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Bilan cinématographique 2015 par Antoine

7 Février 2016 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Tops

Affiche d’Inherent Vice (Paul Thomas Anderson)

Affiche d’Inherent Vice (Paul Thomas Anderson)

Top 2015

 

Alors, 2015, résultat des courses ? Saisie par un cerveau anémié depuis une zone de relégation culturelle, l’année, composée d’une trentaine de nouveautés, ne donne finalement pas grand-chose de bon. Puisque c’est de classement qu’il s’agit, cela ne fait pas un pli, seul Inherent Vice se distingue. Son héros, le Doc, est le seul homme encore debout et, sous acides, résiste à une gangrène libérale qui a depuis longtemps transformé toute esquisse d’utopie en produit marketing. C’est admirable, un brin désabusé et surtout très drôle. Mais, quoique tout à fait d’accord, il me faut noter que, si tout était bel et bien foutu d’avance – le rêve est une ânerie, dès lors qu’on connaît un peu l’homme, comme le remarquait Billy Wilder en 1961 –, le cinéma a mis du temps pour afficher telle pauvreté globale. Structure ou conjoncture, telle est la question ? Un peu des deux, sans doute. On sent bien l’art entré en hiver, n’ayant plus grand-chose à dire ou montrer et prêt à aller tout au bout d’une logique consumériste (le blockbuster franchisé dont Star Wars VII constitue une sorte d’achèvement) ou, ce qui est bien pire, se complaisant dans une narcissique boursoufflure à la mode (l’épouvantable Birdman mais, à certains égards, Taxi Téhéran relève aussi de cette catégorie). Cependant, en un temps pas si éloigné, 2014 par exemple, s’il y avait déjà tous ces problèmes, un certain nombre de vrais films émergeaient encore (Maps to the Stars, Saint Laurent, Only Lovers Left Alive, Sils Maria, Black Coal, Gone Girl…). Bref, dans le désastre de 2015, il y a peut-être un effet de lieu (qui parle d’égalité, surtout en matière culturelle, n’a pas connu la province profonde), une disposition d’esprit défavorable, de mauvais choix ou même, pourquoi pas, cela peut aussi arriver, une concentration anormale de mauvais films. Toujours est-il que, la mesure soit ou non faussée, il m’est bien difficile de sacrifier à l’exercice rituel du top 10 qui, plus que jamais, confine au remplissage routinier tant je ne sais quoi y faire figurer. Enfin, voilà mes choix qui, à une heure différente, l’eurent probablement également été, quelques quinze films moyens se dégageant avec grand peine de mon esprit aussi embrumé que celui du Doc :

 

  1. Inherent Vice (Paul Thomas Anderson)

  2. Au-delà des montagnes (Jia ZhangKe)

  3. Le Pont des espions (Steven Spielberg)

  4. Mustang (Denis Gamze Ergüven)

  5. The Big Short (Adam McKay)

  6. Mission impossible : Rogue Nation (Christopher McQuarrie)

  7. Foxcatcher (Bennett Miller)

  8. L’Homme irrationnel (Woody Allen)

  9. Trois souvenirs de ma jeunesse (Arnaud Desplechin)

  10. Taxi Téhéran (Jafar Panahi)

 

Donc, 2015, c’était franchement raté. Il y a donc quelque saine logique, et un calice bu jusqu’à la lie, à ce que le plus mauvais film de l’année soit aussi le pire qu’il ne m’ait jamais été donné de voir au cinéma. Je sais, j’avais déjà dit cela il y a deux ans avec Les Ames vagabondes, qui, déjà, constituait, une découverte accueillie avec circonspection, sinon stupéfaction. Mais Crosswind : La Croisée des vents pousse le curseur bien plus bas encore. Il est vrai que, jusqu’ici, au cinéma, j’avais pris l’habitude de voir des films soit de l’image en mouvement. Or, dans ce cas, il s’agit de visiter une sorte de musée Grévin, la caméra se déplaçant entre des tableaux humains évoquant la déportation opérée par le régime soviétique dans les pays baltes en 1941. Le destin – forcément – tragique mais – évidemment – vrai d’Erna est prétexte à nous montrer toutes les horreurs possibles (séparation forcée, viol, perte de l’enfant unique, destructions de tous les espoirs…). Le dispositif sonore est également intéressant : outre les traditionnels et envahissants violons, on entend les lettres qu’Erna écrit pour son mari (mais qu’elle ne peut lui envoyer – elle ne sait où il se trouve et, histoire de rigoler un peu, on apprendra à la fin qu’il était mort depuis le début) mais aussi, pointe ultime de raffinement, un léger murmure. Tout fièrement, Martti Helde prend bien soin de faire savoir que ce sont les noms des victimes qui sont ainsi chuchotés. Je ne sais pas pourquoi, c’est ridicule d’ailleurs, mais j’ai alors tiqué sur l’âge du réalisateur. Souhaite-t-il seulement se faire remarquer ou se peut-il qu’il se prenne au sérieux ? En fait, à tout propos, je n’ai jamais vraiment cessé de me poser cette question sans vraiment savoir quelle réponse me satisferait le plus…

 

Antoine Rensonnet

Affiche de Crosswind : La Croisée des vents (Martti Helde)

Affiche de Crosswind : La Croisée des vents (Martti Helde)

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