Au-delà
Un tout petit film d’un très grand auteur. Tel se présente Au-delà, encombré de multiples thématiques trop souvent effleurées ou traitées sans grande finesse et manquant terriblement d’humour. Grâce à quelques détails, le film réussit tout de même à échapper à la médiocrité.
George Lonegan (Matt Damon)
Clint Eastwood est-il sincèrement persuadé de l’existence d’une vie après la mort et de la possibilité d’entrer en communication avec cet au-delà, qui donne son titre (français) à son nouvel opus ? Contrairement à de trompeuses apparences, on serait plutôt tenté de répondre par la négative après la vision de ce film. En effet, le vieux réalisateur (quatre-vingt ans) semble éprouver l’impérieuse nécessité de tout dire et de tout montrer, étant apparemment certain qu’il sera bientôt irrémédiablement trop tard. Aussi Au-delà est-elle une œuvre qui brasse (et ne fait souvent qu’effleurer) les thèmes les plus divers. Clint Eastwood s’est visiblement donné pour mission d’évoquer tous les maux de la société avec, pêle-mêle, les catastrophes naturelles frappant les pays pauvres (le film s’ouvre sur un tsunami), les attentats menaçant leurs homologues riches (on en verra un dans le métro de Londres), la tragédie d’enfants ayant des parents drogués, les difficultés de la classe ouvrière ou encore le drame des personnes inadaptés. Plus intéressant est cette idée très eastwoodienne de la nécessité de vivre avec son passé et ses morts couplé à celle d’y échapper au moins partiellement pour avancer dans l’existence. La possibilité de le faire sera ici offerte au jeune Marcus (Frankie et George McLaren), traumatisé par la mort de son frère jumeau Jason grâce à un homme providentiel – personnage eastwoodien récurrent (et qui était au cœur de l’œuvre précédente du réalisateur, Invictus – 2009) –, le médium George Lonegan (Matt Damon). Cela fait tout de même beaucoup, trop sans aucun doute d’autant que la dimension fantastique – la capacité de George à entrer en contact avec les défunts et l’expérience de vie post mortem connue par Marie Lelay (Cécile de France) au début du film – qui enrobe le tout et ne devrait servir que de prétexte à la mise en scène de ces multiples éléments ne se laisse guère oublier et est traité sans finesse.
Marcus (Frankie ou George McLaren)
Ajoutons encore que ce film surchargé[1] (comme l’était déjà le bien supérieur L’Echange en 2008) est encombré d’un pathos de tous les instants ou presque (qui se manifeste notamment par une musique – due au réalisateur lui-même – aussi omniprésente qu’exaspérante). A l’inverse l’humour, volontairement banni d’Au-delà, est désespérément absent ; et ce alors que certaines séquences, notamment lorsque Marcus va rencontrer différents charlatans, auraient dû s’y prêter… En outre, aucun des héros, ni même des seconds rôles, ne présente la moindre aspérité et si Eastwood nous montre l’horreur du monde, il évite soigneusement que celle-ci se manifeste à travers ses personnages. Bref, l’ensemble est bien lourd et bien fade. Il n’ajoutera donc pas grand-chose à l’immense carrière de l’auteur d’ Impitoyable (1992).
Marie Lelay (Cécile de France)
Faut-il pour autant en déduire qu’il n’y aurait rien à sauver de cet opus (très) mineur ? Non pas. Car Eastwood a tout de même du métier et il sait articuler, avec fluidité, les trois trames narratives de son récit (chacune étant portée par un personnage : George, Marie et Marcus) pour les faire se rencontrer à la toute fin du film. De plus, il offre – notamment grâce à des éclairages souvent magnifiquement travaillés – quelques très beaux plans tout particulièrement ceux situés dans les docks de San Francisco mais aussi lorsque l’infiniment seul George est amené à regarder à travers les fenêtres ou encore quand la caméra montre, en adoptant un point de vue situé en hauteur, les allées du salon du livre de Londres. Enfin, l’interprétation est de qualité, Matt Damon en tête (bien plus convaincant que dans Invictus), souvent touchant en homme-enfant malgré lui, par exemple, lorsqu’il écoute presque religieusement Derek Jacobi (lui-même) lire des passages de l’œuvre de son héros, Charles Dickens. Cela suffit à sauver Au-delà de la médiocrité. Mais, il faut bien l’avouer, d’assez peu. Aussi lorsque l’on aime Clint Eastwood et les fantômes, mieux vaut tout de même revoir Pale Rider (1985).
Marie Lelay et George Lonegan
Ran
Note de Ran : 2
Note de nolan : 2
Au-delà (Clint Eastwood, 2010)
[1] On y entendra même parler, par l’intermédiaire de Marie, journaliste à France Télévisions, de… François Mitterrand. Est-ce (mais cela n’est pas rappelé) parce que dans ses derniers vœux présidentiels, l’homme très malade disait croire aux forces de l’esprit ?
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