5 ans de réflexion
Un des meilleurs poulains de l'écurie Apatow se lance dans une comédie romantique de ‘‘l’après’’ où le couple décide de se caser. On croit voir un dégoulinant hommage aux valeurs du mariage qui laisse penser que l’aspect conservateur de ses comédies a vraiment pris le pas sur l’humour. Mais ce n’est pas le cas.
Article paru sur
Emily Blunt et Jason Segel
Célébrant le mariage comme ciment du couple, traduction absolu de l’amour que l’on ressent l’un pour l’autre, les vingt premières minutes de 5 ans de réflexion sont assez épouvantables. Tom (Jason Segel), second d’un prestigieux restaurant californien, se fiance avec Violet (Emily Blunt), psychologue en thèse. Ils sont sympathiques et attendrissants, et la demande en mariage se joue des conventions (dont la première, l’effet de surprise) sans que l’on puisse trouver tout ça autrement que d’une tristesse complète. Nous sommes pourtant dans la galaxie Apatow (ici producteur), faiseur de comédies drôles mais conservatrices. Ici l’humour, volontairement moins trash que d’habitude, semble s’être envolé. Malgré la présence de l’ami aussi fidèle que bête Alex (Chris Pratt très bon) qui chante une réjouissante chanson sur les ex de Tom durant ses fiançailles, on se sent tout doucement renoncer devant ce trop-plein de tendresse.
Commençant par la traditionnelle fin d’une comédie romantique – ils sont fait l’un pour l’autre, ils le savent – avec l’ambition de raconter ce qui se passe après, le film repart heureusement lorsque Tom et Violet se font voler leur mariage par Alex et la sœur de Violet, Suzie (Alison Brie) qui les devancent. Démarre alors une succession d’événements qui va mettre à rude épreuve le couple qui, sans cesse, va devoir reporter la noce. Pendant qu’Alex et Suzie suivent une trajectoire classique (enfants, promotion, dépression), Tom suit Violet qui décroche une place dans une bonne école du Michigan (pas celle qu’elle aurait souhaitée). Tom se dilue littéralement en tant qu’individu malgré les efforts de Violet, partagée entre son amour pour lui et sa volonté d’accomplir son parcours universitaire. Le film perd en rythme – encore deux bonnes heures pour cette comédie – ce qu’il gagne en amertume. Il trouve alors un équilibre, le scénario décrivant habilement les trajectoires de Violet et Tom, sans que les télescopages attendus soient forcés. Les nombreux personnages secondaires représentent un champ des possibles bien peu réjouissant (sauf pour le spectateur). Aussi les gags font-ils bien plus souvent mouche. En particulier lorsqu’ils tournent autour de la décrépitude de Tom, largement aidé par son interprète coutumier de ce genre de personnage : on savoure son chipotage après une dispute dans le lit presque conjugal, son air résigné lorsqu’il se met à la chasse au cerf, son rire triste lorsqu’il regarde des vidéos de chat sur internet au lieu de surveiller une petite fille ou son allure pataude lorsqu’il se bat avec un prof (Rhys Ifans) qui fait les yeux doux à Violet.
Bien sûr, il s’agit d’une comédie romantique et ces deux là finiront bien par se marier, le film, comme son titre l’indique, ne cherche pas à faire croire autre chose. Mais reconnaissons que durant une heure et demie, le réalisateur fait preuve d’une certaine subtilité évitant de glorifier les gens moyens, les petits succès comme on peut le voir dans tant de comédies récentes. Ils ne clouent pas non plus ces personnages au pilori, l’acidité n’étant pas l’affaire de Nicholas Stoller. Au moins dessine-t-il une certaine vision du couple qu’il interroge, sans se faire moraliste mais sans remise en cause.
Les bonus DVD n’ont aucun intérêt, même le bêtisier n’est pas très drôle.
nolan
Note de nolan : 2
5 ans de réflexion, (Nicholas Stoller, 2012)
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