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Le Hobbit : La Désolation de Smaug

21 Décembre 2013 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Critiques de films récents

Sans grandes illusions sur les ambitions artistiques de Peter Jackson, nous étions disposés à le laisser profiter de la machine tolkienienne pourvu qu’il sache nous illusionner. Au moyen d’un gros et convaincant dragon, il y parvient sans grande peine mais gâche un peu notre plaisir en affaiblissant son monstre pour préserver au mieux ses arrières.

Gandalf (Ian McKellen)

Gandalf (Ian McKellen)

Le Hobbit : La Désolation de Smaug (Peter Jackson, 2013)

Que, par rapport à son prédécesseur, ce nouveau Hobbit, toujours fondé sur l’éponyme œuvre tolkienienne (1937 pour sa première édition), soit un cru sensiblement supérieur ne se discute guère. Plusieurs des défauts du Voyage inattendu (2012) ont, en effet, été gommés. Bien que le rythme s’effiloche souvent au cours de ces quelques deux heures quarante, qu’une dispensable histoire d’amour rappelle que s’éloigner d’une trame éprouvée n’est pas toujours une excellente idée, La Désolation de Smaug possède une certaine intensité – narrative, s’entend. Quant aux blagues scabreuses, véritable pollution du premier opus, elles sont, pour la plupart, évitées. Il y a bien un inutile passage de nains par les toilettes mais le sort réservé à Radagast (Sylvester McCoy) témoigne à lui seul du rétablissement opéré. Celui-ci connaît, en fait, le même destin que le sinistre Jar Jar Binks de Star Wars (épisode 1 : La Menace fantôme, George Lucas, 1999). Parangon de vulgarité à vocation comique, il ne constitue pas un agréable contrepoint mais une belle grosse tâche dans l’univers fantasy porté à l’écran. Aussi est-il, discrètement (d’où, quand même, une courte apparition devant préserver l’aura démiurgique de Jackson), poussé sur la touche, les critiques ayant eu raison de lui. Resserrement et ressaisissement, donc, ajoutés à l’habituel capharnaüm d’elfes, hommes, nains, orques, magiciens, hobbits et autres créatures parcourant en tous sens cette bonne vieille Terre du Milieu que Tolkien a léguée depuis belle lurette à l’imaginaire collectif en général et à celui du réalisateur en particulier, forment alors un cocktail attendu et efficace. Il se regarde sans déplaisir dans un curieux mélange d’excitation adolescente et de bâillements qui ne le sont plus.

Smaug et Bilbon (Martin Freeman)

Smaug et Bilbon (Martin Freeman)

Reste que l’élément censé le pimenter au point de relever la première et de faire taire les seconds, c’est, plus que jamais, la représentation du Mal. Force est alors de constater la réussite esthétique et le défaut de construction dramatique. Smaug, le dragon, dispose de toute la majesté requise pour faire impression. Lourd et souple, cupide, destructeur, intelligent évidemment, il s’impose sans peine, devant le pâle Bilbon (Martin Freeman), en seul héros du film. Justifiant presque que, dans une logique toute commerciale, il ait fallu, en tout, près de cinq heures pour qu’il pointe le bout de son naseau fumant. Et que la suite de ses aventures soit repoussée à un troisième Hobbit vers lequel il s’envole dans une ultime image sans omettre de nous allécher par sa tonitruante prosopopée (« Je suis la mort ! » – ce qui, le concernant, est plutôt convaincant). Las, établie par petites touches, l’emprise de Smaug se trouve contestée. Cherchant à relier au mieux sa nouvelle trilogie avec Le Seigneur des anneaux (2001-2003), Peter Jackson, obligé de se passer de Gollum, convoque Sauron. Il était, il est vrai, difficile de résister à une telle tentation. Les aventures séparées de Gandalf (Ian McKellen) dans le roman de Tolkien, dont les péripéties furent ultérieurement précisées dans Le Silmarillion (1973), invitaient à donner une forme au Nécromancien (empruntée à celle de Benedict Cumberbatch). Mais la présence, physique ou presque, du seigneur noir en passe de rendre la Terre du Milieu aux ténèbres déséquilibre profondément le film. Renvoyé au rang de monstre faire-valoir en attendant que le Mal, le seul, se manifeste, Smaug perd naturellement de sa superbe. Encore une fois, le caractère limité du matériau Hobbit, comparativement au Seigneur des anneaux, se révèle et affadit cette Désolation de Smaug… Qui, au moins, confirme quelques sûrs enseignements :

1) Alfred Hitchcock a raison : « plus réussi est le méchant, plus réussi est le film ».

2) En conséquence, entre deux Mals, on ne peut que choisir le plus grand.

3) Les choses gagnent, généralement, à être prises dans l’ordre.

Or, il est toujours réconfortant de savoir ses bases assurées.

L’œil de Sauron

L’œil de Sauron

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N
Par contre, je n'ai pas compris un truc dans ta critique : Cumberbatch fait aussi Sauron en plus de la voix de Smaug ?
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A
Oui, il me semble. En tout cas, c'est ce qui ressort des fiches techniques. C'est assez étrange d'ailleurs. Comme on peut tout à fait exclure que Peter Jackson soit prisonnier d'un problème de budget l'obligeant à donner deux rôles à un même acteur, il s'agit d'un choix délibéré de lier les deux méchants de cette façon...<br /> Sinon, l'histoire est surtout celle d'une longue balade.
N
Comme pour le premier épisode, je n'ai pas compris grand chose à l'histoire. Il faut dire aussi que j'ai fini par ne lire q'un sous titre sur trois et j'ai du mal à comprendre l'anglais et l'elfique. Il y a quelques scènes d'action réussies (notamment la descente de la rivière). <br /> Comme pour le premier épisode, j'ai bien aimé la dernière heure, la rencontre entre Bilbon et Smaug vaut celle entre le même et Gollum. D'ailleurs, j'aime bien Martin Freeman en Bilbo. Il faut dire aussi que le personnage est plus sympathique que Frodo. <br /> Et la fin &quot;Je suis le feu, je suis la mort&quot;, ça claque.
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