Bright Star
Fanny Brawne (Abbie Kornish) et John Keats (Ben Whishaw)
Avant toute chose, le film de Jane Campion est un choc esthétique. La beauté plastique de Bright Star est ainsi la première de ses qualités. Chaque image ou presque, en effet, y est sublime. Qu’il s’agisse des extérieurs avec ces plans larges qui mettent en valeur les couleurs de chacune des saisons qui, insensibles au drame que nous présente le film, tranquillement, se succèdent. Les intérieurs sont également superbes avec notamment de magnifiques éclairages à la bougie ou encore des décors qui répondent avec grâce aux costumes créées par l’héroïne – celle-ci est couturière –, Fanny Brawne (Abbie Kornish), dont les gestes créatifs sont fort bien mis en scène tout particulièrement dans la première moitié de l’œuvre. Ainsi, par delà le classicisme et le raffinement revendiqués, cette beauté des images, à elle seule, suffit à faire du film une vraie réussite.
Quant aux personnages, tous sont intéressants (et, au surplus, fort bien joués). Cette Fanny Brawne à la peau de lait, est ainsi une très belle héroïne à la fois fragile et résolue dont l’amour total et tragique – notamment parce que s’il la sublime, il lui ôte aussi, progressivement, sa joie de vivre – pour le poète romantique anglais John Keats ne peut que toucher le spectateur. Quant à ce personnage de Keats (Ben Whishaw), timide, valétudinaire et légèrement efféminé, il figure bien l’artiste maudit qu’il fut dans la réalité. Et si Jane Campion sait nous faire partager son génie littéraire, elle fait également en sorte que jamais Keats ne vole le premier rôle à Fanny Brawne. Ainsi celle-ci, à aucun moment du film, n’est réduite à un simple véhicule pour approcher le poète alors que ce défaut est très largement répandu quand il s’agit, dans une création artistique, de présenter la vie d’un personnage célèbre à travers l’un de ses proches. Dans Bright Star, Jane Campion choisit son centre et toujours s’y tient. Elle a même le talent de créer quelques autres personnages assez complexes comme cette Mrs Brawne (Kerry Fox) dont on ne sait, tout au long du film (sauf dans ses derniers moments), ce qu’elle souhaite pour sa fille Fanny : un beau mariage conforme à son rang ou son bonheur qui, donc, passe par une union avec le désargenté John Keats. Ainsi est-elle amenée à confronter la théorie de ses jugements moraux avec sa pratique sociale. Mais, parmi les seconds rôles, c’est bien Mr Brown (Paul Schneider), poète peu talentueux et amical bienfaiteur de John Keats, qui retient le plus l’attention. L’ambigüité de ses sentiments pour John Keats ainsi que l’ambivalence de son comportement ne cessent d’interpeller le spectateur.
D’où vient alors que l’enthousiasme n’est pas absolument total à la vision de Bright Star ? Sans doute du fait que tout y apparaît joué d’avance. L’amour que se portent Fanny Brawne et John Keats, marqué par le Fatum, est à la fois trop réciproque, trop pur et trop chaste au point de ne sembler presque jamais évoluer alors que le film se déroule sur trois années (entre 1818 et 1821). Aussi finit-il par apparaître un peu trop sage aussi… En fait, sans doute manque-t-il à l’œuvre de Jane Campion un grand moment épique. Peut-être se l’est-elle interdit par modestie mais, au vu des immenses qualités formelles de son film, il y a tout lieu de penser qu’elle pouvait – et devait – se le permettre. Une prochaine fois ?
Ran
Note de Ran : 4
Note de nolan : 4
Bright Star (Jane Campion, 2009)
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