Les Combattants
Ce film qui répond aux codes de la comédie romantique pour mieux s'en échapper est une réussite. Parce que le cinéaste sait filmer ses moments comiques, soigne la construction de son long métrage en sachant au bon moment le décorseter et offrir quelques moments libres et fous. Finalement romantiques.
Les Combattants (Thomas Cailley, 2014)
Reconnaissons qu’avec son coup d'essai, Thomas Cailley dépasse assez largement le niveau de la très large majorité des comédies françaises (il est vrai quand même très bas). Soigneusement photographié, baignant dans des teintes orangées ou vertes, le film ne se contente pas de se tenir simplement à la (très convaincante) direction d'acteurs. Ainsi Arnaud (Kevin Azaïs) est-il un jeune garçon lunaire qui travaille occasionnellement dans la menuiserie familiale. Venant de perdre son père, fondateur de la maison, il comprend que son grand-frère (Thibault Berducat), lui-même menuisier, veut qu'Arnaud devienne son associé. Flanqué de deux copains, le jeune homme traîne à la plage, attendant que le temps passe avec un enthousiasme plus que mesuré concernant son avenir. C'est dans ce cadre qu'il croise la route de Madeleine (Adèle Haenel), une jeune étudiante démissionnaire en macro-économie qui profite des vacances d'été pour se préparer activement à un stage de commando voire un recrutement par l'armée de terre pour apprendre à survivre puisque bon, si le temps le permet, c'est bientôt la fin du monde et on ne parle de krach boursier mais bien d'apocalypse. Le cinéaste construit des situations saugrenues pimentées de dialogues toujours un peu à la côté de la plaque. Madeleine a le discours ferme, la folie dure, son charme buté séduit immédiatement Arnaud qui lui fonctionne comme une éponge, absorbant les drôles de discours – ceux des militaires, ceux de son pote Xavier (William Lebghil), et bien sûr les phrases définitives de l'objet de son affection – en les recrachant parfois d'une étrange manière. Arnaud est amoureux de Madeleine, c'est la seule chose dont il est à peu près certain. Aussi la suit-elle dans un camp d'été militaire qui vire rapidement à la galéjade. Cette deuxième partie très burlesque (et fort drôle) en annonce une troisième bien plus posée, où les espoirs déçus des amants semblent s'effacer à mesure qu'ils s'enfoncent seuls dans un immense domaine forestier. Cette construction permet au film de se perdre à la lisière du fantastique où affleure une sensualité qui ne s'exprimait jusqu'alors que par touches (une énorme averse dans la première partie, une séance de maquillage-camouflage dans la deuxième…) toujours interrompus par un effet cocasse. Le cinéaste libère donc son film habilement et prend un risque qui s'avère payant. Il s'offre même une petite pirouette finale en faisant dire à Madeleine que « la prochaine fois, on sera vraiment préparés ». On attend donc de pied ferme le prochain film de Thomas Cailley.
nolan
Note de nolan : 4
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