Faites le mur !
Comment vendre de la merde à des cons, c’était le titre initial de ce documentaire sur le Street art entièrement fabriqué de la tête au pied. Ce gigantesque canular n’en évoque pas moins ce thème à travers un personnage parodique : Thierry Guetta aka Mr. Brainwash.
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Banksy à visage couvert
On ne pourra pas accuser le célèbre artiste Banksy de mentir sur son documentaire. Dès les premières minutes, il confie s’être intéressé à un personnage assez atypique venu le filmer et qui s’est engouffré dans le street art. Ce personnage, c’est Thierry Guetta
i raconte tranquillement qu’il vendait des vêtements vintage à LA en achetant des lots de 50 $ de vêtements mal finis qu’il revendait 5 000 $ en posant l’étiquette « créateur ». La messe est dite et le premier éclat de rire survient. Le documentaire se joue du réel. Banksy fait les choses bien car Thierry Guetta, personnage à la forte teneur comique, qui compense son absence de talent artistique par un grand sens des affaires, a vraiment existé quelques mois, le temps d’une ou deux expositions grandiloquentes. Dans une première partie, Thierry suit les graffeurs, leur façon de travailler, le caractère provisoire de leurs œuvres … Et si les éléments de comédie sont toujours là, l’aspect documentaire du métrage existe vraiment. Dans une seconde partie, Thierry, incapable de réaliser un documentaire sur les street artists (il pond une merde semi-expérimentale vide de sens) décide, sur les conseils de Banksy de se lancer dans le Street Art. Cette fois, c’est le cirque, et le but de la manœuvre est de déclencher un raz de marée populaire en communiquant habilement sur cet art devenu à la mode. C’est assez provocateur, car nous spectateurs, à moins d’être des bécasses ou d’être très prétentieux, sommes attaqués frontalement : il n’est pas évident que nous fassions d’emblée la différence entre une pâle copie et le travail de qualité. Mais le propos n’est pas si cynique. D’abord parce que le réalisateur se moque gentiment de son art. Alors qu’il cherche à briser les conventions et une certaine liberté d’accès à l’art, face à la réussite de Thierry Guetta (devenu Mr Brainwash) il regrette que ce dernier n’ait pas suivi les « règles » et ait brûlé les « étapes ». Il s’interroge également sur l’infime frontière entre concept réussi et opportunisme dans l’art contemporain. Vaste question dont il choisit délibérément de rire. Pour ce faire, Thierry Guetta se révèle excellent en interview, jouant en permanence des clichés de l’artiste et dont les réponses sont souvent pleine de bon sens, même si, vers la fin, notre sympathique imposteur en fait des tonnes. Le résultat de ses œuvres elles-mêmes n’est pas si mauvais. D’abord parce qu’il ne les réalise pas – il fait appel à de jeunes artistes en leur demandant de copier telle ou telle œuvre – et que Banksy lui-même s’est apparement amusé à en réaliser quelques-unes dans un exercice sans doute libérateur d’auto-parodie. C’est ce qui donne au film toute sa dimension : l’artiste connu et reconnu, avec une marque de fabrique conserve-t-il son originalité ? Qu’est-ce qui le différencie d’un tâcheron ?
Il n’est pas sans rappeler l’avant-dernier film de Takeshi Kitano, Achille et la tortue (2009), qui voyait comme deuxième condition de la réussite artistique, une absence de compromis. Malheureusement, son héros avait aussi une absence de talent, la toute première des conditions.
nolan
Note de nolan : 3
Faites le mur ! (Banksy, 2010)
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