Timbuktu
Timbuktu (Abderrahmane Sissako, 2014).
Timbuktu dispose de deux bons arguments pour donner envie de le découvrir. D’abord, il s’agit certes d’un film d'auteur lent (1) mais il ne dure qu'une heure trente-sept. Ensuite, la bande-annonce laisse penser que le geste du cinéaste est plus poétique que documentaire, ce qui est rare sur un sujet pareil (un groupe d'islamiste investit la ville de Tombouctou et appliquent une charia oppressive).
Le film vu, c'est bien l'approche du poète qui domine. Le réalisateur ose la fable ou plutôt les fables en les regroupant autour d'un fil rouge constitué par le personnage de Kidane (Ibrahim Ahmed), un berger à vaches vivant heureux avec sa famille dans le désert. Abderrahmane Sissako démarre et termine sur une métaphore : une gazelle est poursuivie par des islamistes radicaux en Jeep, ils ne veulent pas la tuer mais la fatiguer. C'est le peuple du Mali. Plusieurs autres petites histoires témoignent de la relation entre habitants et islamistes. Comme de petits contes un peu cruels, le regard de Sissako est d'abord amusé, souvent amusant. Il n'y a pas de morale, seulement un constat, celui de l'impuissance, et le film se dirige, avec calme, vers la violence. Celle, absurde, d'un système punitif complètement déréglé par l'application de lois morales qui ne trouvent jamais de sens. Sissako n'interroge pas le fait religieux, les habitants sont eux-mêmes très croyants, son questionnement reste social. Le réalisateur n'évite pas totalement l'écueil de la dissertation avec le personnage de l'imam (Adel Mahmoud Cherif), sage et réfléchi, qui tente en vain d'instaurer un dialogue avec le chef djihadiste (Samel Dendou) mais ces joutes verbales entre deux personnes cultivées qui ne peuvent qu’en rester qu’au dialogue de sourds suscitent l'intérêt.
Timbuktu, surtout, est d’une grande douceur, belle et assurée. Le décor, l'ambiance un peu flottante, la pureté qui se dégage des représentations de Kidane et sa famille emportent le spectateur, Sissako maîtrisant ses effets sans jamais alourdir son geste.
nolan
Note de nolan : 3
(1) On dit « contemplatif » pour être poli, mais le film ne répond pas exactement à cette définition.
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