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Eté 2015

17 Août 2015 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Textes divers

Mission Impossible : Rogue Nation (Christopher McQuarrie, 2015)

Comme un avion (Bruno Podalydès, 2015)

La isla minima (Alberto Rodriguez, 2014)

La nina de fuego (Carlos Vermut, 2014)

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Joann Sfarr, 2015)

Ant-Man (Peyton Reed, 2015)

Les Quatre Fantastiques (Josh Trank, 2015)

Mission Impossible : Rogue Nation (Christopher McQuarrie, 2015)

Mission Impossible : Rogue Nation (Christopher McQuarrie, 2015)

Le nouveau Mission Impossible est un quasi-régal de perfection formelle. Malgré la débauche d’effets spéciaux, il ne se transforme pas en délire pyrotechnique et, si peu crédible soit-elle, l’histoire reste suffisamment compréhensible pour être suivie à la trace. Ainsi, placé sous le haut patronage d’Alfred Hitchcock, Rogue Nation possède cette belle facture classique qui l’élève au rang de divertissement de très haut vol et s’extraie sans peine de la nasse des blockbusters estivaux. Pas de baisse de rythme, pas de faux mouvements, le film possède de telles qualités que l’on en viendrait presque à poser l’insignifiante question du fond pour justifier le plaisir pris au cours de ces quelques deux heures. Hélas ! ou heureusement, le diable n’a pas suffisamment réussi son tour pour que souffre à ce point notre cervelet de pêcheur. Il y a, en effet, une terrible faute de goût et, puisqu’elle se loge au cœur de l’édifice, un sacré vice de forme qui n’est autre que Tom Cruise lui-même. Quoique bien épaulé par l’inconnu Christopher McQuarrie, il est ici seul maître à bord et porte haut un projet qu’il s’attache cependant à consciencieusement saborder. En Ethan Hunt, il est infaillible, entouré de faire-valoir chargés au mieux d’assurer la touche comique, au pire de rappeler sa grandeur. Le spectateur hexagonal reconnaîtra facilement cet insupportable personnage, Jean Gabin l’ayant incarné, avec un brio contestable, durant toute la seconde moitié de sa carrière. On le retrouva ensuite dans les médiocres fictions policières de TF1 sous les traits de Roger Hanin ou de Pierre Mondy. Il a désormais traversé l’Atlantique et, Cruise se l’étant approprié, le problème n’est donc pas tant que, à cinquante-trois ans, celui-ci joue encore au jeune premier mais bien qu’il soit déjà à ce point vieux con. C’est en l’occurrence fort dommage, cet univers peuplé d’agents doubles ou triples perdant beaucoup d’une potentielle ambiguïté qui devrait constituer l’un de ses plus sûrs carburants. Aussi, malgré les louables efforts de son interprète Rebecca Ferguson, la multiple et mélancolique Ilsa Faust cède quelque peu de son magnétisme puisque d’un coup d’œil bienveillant – attention, si ça continue comme ça, dans deux ou trois épisodes, il va devenir carrément paternel car si la jolie fille doit nécessairement tomber dans les bras du héros suprême, elle ne doit pas pour autant le troubler… – la star, à deux doigts de se faire voler la vedette, nous a révélé sa vraie nature. Nous voilà rassurés mais une longue hésitation aurait pourtant semblé préférable. Reste, pour Rogue Nation, sa vitesse, sa souplesse et sa sobriété. Pour une telle machine, cette virtuosité ne laisse de stupéfier.

Comme un avion (Bruno Podalydès, 2015)

Comme un avion (Bruno Podalydès, 2015)

Là où Mission Impossible court sans jamais se départir d’une certaine élégance, Comme un avion, malgré son titre, flâne très tranquillement. Les deux films n’ont d’ailleurs absolument rien en commun si ce n’est qu’ils constituent d’improbables hybrides. L’un croise Hitchcock et Gabin, l’autre opère un rapprochement entre la nombriliste comédie de mœurs à la française, celle où tout le monde couche plus ou moins avec tout le monde, et le cinéma de Jim Jarmusch – ce qui, a priori, est encore plus surprenant. Il nous semble néanmoins que c’est bien ce vers quoi tend irrésistiblement et assez consciemment Bruno Podalydès, qui ne met quand même pas tant d’acharnement à massacrer une chanson de Bashung au ukulélé pour rien, à travers son éloge du temps étiré jusqu’à l’arrêt. Sous ce régime, de baroques rencontres entre personnages lunaires sont alors permises. Certes, il n’est pas question de morts transitant, pour quelque temps encore, sur terre mais, plus prosaïquement, de l’anéantissement d’inutiles contraintes, voire de certains signes de l’horreur de l’époque, la 3D et, surtout, la géolocalisation des smartphones en tête. On prend ainsi plaisir à suivre les amusantes aventures du sympathique Michel, finalement plus déterminé que pusillanime, dans sa quête d’un monde sans performance, sans nécessité d’utilité sociale, bref sans management. On regrette juste que le rêveur ne s’oublie pas un peu plus et qu’il soit tant acquis au discours – l’autre face, psychologique celle-là, de celui qu’il rejette – invitant à devenir l’acteur central de sa propre vie.

La isla minima (Alberto Rodriguez, 2014)

La isla minima (Alberto Rodriguez, 2014)

De temps et d’espace de liberté, il n’y a, en revanche, pas du tout dans La isla minima, solide polar d’Alberto Rodriguez que nolan, dans un tweet, rapprochait justement de True Detective. Mais si ambiance lourde, enquête âpre, duo de flics plus ou moins désaccordé et crimes sordides sont bien au programme, il n’est pas ici question d’envolées philosophico-désespérées mais bien d’histoire et de territoire. Où l’on comprend que, après le long épisode franquiste, la mise en récit commune est désormais impossible alors que, pour les jeunes générations, moins surdéterminées par ce passé, la trop faible intégration des périphéries n’offre guère d’horizon. Dans ces conditions, il est plus facile de trouver la matière d’un film policier, tout à la fois brillant et glauque, que de composer la société espagnole.

La nina de fuego (Carlos Vermut, 2014)

La nina de fuego (Carlos Vermut, 2014)

Par bribes, Carlos Vermut semble effleurer ce sujet dans La nina de fuego mais le réalisateur est surtout soucieux, apparemment persuadé qu’elles suffiront à faire un film, d’afficher quelques-unes de ses obsessions perverses. Las, force est de remarquer qu’il n’a, dans le domaine, pas tant d’imagination que cela et que les additionner mollement en les emballant paresseusement dans une boucle prévisible se révèle très insuffisant. Point de regard, réjoui ou révulsé, sur la noirceur de notre âme mais juste un long bâillement d’ennui devant si fade spectacle.

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Joann Sfarr, 2015)

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (Joann Sfarr, 2015)

Ce n’est pas le cas de La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, film conceptuel de Joan Sfarr dont le titre fétichiste, quand bien même il est celui du roman éponyme de Sébastien Japrisot, constitue à lui seul le programme. « Personne ne fait vraiment attention à personne » souligne Benjamin Biolay dans un trop long monologue final et ce serait bien là la clef de toute l’affaire. Il suffirait alors de faire claquer quelques détails pour imposer une impression à peine étayée mais diffusée par effet de halo. Et le cinéma pourrait se résumer à un art, classieux et vitaminé, de l’esbroufe dans lequel tout n’est qu’artifice de présentation. Le pire, c’est que, malgré un montage inévitablement épileptique, ça marche plutôt pas mal. On objectera certes que, si une robe courte, des cheveux libérés et une voiture de sport transforment soudainement une secrétaire insignifiante en femme fatale, c’est que Freva Mayor est, en fait, plutôt jolie et que, dans son cauchemar éveillé, le suspense est trop secondaire et d’ailleurs pas très bien construit. Autrement dit, c’est en se dotant d’une base assurée que le film trouve son équilibre et en renonçant à en constituer une autre que ses limites se révèlent. Les détails, si clinquants soient-ils, seraient, in fine, insuffisants. D’un autre côté, Sfarr s’y entend pour nous faire croire que tout repose uniquement sur son sens publicitaire ce qui, peut-être, administre définitivement la preuve de la sûreté de celui-ci. Un doute se fait jour. Admettons qu’il profite à l’accusé et au spectateur.

Ant-Man (Peyton Reed, 2015)

Ant-Man (Peyton Reed, 2015)

Enfin, histoire d’être complet, il y a bien sûr des films de super-héros. Ant-Man tourne, avec un humour un peu pataud, autour d’une bonne idée en échouant à complètement l’exploiter. Pour l’homme-fourmi, à l’instar de tous ses compères en justaucorps, il est toujours question de l’infiniment grand, c’est-à-dire rien moins que sauver le monde d’un très méchant personnage, et ce récit, maintes fois narré, nous ramène à l’infiniment petit de nos fantasmes de gosses. Ici, la bataille finale se joue donc dans une chambre à jouet. Celle des Quatre Fantastiques adopte le cadre, nettement plus traditionnel, d’une dimension parallèle. Mais il n’y a vraiment rien à dire de cet ultime combat, non plus que du reste du film, bâclé et d’une navrante nullité.

Les Quatre Fantastiques (Josh Trank, 2015)

Les Quatre Fantastiques (Josh Trank, 2015)

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N
Je n'ai pas vu Rogue Nation mais tu prends le contrepied des critiques que j'ai pour habitude de lire. Elles n'envisagent le film qu'à travers l'aspect Dorian Gray de Tom Cruise alors que tu prends le temps d'évoquer les qualités du film avant de pointer ce qui apparait comme le défaut du film : Tom Cruise.
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A
Mais c'est l'un des meilleurs films de divertissement - et même l'un des meilleurs tout court - parmi ceux que j'ai vus récemment. Il est d'une extraordinaire efficacité mais gâché par Cruise ou son personnage. <br /> On peut certes s'interroger sur l'éternelle jeunesse, y voir je ne sais quelle réflexion ou réflexivité entre le film et ce que Cruise incarne en tant que star mais l'intérêt n'est pas là, pas plus que le problème. En tant que héros total, ce qui dérange ce n'est pas son apparente jeunesse puisqu'il apparaît bien comme assez jeune dans le film (peu importe le procédé qui permet ce résultat) mais son absence totale de complexité. On ne lui demande pas de se livrer à une réflexion sur son vieillissement puisque, sans celle-ci, le film tient parfaitement la route et ledit vieillissement ne le gêne pas du tout. Par contre, qu'il ne puisse faillir l'est énormément. D'une part, c'est ridicule et cela ramène vers le Gabin finissant ou TF1. D'autre part, un film d'espionnage, même sous le mode entertainment, ne peut se passer d'un minimum de doute ou de trouble (c'est criant pour le regard que l'on porte sur le personnage d'Ylsa Faust). Et, en ce sens, le film renonce, sans que rien ne vienne justifier ce choix fors l'ego de Cruise, aux codes qui (devraient) le fonde(r). Or, pour le reste, il est bien une merveille de respect de la forme.
D
Bonsoir Ran, pour Mission impossible, je me suis bien divertie: bien fait et en effet pas trop d'effets spéciaux "esbroufe". En revanche, la BA était mauvaise, j'espère qu'elle n'a pas découragé certains. Concernant La Isla minima: très bon polar à l'atmosphère lourde. Bonne fin d'après-midi.
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A
Bonjour. Je n'avais pas vu la bande-annonce. J'ai donc bien fait.
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