Django Unchained par nolan
Nous avons craqué pour Django Unchained pendant deux heures quinze avant qu'il ne se mette à patiner lors de son apogée supposée. Pas bien grave mais c'est Tarantino quand même, alors nous sommes un peu frustrés.
Devant : Léonardo Di Caprio et Samuel L. Jackson
Derrière : Christoph Waltz et Jamie Foxx
L'Amérique : du sang et de l'argent. Le western de Quentin Tarantino est une sanglante farce sur le commerce prenant comme toile de fond l'esclavage sudiste à quelques années de la Guerre de Sécession.
L'argent, moteur principal de l'intrigue, c'est le sang qui coule dans les veines de la société américaine. Aussi rien de tel que le commerce humain pour illustrer le plus crûment son propos.
La domination des Blancs ne repose que sur leur richesse et leurs manières faussement civilisées cachent à peine l'étendue de leur cruauté, leur absence totale d'éducation. Où se situent les Noirs ? En innocentes victimes. Quand ils ne le sont pas, c'est au prix d'un comportement duplice et intéressé.
Les moments clés du film sont donc construits autour de transactions. C'est le prix qui détermine l'intérêt et l'enjeu de l'intrigue. C'est la somme en jeu qui obsède la plupart des personnages. Et ce trafic perpétuel détermine le contour des personnages. Ainsi règne le faux-semblant à l'image du fielleux Stephen (Samuel L. Jackson) dont la première apparition le met en scène en train de signer un chèque en lieu et place de son maître, le cuistre bien né Calvin Candie (Léonardo Di Caprio), le monstre qui se rêve en érudit francophile. Chacun joue un rôle pour maintenir ou améliorer sa place dans la société dominée par les questions d'argent. Et Django Freeman (Jamie Foxx) ne s'élève dans celle-ci qu'au rythme des récompenses et d'un rôle de négrier noir dont la cruauté n'a d'égale que le talent de négociant. Tout semble donc perdu dans cette Amérique naissante, dont la sauvagerie libérale doit se traduire par la disparition de la conscience. N'est-ce pas la soudaine crise morale de King Schültz (Christoph Waltz), le cultivé chasseur de prime allemand, qui causera sa perte ? N'est-ce pas la farfelue explication scientifique de Candie sur la soumission des Noirs qui démontre surtout que c'est loi du plus fort qui prévaut ?
Léonardo Di Caprio
Il faut donc que ça gicle. Car dans Django Unchained, le coût de l'humain est la valeur refuge. Des Blancs morts valent une fortune. Des Noirs vivants se négocient parfois au prix fort. Aussi, pour remettre de l'ordre dans tout cela, Django doit-il se muer en surhomme. Un être qui n'existe pas et qui va donc procéder au grand nettoyage. Or, dans cette dernière étape, le cinéaste connaît un échec relatif. Pour passer d'un statut de sous-homme (le Nègre répété à l'envie dans le film) à un surhomme (le Django si cool qui casse la baraque et fait faire des pas de deux à son destrier), l'Esclave devient d'abord un Homme. Sa liberté n'est alors qu'un titre, il a avant tout un rôle à tenir, des gens à respecter, des règles à suivre… Il est valet, chasseur de prime qui descend un père de famille, puis terrible négrier sous la houlette de son mentor, le complexe et romantique King Schültz, ancien dentiste parti chasser la prime délivrée pour récupérer des brigands morts ou vifs. Mais dans le cadre d'une dernière transaction, Schültz n'agit plus par intérêt : Broohmilda (Kerry Washington), possession de Candie, est la femme de Django, la princesse à sauver. Il décide donc d'aider le prince charmant. Pendant 2h15, la maestria du réalisateur fait des merveilles : drôle et violent, mettant en scène brillamment vengeance clinquante et torture insoutenable (souvent hors-champ pourtant), le film alterne sans baisse de rythme ni faux pas une hilarante escapade d'un Ku Klux Klan naissant et le meurtre glacial et à longue distance d'un fermier devant son fils. La relation entre Schültz et Django et celle de Candie et Stephen dessinent à des degrés divers la complexité de l'affirmation de soi. In fine, elle implique, pour le héros, que Schültz disparaisse. Mais après un (réjouissant admettons-le) carnage à Candyland, le film perd soudain son souffle. Django seul, c'est le feu d'artifice du surhumain venu venger tous les opprimés. Pourtant, tout semble au rabais pour la dernière transformation du héros, l'amusante négociation avec trois imbéciles (dont l'un est interprété par le réalisateur) et la mise en avant d'un personnage cent fois moins charismatique que Candie, Billy Crash (Walton Goggins) font irrémédiablement baisser la tension. Aussi la confrontation avec Stephen nous laisse-t-elle un peu sur notre faim malgré les effets provocateurs réussis : la dulcinée applaudit son héros qui lui fait pour l'occasion une petite démonstration de ses talents équestres alors qu’une musique loue sa ‘‘coolitude’’.
Et si Jamie Foxx monte très bien à cru, le film faiblit dans le dernier galop. Ce n'est bien sûr qu'une partie d'une œuvre pour le reste fort réussie mais c'est à un moment crucial.
Christoph Waltz et Jamie Foxx
nolan
Note de nolan : 4
Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012)
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