Chronicle
Chronicle pourrait être sous-titré Magneto au bal du diable, tant il s'inspire aussi bien du célèbre méchant X-Men que du chef-d’œuvre de Brian de Palma, Carrie au bal du diable. Le tout est empaqueté en mode found footage, pratique pour les économies de moyen mais qui contraint le réalisateur à utiliser quelques grossiers subterfuges pour raconter son histoire.
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Dane DeHaan
Voilà que trois jeunes étudiants se trouvent dotés de super-pouvoirs en tombant dans un trou mystérieux (extra-terrestre caché ? Pas de réponse, mais peu importe …). Steve le populaire (Michael B. Jordan, fendard), Matt (Alex Russel) qui aimerait bien l'être et Andrew (Dane De Haan) le marginal, se découvrent d'étonnants dons de télékinésie. Andrew, le meilleur d'entre eux, se filme en permanence. Une manière pour lui d'exorciser son mal-être, d'avoir les preuves de la brutalité de son père (Michael Kelly), de garder des souvenirs de sa mère (Bo Peterson) très malade. Aussi, le film est-il présenté sous formes d'extrait des bandes d'Andrew.
Exercice fort populaire dans le cadre de film d'horreur (pour ne citer que les plus célèbres : Cannibal Holocaust – Ruggero Deodato, 1980 ; Le Projet Blair Witch – Daniel Myrick, Eduardo Sanchez, 1999 ; Rec – Jaume Balagueró, Paco Plaza, 2007), le found footage consiste à présenter au spectateur une vidéo filmée par un des protagonistes (qui, généralement, décèdera comme les autres) et miraculeusement retrouvée. Ainsi, l'effet de réel s'en trouve-t-il renforcé, l'idée étant de filmer tout cela avec un maximum d'amateurisme. Dans ce cadre mal cadré, toutes les angoisses sont multipliées puisque le spectateur ne voit pas tout et sa peur est soutenue par les commentaires de celui qui tient la caméra. Même devant l'horreur la plus totale, personne ne balance l'objet pour prendre les jambes à son cou. Cela nécessite une certaine rigueur car les outils classiques (contrechamp, découpage, ...) ne peuvent être utilisés, les cadres soignés ne devant pas exister. Néanmoins, le réalisateur ne doit pas rendre l'objet irregardable ou incohérent. A ce jeu, Rec s'avérait fort réussi avec un postulat de départ permettant de renforcer sa crédibilité : celui qui filme est un caméraman professionnel, initialement en reportage. La recette marche également avec Cloverfield (Matt Reeves, 2008) qui fait accepter facilement la présence d'un personnage filmant tout et en permanence. Or, sur ce point Chronicle s’avère maladroit. D'une part, il tient absolument à souligner le narcissisme d'Andrew pour justifier un filmage continu sur plusieurs mois aux quatre coins du monde – quand Rec tirait profit de ses unités de lieu et de temps. D’autre part, il n'arrive pas à respecter l'unité du cadre puisque le film présente une autre caméra tenue par une bloggeuse, filmeuse compulsive, afin de proposer quelques contrechamps ou de s’éloigner, de manière totalement injustifiée, du personnage central alors qu’à la toute fin une armada d'outils de communication (téléphones, appareils photo, caméras de surveillance, …) servent de supports. Pourtant le film se garde de toute réflexion là-dessus. Cette technique apparaît alors rapidement inutile et nous nous demandons ce qu'aurait perdu le film à être filmé plus classiquement. Il sert sans doute à pallier un manque de moyens financiers ressenti dans les effets spéciaux.
Côté super-héros et ado frustré, le métrage est, par contre, plutôt pas mal. Il ne s'agit pas de tordre le coup aux conventions et nous assistons bien à la genèse d'un super-héros et d'un super-méchant, l'un étant la nemesis de l'autre. Ce schéma fait penser aux oppositions entre le Professeur X (James McAvoy) et Magneto (Michael Fassbender) racontée dans X-Men : Le commencement (Matthew Vaughn, 2011). Mais surtout l'histoire est un décalque de celle de Carrie au bal du diable (Brian de Palma, 1976). L'adolescent mal dans sa peau, sans sexualité et écrasé par son père nous a paru être un double masculin de la jeune fille (Sissy Spacek) aux pouvoirs télékinésiques. La comparaison s'arrête là car le malaise du jeune homme n'a, lui, rien de bouleversant. Peut-être parce qu'il a justement trop de malheurs : les séquences avec sa mère ne font pas pleurer dans les chaumières, et sa relation avec son père est trop caricaturale pour déclencher une quelconque empathie. Cependant Chronicle reste un bon film d'action, parce que très court et réussissant à transmettre le sentiment d'excitation ressenti par les garçons à mesure que leur pouvoir augmente. Et si le bal de Chronicle ne finit pas en tragédie, c'est bien une impressionnante crise destructrice qui attend la population lors d'un affrontement final entre le gentil et le méchant qui rappelle les séquences du robot mitrailleur de District 9 (Neill Blomkamp, 2009) – film qui se construisait, lui, sur un faux reportage télé. Il faut bien donner un peu de spectacle une fois qu’il n’y plus grand-chose à raconter.
nolan
Note de nolan : 2
Chronicle (Josh Trank, 2011)
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