La Conquête
La Conquête, film attendu. Variation shakespearienne sur les jeux de pouvoir et la solitude d’un homme ? Brulot antisarkosyste ? Film de propagande UMP ? Rien de tout cela. Juste un truc qui ne déparerait pas dans la grille des programmes du samedi après-midi sur TF1. Circulez…
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Nicolas Sarkozy (Denis
Podalydès)
Précisons tout d’abord, pour ceux qui ne le sauraient pas et puisque cela ne peut manquer d’avoir une incidence certaine (quoique difficilement déterminable avec précision) sur notre réception critique d’un film comme La Conquête, que, politiquement, nous ne sommes pas vraiment de droite (euphémisme, mon doux amour…). Citons ensuite – à peu près – François Truffaut qui remarquait que la question n’est pas tant de savoir si le cinéma est mieux que la vie (c’est le cas, assurément) mais s’il est plus important. Tout bien considéré, et après mûre réflexion, quoique nous pensions fermement qu’un film comme, par exemple, 2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) justifie – au sens chrétien du terme c’est-à-dire celui de « rendre juste »[1] – l’humanité dans son ensemble et dans la totalité de son histoire, nous aurions tendance à dire que, non, le cinéma n’est pas plus important que la vie. Ce qui tendrait d’ailleurs à expliquer que nous attachions de moins en moins de prix tant au premier qu’à la seconde. Pourquoi donc se perdre en d’aussi oiseuses et à demi-obscures considérations dont, me direz-vous (vous êtes durs mais vous avez raison) à fort juste titre, on se fout à peu près complètement ? D’une part, parce que notre esprit dérive et que c’est comme ça. D’autre part, parce que ce qui nous intéressait dans la question truffaldienne était ce qui la précédait. Oui, évidemment, le cinéma est mieux que la vie. Les femmes y sont plus belles (en général), les histoires plus intéressantes et surtout le sens tout à la fois plus subtil et mieux affirmé. Sinon, comme n’importe quel autre art, le cinéma serait « inutile » et ne risquerait pas de justifier, par ses chefs-d’œuvre, quoi que ce soit. Donc, François Truffaut a raison, le cinéma est mieux que la vie. Normalement…
Nicolas et Cécilia
(Florence Pernel) Sarkozy
Car, autant que l’on s’en souvienne, le thriller politique qui a mené, entre 2002 et 2007, à l’élection de Nicolas Sarkozy était, en vrai et en direct, bien plus intéressant, voire amusant que dans le film qui nous intéresse. Ici, on a surtout droit à de bien trop longues séquences consacrées aux problèmes de couple de Nicolas (Denis Podalydès) et Cécilia (Florence Pernel) – car, à vouloir accéder au sommet, on ne gagne, c’est bien connu, que la solitude (si l’on veut une extraordinaire variation sur ce thème, on se reportera à la série des Parrain – Francis Ford Coppola, 1972, 1974 et 1990). Surtout, pour ne pas risquer de signer un quelconque document de propagande, Xavier Durringer et son scénariste Patrick Rotman (qui vaut nettement mieux comme documentariste comme le montrent ses films télévisés respectivement consacrés à François Mitterrand en 2000 et à Jacques Chirac en 2006), ont tenu à équilibrer leur propos jusqu’à l’affadir totalement – la langue « fleurie » des protagonistes n’y changeant rien du tout. Aussi, Nicolas Sarkozy apparaît-il comme un personnage, certes un peu ridicule et un brin démagogue, mais finalement plein d’humour, franc, sensible, attachant et même assez sincère. Et cela ne constitue cependant pas un bel et immérité hommage à notre si consternant président. Car, au-delà du rappel des coups (bas, forcément) qu’il dût subir au sein de la majorité et ceux qu’il a sus donner, le caractère (réellement) brillant de sa très longue campagne n’est nullement rendu à l’écran – ce que l’on déplore vraiment. Au-delà du seul Sarkozy, les hommes politiques – Jacques Chirac (Bernard Le Coq) et Dominique de Villepin (Samuel Labarthe) notamment – sont réduits à leurs caricatures (les voix mêmes sont singées) à tel point que l’on a l’impression d’assister à un long sketch des guignols qui ne serait jamais drôle (même le général Rondot – Laurent Claret –, vous savez l’espion qui note tout et utilise des codes aussi subtils que « PR » et « 1M » pour président de la République et Premier ministre, n’est pas marrant ; c’est vous dire). Quant aux autres personnages, même très présents comme les conseillers politiques et/ou en communication du futur président, ils manquent cruellement de chair. Et ne parlons pas des journalistes qui ne sont que de simples silhouettes alors que les Français – sauf en une occurrence (navrante) – et l’opposition sont purement et simplement absents. Il nous semblait pourtant qu’ils faisaient, eux aussi, partie des ingrédients avec qui Sarkozy avait dû compter dans sa marche vers le pouvoir. Ajoutons à cela que la mise en scène (qui se voudrait, par son montage, rythmée) est digne d’un mauvais téléfilm et qu’une musique grotesque accompagne, en permanence, le tout (pour signifier apparemment – quelle idée originale ! – que ces hommes de pouvoir ne sont décidément que des pantins qui gesticulent bien tristement ; c’est là le sens de la toute dernière image, à vrai dire la seule à peu près réussie). Bref, La Conquête, qui a constitué une bonne surprise pour les proches du président – ceux-ci craignant le pire pour des raisons que l’on ignore –, n’est certainement pas un film militant (il faudrait un point de vue ; on le cherche). Mais ce n’est pas non plus l’œuvre politiquement courageuse tant annoncée sur un sujet « brûlant » (mais pourquoi enfin ? Nous sommes en démocratie…). Ce n’est surtout pas un grand, ni même un bon film politique mais juste une assommante suite de clichés. Or, les arcanes du pouvoir et ses jeux peuvent se montrer fascinants. Poussés à leurs limites extrêmes dans le cadre d’une œuvre d’art, leurs représentations peuvent même toucher à l’intemporel (pensons, comme souvent, à William Shakespeare). On en est très loin et si l’on veut, à tout prix, voir un film sur une campagne très réussie d’un futur président (de droite et très seul), autant se replonger dans l’excellent documentaire de Raymond Depardon, 1974, une partie de campagne (1974). Ainsi, La Conquête ne sert strictement à rien et ne justifie – malheureusement – pas l’élection de Nicolas Sarkozy. A part quoi, Florence Pernel est plus jolie que Cécilia Sarkozy ce qui est une affaire de goût et, bien sûr, Podalydès est moins laid que le nain (là, il s’agit juste d’avoir les yeux en face des trous). Mais on s’en doutait un peu.
Nicolas Sarkozy
Antoine Rensonnet (Ran)
Note d’Antoine Rensonnet : 0
[1] même s’il agit là, bien sûr, d’une position de pur athée – ce que nous sommes également.
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