chine, l'argent, c'est la vie, semble dire l'auteur. Elle dépasse, supplante tout. Et aura le dessus sur l'Amour dans sa dernière partie.
« Je te tue avec mon argent » crie un client de sauna, qui, logiquement, finira occis pour avoir cru à la pérennité d'un pouvoir si volatile. Le réalisateur évite pourtant de sombrer dans la démonstration lourde ou le réalisme moralisateur. Il ouvre des pistes et les explore avec le plus de soin possible en utilisant pleinement les outils de son art(1). A Touch of Sin est dès lors un pamphlet électrisant autant qu’un drame romantique. Et le film de l'année.
nolan
Note de nolan : 5
Note d'Antoine : 5
(1)Une petite interrogation formelle toutefois : nous n'avons pas bien saisi pourquoi sur quelques plans larges, le point n'était fait. Flou artistique ? Pas évident puisque sur d'autres plans, tout est net.
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