Essential Killing
Essential Killing est-il un chef d’œuvre ? Certes pas notamment parce que le discours politique (bel et bien présent même s’il ne représente qu’un aspect mineur de l’œuvre) ne fait pas dans la dentelle. Néanmoins, sans tellement plus de subtilité, le film est bluffant dans cette incroyable et mystique course à la survie.
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La neige et Vincent Gallo
Lors d’un transit vers un pays de l’Europe de l’Est, l’armée américaine perd à la suite d’un accident de la route un de ses prisonniers, soupçonné d’appartenir à Al Qaïda. Ce dernier (très bien interprété par Vincent Gallo) va tâcher d’échapper aux opérations de récupération.
Le propos politique du film ne casse pas trois pattes à un canard tant il est assené avec vigueur et manichéisme : l’armée américaine et les milices privées qui y sont associées ont autant de moyens qu’elles sont mal organisées et les seules paroles qui sortent de la bouche des soldats sont d’une grossièreté sans nom et d’un cynisme absolu. A l’opposé, notre héros est mutique, seul et apeuré. Les flashbacks et la scène d’introduction nous le présente comme un combattant qui tue des hommes mais par défaut, un père de famille mais pas un taliban pur et dur : les prières que nous entendons dans les flashbacks l’exhortent à se battre alors même qu’Allah n’est pas très chaud. Ainsi, impossible de ne pas prendre le parti de la proie dans un monde étranger et qui finalement ne cherche qu’à se protéger. Oh certes, le film aurait sans doute été plus mauvais s’il y avait eu un quota de « soldats sympas » mais l’enjeu aurait sûrmenent été tout autre si Gallo avait été un guerrier taliban aussi convaincu et déterminé que ceux qui veulent le capturer. Et l’empathie du spectateur pour le héros aurait alors été plus troublante.
Mais cet aspect ne représente heureusement pas tout le film et il faut admettre que les autres partis-pris de mise en scène sont plus heureux. Skolimowski ne fait pas dans la dentelle cherchant à ramener l’homme à son animalité mais les séquences sont très bien filmées et vraiment immersives et la dichotomie entre sa terre natale (étendue désertique et aride) et l’environnement auquel il doit faire face (grand paysage neigeux) marche à fond. Enfin, le côté mystique du film, qui fait accepter au spectateur toutes les invraisemblances, emporte le morceau car le réalisateur joue alors plus finement, instaurant une certaine complexité dans la foi de son héros, laissant ainsi le champ assez libre aux interprétations. Encore une fois, il joue sur une certaine opposition, le héros regardant très souvent vers le ciel tant parce qu’il attend un signe que parce qu’il y a des hélicoptères au-dessus de lui. Son sort n’est donc pas qu’entre les mains de Dieu et son refus de mourir s’associe également à la volonté de retrouver son statut d’humain, qu’il récupère en partie à la fin lorsqu’il se retrouve dans une maison avec une femme (Emmanuelle Seigner - muette !), évidente version neigeuse de son foyer afghan.
nolan
Note de nolan : 3
Essential Killing (Jerzy Skolimowski, 2010)
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