Le Vent se lève
Peu primesautier, le dernier opus du maître japonais est esthétiquement très réussi. En donnant beaucoup d'ampleur romanesque à l'accomplissement du projet du héros, il fend la tragédie qui se noue d'un lyrisme bienvenu.
Le Vent se lève (Hayao Miyazaki, 2013)
Variation sur l'artiste absorbé par son œuvre, Le Vent se lève relate la vie de l'ingénieur Jirô Horikoshi, concepteur de l'avion de chasse Zero symbole de la flotte aérienne japonaise pendant la seconde guerre mondiale. On a reproché à Miyazaki de sombrer dans l'hagiographie du personnage historique créateur surdoué d'un engin de mort dévastateur (aussi bien pour les cibles que les pilotes), d'éviter le dilemme moral. Difficile d'y souscrire tant le cinéaste entoure l'entreprise du héros d'une atmosphère mortifère. Le Japon des années 1920 vit dans la misère et le jeune Jirô ne s'évade que dans des rêves qui flirtent souvent avec le cauchemar. Il ne voit que les machines volantes et limite au maximum l'impact de la réalité.
Dans la partie centrale du film, l'Amour suspend le temps. Il fait durer le moment des retrouvailles, de la déclaration. Naoko, jeune fille de famille aisée l'aime depuis le premier regard. Dans un hôtel, véritable bulle impassible au conflit qui se prépare, un Juif mystérieux voit déjà tout. La guerre, sa mort et celles des autres (la mort de l'être aimé, des soldats japonais). La Mort comme le prix de l'accomplissement du rêve du héros. A la fois beau et tragique, la légèreté et la fluidité d'une animation pourtant foisonnante figure, dans ses moments de grâce aérienne, la pureté des sentiments. Elle semble pouvoir pendant quelques instants traverser le réel qui, in fine, détruira tout. Le Vent se lève est d'une tristesse absolue. L'artiste accomplit son chef-d'oeuvre et l'accompagne de sacrifice, de solitude et d'un aveuglement dont on ne sait s'il est totalement innocent. « Il faut tenter de vivre » répètent inlassablement les personnages citant Paul Valery. De cette antienne un rien désabusée, Miyazaki semble, au crépuscule de sa carrière – de sa vie ? – se raccrocher à ses œuvres, qui l'ont peut-être consumé, comme des lumières dans la nuit
nolan
Note de nolan : 4
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