Jimmy’s Hall
Un film double, pamphlet politique et ode à la vitalité. Le premier sonne creux et la seconde vise juste. Disons que cette dernière l’emporte en procurant un incontestable et fugace sentiment de gaieté.
Question vision du monde, rien ne colle dans Jimmy’s Hall. Le bien et le mal trop clairement identifiés – quand bien même James Gralton (Barry Ward), après y avoir renoncé, revient, contraint et forcé, vers la lutte alors que derrière l’affreux père Sheridan (Jim Gordon) se cache le vicaire Seamus (Andrew Scott), épouvantable figure d’un compromis aussi impossible qu’inévitable –, la foi en l’individu et, pire, dans la vertu du collectif, cette certitude, donc, que l’on peut créer quelque chose de beau qui implique que le combat politique ait un sens. Ken Loach ressasse, sans grande finesse, ses vieilles obsessions et, pourtant, sa naïveté finit par toucher. Il faut dire que son film déborde d’une telle vitalité que le vieux réalisateur en finirait presque par s’avérer convaincant. Il ne l’est en vérité qu’à demi mais rien n’interdit de considérer, avec plaisir et bienveillance, le verre à moitié plein. Quel mal y aurait-il, après tout, à se laisser emporter pendant les quelques deux heures de la projection par les aventures de Jimmy et de ses amis qui, dans l’Irlande des années 1930, mettent toute leur énergie à construire un improbable dancing-école dans lequel ils peuvent jouir, non sans entraves, et s’ouvrir sur la richesse du monde ? Aucun, assurément, d’autant que Loach dresse, au moyen d’une belle image granulée aux teintes brunes, de forts jolis tableaux pastoraux de cette micro-société heureuse de se construire. De plus, même dans les moments dramatiques – la fuite de Jimmy qui vient mettre fin à son rêve plus qu’elle ne semble véritablement signer son échec –, la joie et le dynamisme perdurent. Or, les saisir, à un état presque pur, apparaît bien comme le seul projet d’un film qui, en ce sens, est une indiscutable réussite et constitue une pure et paisible vision de cinéma. Reste que Jimmy’s Hall, inspiré – Loach s’entête à le souligner – d’une histoire vraie, est encombré de ce caricatural discours politico-philosophique. L’ignorer, ou pire l’accepter, serait une faute coupable contre le réalisme. Mais repousser le charme qui se dégage de cette petite œuvre serait aussi une belle preuve de cynisme.
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 3
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