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Au-delà

3 Février 2011 , Rédigé par Ran Publié dans #Critiques de films récents

Un tout petit film d’un très grand auteur. Tel se présente Au-delà, encombré de multiples thématiques trop souvent effleurées ou traitées sans grande finesse et manquant terriblement d’humour. Grâce à quelques détails, le film réussit tout de même à échapper à la médiocrité.

 

 

 

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George Lonegan (Matt Damon)

 

Clint Eastwood est-il sincèrement persuadé de l’existence d’une vie après la mort et de la possibilité d’entrer en communication avec cet au-delà, qui donne son titre (français) à son nouvel opus ? Contrairement à de trompeuses apparences, on serait plutôt tenté de répondre par la négative après la vision de ce film. En effet, le vieux réalisateur (quatre-vingt ans) semble éprouver l’impérieuse nécessité de tout dire et de tout montrer, étant apparemment certain qu’il sera bientôt irrémédiablement trop tard. Aussi Au-delà est-elle une œuvre qui brasse (et ne fait souvent qu’effleurer) les thèmes les plus divers. Clint Eastwood s’est visiblement donné pour mission d’évoquer tous les maux de la société avec, pêle-mêle, les catastrophes naturelles frappant les pays pauvres (le film s’ouvre sur un tsunami), les attentats menaçant leurs homologues riches (on en verra un dans le métro de Londres), la tragédie d’enfants ayant des parents drogués, les difficultés de la classe ouvrière ou encore le drame des personnes inadaptés. Plus intéressant est cette idée très eastwoodienne de la nécessité de vivre avec son passé et ses morts couplé à celle d’y échapper au moins partiellement pour avancer dans l’existence. La possibilité de le faire sera ici offerte au jeune Marcus (Frankie et George McLaren), traumatisé par la mort de son frère jumeau Jason grâce à un homme providentiel – personnage eastwoodien récurrent (et qui était au cœur de l’œuvre précédente du réalisateur, Invictus – 2009) –, le médium George Lonegan (Matt Damon). Cela fait tout de même beaucoup, trop sans aucun doute d’autant que la dimension fantastique – la capacité de George à entrer en contact avec les défunts et l’expérience de vie post mortem connue par Marie Lelay (Cécile de France) au début du film – qui enrobe le tout et ne devrait servir que de prétexte à la mise en scène de ces multiples éléments ne se laisse guère oublier et est traité sans finesse.

 

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Marcus (Frankie ou George McLaren)

 

Ajoutons encore que ce film surchargé[1] (comme l’était déjà le bien supérieur L’Echange en 2008) est encombré d’un pathos de tous les instants ou presque (qui se manifeste notamment par une musique – due au réalisateur lui-même – aussi omniprésente qu’exaspérante). A l’inverse l’humour, volontairement banni d’Au-delà, est désespérément absent ; et ce alors que certaines séquences, notamment lorsque Marcus va rencontrer différents charlatans, auraient dû s’y prêter… En outre, aucun des héros, ni même des seconds rôles, ne présente la moindre aspérité et si Eastwood nous montre l’horreur du monde, il évite soigneusement que celle-ci se manifeste à travers ses personnages. Bref, l’ensemble est bien lourd et bien fade. Il n’ajoutera donc pas grand-chose à l’immense carrière de l’auteur d’ Impitoyable (1992).

 

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Marie Lelay (Cécile de France)

 

Faut-il pour autant en déduire qu’il n’y aurait rien à sauver de cet opus (très) mineur ? Non pas. Car Eastwood a tout de même du métier et il sait articuler, avec fluidité, les trois trames narratives de son récit (chacune étant portée par un personnage : George, Marie et Marcus) pour les faire se rencontrer à la toute fin du film. De plus, il offre – notamment grâce à des éclairages souvent magnifiquement travaillés – quelques très beaux plans tout particulièrement ceux situés dans les docks de San Francisco mais aussi lorsque l’infiniment seul George est amené à regarder à travers les fenêtres ou encore quand la caméra montre, en adoptant un point de vue situé en hauteur, les allées du salon du livre de Londres. Enfin, l’interprétation est de qualité, Matt Damon en tête (bien plus convaincant que dans Invictus), souvent touchant en homme-enfant malgré lui, par exemple, lorsqu’il écoute presque religieusement Derek Jacobi (lui-même) lire des passages de l’œuvre de son héros, Charles Dickens. Cela suffit à sauver Au-delà de la médiocrité. Mais, il faut bien l’avouer, d’assez peu. Aussi lorsque l’on aime Clint Eastwood et les fantômes, mieux vaut tout de même revoir Pale Rider (1985).

 

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Marie Lelay et George Lonegan

 

Ran

 

Note de Ran : 2

Note de nolan : 2

 

Au-delà (Clint Eastwood, 2010)

 

[1] On y entendra même parler, par l’intermédiaire de Marie, journaliste à France Télévisions, de… François Mitterrand. Est-ce (mais cela n’est pas rappelé) parce que dans ses derniers vœux présidentiels, l’homme très malade disait croire aux forces de l’esprit ?

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R
<br /> <br /> Ah, là, là, ces programmateurs de cinéma qui ne nous donnent jamais ce que l'on veut voir !<br /> <br /> <br /> Je te trouve un petit peu dur. C'est sûr que ce n'est pas un chef d'oeuvre mais c'est tout de même plus trop plein que vide cette affaire. Et, puis la fin, quoique très critiquée, je trouve qu'elle ne passe si mal même si, là encore, on a vu mieux.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Eh bien je l'ai vu car il n'y avait pas de séance de The Green Hornet. Et je suis déçu... Même si je m'y attendais vu les critiques. C'est long et vide. Et que dire de la fin qui ressemble à une<br /> pub pour carte noire.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> "Poser des questions est ma vocation; y répondre, non" disait Henrik Ibsen, l'un de mes dramaturges préférés qui n'a cessé de mettre ce principe en application. Je suis donc parfaitement d'accord<br /> avec le fait qu'une grande oeuvre interroge plus qu'elle ne propose des solutions toutes faites. C'est pourquoi j'apprécie assez peu, en général, le cinéma social ou politique (y compris quand je<br /> suis d'accord) qui est souvent un peu trop didactique. Par exemple, je ne comprendrais jamais qu'on puisse donner une palme d'or à un film comme Entre les murs (et je ne parle pas de<br /> Fahreneit  9/11 qui a eu la palme l'année de 2046 parce que c'est très mauvais pour mes nerfs).<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est de Clint Eastwood et d'Au-delà - je ne réagis pas sur Incendies (même si cette critique donne envie de le voir) ayant pour principe de ne que très rarement<br /> commenter des films non vus (bon, je pense que le dernier Dany Boon n'est pas un chef d'oeuvre) -, il s'agit sans aucun doute d'un film mineur d'un grand réalisateur. Il est capable d'infiniment<br /> plus de subtilité. Quelques séquences d'Au-delà rappellent d'ailleurs son talent par leur beauté plastique alors que la narration est fluide ce qui n'avait rien d'évident. Par ailleurs<br /> Matt Damon, très inspiré (si je puis dire), apporte une véritable gravité (qui ne se confond pas du tout avec la lourdeur). Mais, le téléguidage par l'éprouvante et omniprésente musique affecte<br /> énormément le film et tend à gâcher ses meilleurs moments. Par ailleurs, trop de thèmes sont abordés pour qu'ils soient tous traités avec finesse. Cela fait deux lourds défauts, l'un lié à la<br /> forme et l'autre fond (même si je suis réservé sur cette distinction), pour que le film soit autre chose que "juste pas mal" comme dit nolan. Ceci dit, je suis également content de l'avoir vu.<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> mon humble avis rejoint celui de Ran. Que de pathos ! J'ajouterais que la construction du film m'a semblé attendue et sans relief réel. Malgré le tsunami, le film manquait de "souffle": )<br /> <br /> <br /> Souffle que j'ai par ailleurs trouvé dans le film Incendies du canadien Denis Villeneuve. Cela faisait bien longtemps qu'une oeuvre ne m'avait à ce point bouleversée. Peut-être que cela<br /> est dû au fait qu'il est l'adaptation d'une pièce de théâtre de Wadji Mouawad. La construction de l'intrigue, aussi en puzzle, renforce les tragédies personnelles. Dans Au-delà, je n' ai<br /> vu que de grosses ficelles (on comprend, par exemple, très rapidement que Marie Lelay va se faire larguer par son namoureux, méchant chef de rédaction, même pas foutu d'acheter un cadeau à 1<br /> dollar pour ses gamins, restés sous la grisaille parisienne). Incendies, avec la force des tragédies grecques, posent aussi des questions essentielles sur la quête d'identité, le Bien,<br /> le Mal, la colère, l'amour ou encore l'altérité, mais (et c'est ce qui, à mon sens, fait aussi la qualité d'une grande oeuvre) ce film apporte plus de questions qu'il n'offre de réponses. Chez<br /> Eastwood, un thème comme l'au-delà aurait mérité de proposer une fin plus en subtilité. La seule évocation des charlatans de l'outre-monde (qui, cela est vrai, était l'occasion d'une scène<br /> beaucoup plus légère voire comique) ne suffit pas à constituer un contrepoids. Enfin, la scène inaugurale (je crois), où l'on voit des enfants se faire raser la tête et qui capture en gros plan<br /> un regard d'enfant interrogateur et accusateur tout à la fois, a, à mon sens, plus de force que celle du tsunami et est portée par un morceau de Radiohead au rythme lancinant.<br /> <br /> <br /> Vous l'aurez compris, Incendies m'a emballée et il me tarde de lire vos avis sur ce film.<br /> <br /> <br /> PS1 : il y a aussi l'accent québécois des acteurs, et rien que ça, c'est trop sympa !<br /> <br /> <br /> PS2 : cela dit, je n'ai pas regretté de voir Au-delà !<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Je confirme.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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