Carte des sons de Tokyo
Le dernier film d’Isabel Coixet s’attaque au sous-genre du film de tueur à gages pour vanter les mérites de Tokyo. La ville sera remarquablement photographiée. Pendant ce temps-là, le film patauge dans une histoire improbable dont la réalisatrice échoue à faire accepter les invraisemblances.
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Article paru sur
Sergi Lopez fait style il n'a pas vu Rinko Kikuchi
Le sous-genre du film de tueur… Voilà un support idéal pour raconter une histoire d’amour impossible, parler de la grande solitude des êtres dans des cités surpeuplées. Isabel Coixet a sans doute pensé à tout cela lorsqu’elle s’est attaquée à l’écriture de Carte des sons de Tokyo pour, d’une part, présenter une ville sur laquelle elle a visiblement flashé et, d’autre part, présenter cette morale : c’est quand les êtres s’en vont qu’on se rend compte de leur importance. Alors cher lecteur, je vous vois perplexe, vous vous dites : qu’est-ce que c’est que ce cliché (à la con) ?! Et bien, vous répondrai-je, c’est un cliché (à la con) mais que la réalisatrice nous montrera avec un sérieux papal en offrant à certains protagonistes de grands moments de ridicule. Mais passons à l’histoire, vous voulez bien ? Ah, Tokyo et ses gens qui enlèvent tout le temps leurs chaussures ! Un vieil homme (Min Nataka) qui enregistre des sons (paroles et silences relaxants) tient compagnie de temps à autre à Ryu (Rinko Kikuchi, excellente actrice), jeune poissonnière et tueuse à gages. Le vieil homme sera l’inutile narrateur du film et sa relation platonique avec Ryu sera à peine traitée. Notre poissonnière est discrète, parle peu. Pendant ce temps, une fille se suicide. Son père, Nagara (Takeo Nakahara), est un riche industriel super dégoûté. Il charge son bras droit Ishida (Hideo Sakaki) – super dégoûté aussi – de faire exécuter le fiancé de sa fille, David (Sergi Lopez), puisque comme le veut la tradition japonaise, tous les grands patrons ont plus ou moins des gênes de Yakusas. Qu’a donc fait David, excepté d’avoir une pilosité au delà de la normale pour un tokyoïte qui se respecte ? Et bien, il se trouve que David, immigré espagnol est un type bien, qu’il a fait ce qu’il a pu et que le manque d’amour que lui reprochait sa fiancée était parfaitement injustifié. Aussi quand Ryu est chargée de l’éliminer, elle tombe instantanément amoureuse d’un homme qui la comprend du premier regard et qu’il ne lui pose pas trop de questions. Et au lieu de le tuer, elle couche sans cesse avec lui mais lui ne pense qu’à son ex et les employeurs de Ryu se demandent bien ce qui se passe.
Le film de tueur a donné lieu à de grands films : Tueur à gages de Frank Tuttle (1942) a inspiré Le Samouraï de Jean-Pierre Melville (1967) qui, lui, fut une référence ces dernières années pour de nombreux auteurs, le plus brillant étant Jim Jarmush avec Ghost Dog (1999) et The Limits of Control (2009). L’histoire du tueur professionnel qui veut raccrocher et qui lutte en vain contre les éléments est un excellent support pour de nombreux et très bons films : l’action avec par exemple la Mort dans la peau (Paul Greengrass, 2004), la comédie avec Bons baisers de Bruges (Martin McDonagh, 2008) et bien d’autres (Bittersweet Life de Kim Jee-Woon en 2004, The Killer de John Woo en 1989, The American de Anton Corbjin en 2010…). Mais il existe aussi une quantité non négligeable de très mauvais films de tueurs et notamment les balourdises de Luc Besson que sont Nikita (1990) et Léon (1994) ou, du côté des Américains, le catastrophique Assassins de Richard Donner (1995). Carte des sons de Tokyo cherche clairement à éviter la lourdeur pour divaguer sur la mélancolie de la solitude dans la capitale japonaise, sur le regard de l’étranger, sur cette ville hypnotisante et complexe. La réalisatrice se concentre sur les belles images de Tokyo, sur les scènes de sexe entre nos deux héros et oublie complètement les autres personnages dans l’obligation qu’elle s’est donnée de créer de mauvaises scènes lacrymales, ceci faisant perdre toute cohérence a une histoire déjà parfaitement improbable. Logiquement le final est complètement foiré et se double d’une maladroite conclusion barcelonaise sans aucun intérêt. Cela est bien dommage car les deux acteurs principaux sont particulièrement convaincants. Mais le film est sans grâce et sans scénario, il faut au moins l’un pour compenser l’autre.
nolan
Note de nolan : 1
Carte des sons de Tokyo (Isabel Coixet, 2009)
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