Detective Dee : Le mystère de la flamme fantôme
Du complot ! On veut du complot ! En deux heures, le nouveau film de Tsui Hark nous livre trahisons sur trahisons, réconciliations et compromis, honneur, courage et lâcheté… Le tout enrobé de flamboyance visuelle dans le style frénétique propre au réalisateur. Séduisant.
La régente Wu Ze Tian(Carina Lau)
Nous avions bien aimés la légèreté et la poésie de Tigre et Dragon (Ang Lee, 2000) qui avait le mérite d'initier le public occidental aux charmes de wu-xia pan mais nous sommes restés dubitatifs devant les œuvres visuellement superbes mais cinématographiquement chiantes de Zhang Yimou (Hero en 2002 puis le Secret des poignards volants en 2004) diffusées assez largement dans nos contrées. Aussi la perspective de voir un film de sabres chinois par le réalisateur de Time and Tide (2001) et déjà largement reconnu pour ses talents dans ce type de métrages (notamment la série Il était une fois en Chine dont il a réalisé les épisodes 1, 2, 3 et 5 – 1991, 1992, 1993 et 1994), était tout à fait réjouissante même si les dernières œuvres du cinéaste chinois semblaient, aux dires des critiques (nous ne les avons pas vus), avoir quelques faiblesses.
Une fois passé l'exotisme ressenti du spectateur touriste devant un genre classqiue à quelques milliers de kilomètres d'ici, réjouissons-nous d'assister aux Historiques complots de pouvoir dont nous nous repaissons dans d'autres œuvres plus "occidentales" (le péplum Gladiator de Ridley Scott en 2000 ou la série Rome créée par John Milius, William J. MacDonald et Bruno Heller – 2005 à 2007). Ainsi, en 690, en Chine, alors que l’Empereur est mort et son fils trop jeune pour occuper la place, la régente – Carina Lau – va prendre la tête de l’Empire en attendant l’âge mûr de l’héritier. Cela n’est pas du goût de tout le monde, les chefs de régions ayant quelques ambitions divergentes alors que la régente présente des velléités dictatoriales assez prononcées. Elle fait appel à l’un de ses opposants qu’elle a fait enfermer, le juge-détective Dee – Andy Lau - afin d’éclaircir une mystérieuse (et esthétiquement superbe comme toutes celles qui suivront) combustion spontanée dans son entourage. Le film fait défiler une galerie de personnages complexes pourtant définis en quelques traits de caractère ; en cela le personnage de la régente Wu Ze Tian est extrêmement réussi. Le spectateur pourra y faire, s’il le souhaite, un parallèle avec le gouvernement chinois tant elle use de la torture, de la censure et du meurtre organisé pour diriger le pays. Et le ralliement – rempli de compromis – de Dee à la régente aura tôt fait d’hérisser nos poils de démocrates. La conclusion pleine d’ambiguïté, qui a sans doute permis d’éviter quelques coups de ciseaux inopportuns dans la pelloche, s’achève pourtant sur un carton précisant que la régente devenue impératrice ne garda le pouvoir que 15 ans avant de le rendre (l’ironie se glisse partout…).
Le marché fantôme (Andy Lau, Bingbing Li et Chao Deng)
Dans l’ensemble, les scènes d’actions sont assez époustouflantes, tour à tour ballets amoureux ou règlement de comptes cathartiques épousant selon les personnages et les situations un tempo aérien ou une cadence martiale. Le spectacle est flamboyant et une expédition mémorable dans un « Marché fantôme » vaut à elle seule la vision du film. On ne s’attardera pas sur cette longue séquence si ce n’est pour écrire que la frénésie du montage associée à la profusion d’éléments, ne provoquent ni maux de tête, ni mécontentement. Ils sont au contraire parfaitement assortis aux cadres soignés et aux décors splendides ; aussi le tourbillon visuel est-il un ravissement. On notera tout de même que faire des animaux en image de synthèse reste encore quelque chose de bien difficile : ici, les cerfs paraissent lisses comme de la soie. Ce qui est assez paradoxal tant les personnages humains sont couverts d’aspérités.
Dans Dee, l’auteur se joue de notre soif d’explications rationnelles : il y a des fils qui font danser d’étranges guerriers, des bêtes qui rongent les corps, de l’acupuncture qui transforme les visages mais tout cela est à peine plus réaliste que les croyances magiques ou religieuses qui animent les plus crédules des ouvriers bâtissant une immense statue à l’image d’une Wu Zetian qu’ils croient maudite. Aussi, l’ensemble du système repose sur l’apparence. C’est d’ailleurs ce qui cause la perte de la plupart des personnages : enfermés dans une image qu’ils ont façonnée, une fois confronté à une certaine confusion des sentiments, ils perdent pied. Aussi, les personnages ont-ils de multiples facettes, y compris Dee qui se fait passer pour un aveugle lors de sa première apparition et qui apparaît rapidement comme bien plus qu’un lien avec le spectateur. Les méchants ont tous de bonnes raisons et Dee peine à trouver la sortie la plus juste, le comportement adéquat. Retrouvant son arme de prédilection, celle qui trouve la faiblesse de ses adversaires, il ne saura pourtant lire les ressentis des uns, les secrets des autres. Sa dextérité au combat, la chance et les doutes habitant les protagonistes lui permettront toutefois d’échapper à la mort et d’avancer bon gré mal gré au cours de son aventure…
nolan
Note de nolan : 4
Detective Dee : Le mystère de la flamme fantôme (Tsui Hark, 2010)
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