La mort au cinéma - Questionnaire
Puisque c’est de saison avec Halloween (importation récente navrante) et la Toussaint (tradition pluriséculaire idiote) et que le questionnaire tourne, je me penche sur la mort au cinéma. L’occasion de me rappeler quelques souvenirs – essentiellement bons – et d’envisager de joyeuses perspectives.
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Dracula (Klaus Kinski)
dans Nosferatu, fantôme de la nuit (Werner Herzog, 1978)
1- Quel est le plus beau meurtre cinématographique ?
Carla Hilfe (Marjorie Reynolds), enfermée dans le noir, tuant son frère Willi (Carl Esmond) dans Espions sur la Tamise (Fritz Lang, 1944). On ne voit, après son tir, qu’un point lumineux au sein de l’écran noir. C’est par ce petit trou qu’est sortie la balle meurtrière. Superbe.
Sinon, il y a aussi la mort de Sidney Waterman (Woody Allen dans son dernier rôle à ce jour) à la suite d’un accident de voiture qui déclenche un grand éclat de rire dans Scoop (Woody Allen, 2006).
2 - Quel est à vos yeux le cinéaste le plus morbide ?
Ce ne peut-être que Fritz Lang, si intéressé par le meurtre.
Mais Alfred Hitchcock qui, comme ses personnages, passe son temps à réfléchir au crime parfait n’est pas mal aussi.
3 - Et le film le plus macabre ?
Boulevard du crépuscule (Billy Wilder, 1950). Difficile de faire mieux.
4 - Quel est le personnage dont la mort à l'écran vous a le plus ému ?
La mort de Donny (Steve Buscemi) dans The Big Lebowski (Joel et Ethan Coen, 1998) m’attriste beaucoup.
Le duc (Jeff Bridges), Donny (Steve Buscemi) et Walter Sobchak (John Goodman)
dans The Big Lebowski (Joel et Ethan Coen, 1998)
5 - Celle qui vous a le plus soulagé ?
L’interminable séquence de l’agonie de Trinity (Carrie-Anne Moss) dans Matrix Revolutions (Andy et Larry Wachowski, 2003) aboutit enfin à sa mort. A la fin, je ne pouvais que me dire : « Ouf, ce désastreux moment de cinéma prend fin ».
6 - Quel est votre zombie favori ?
Joe Gillis (William Holden) dans Boulevard du crépuscule nous raconte son histoire d’outre-tombe ; alors, va pour celui-ci.
7 - Pour quelle arme du crime, gardez-vous un faible ?
Le superordinateur HAL 9000 (voix de Douglas Rain en version originale ; voix de François Chaumette en version française) qui est à la fois meurtrier et arme du crime puisqu’il contrôle le Discovery One lorsqu’il tue – sans un bruit – trois scientifiques endormis dans 2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968).
8 - Quelle personnification de la mort vous a le plus marqué ?
Bien évidemment, Beng Ekerot dans Le Septième Sceau (Ingmar Bergman, 1957).
La mort (Beng Ekerot)
dans Le Septième Sceau (Ingmar Bergman, 1957)
9 - Quelle séquence d'enterrement vous a semblé la moins convenue ?
J’aime beaucoup l’enterrement de Donny – cela rachète la peine que m’avait causée sa mort – dans The Big Lebowski avec l’oraison funèbre de Walter Sobchak (John Goodman) et les cendres qui atterrissent sur Le Duc (Jeff Bridges).
10 - Quel est votre fantôme fétiche ?
Sans hésitation, Ghost Dog (Forest Whitaker) dans Ghost Dog, la voie du Samouraï (Jim Jarmusch, 1999).
11 - Avez-vous déjà souhaité la mort d'un personnage ?
Ce qu’il y a de bien avec la mort, c’est que dans la vie et au cinéma (sauf dans le cinéma fantastique évidemment), elle permet la disparition de gens que l’on n’aime pas. Aussi chaque fois qu’un personnage me gonfle, je ne puis qu’objectivement souhaiter sa disparition du film au plus vite, la mort fournissant un excellent moyen pour cela.
Je vais donc répondre Brigitte Bardot pour l’ensemble de son œuvre tant elle fut une épouvantable actrice[1] (et chanteuse aussi puisqu’elle massacra quelques-uns des plus beaux textes de Serge Gainsbourg avec une constance dans la médiocrité qui forcerait presque le respect). Par contre, dans la vie, je préférerais qu’elle survive non parce que j’aime les animaux mais parce que l’actualité serait accaparée par la disparition de cette vieille dame sénile d’extrême droite dont on nous dit qu’elle fut, il y a une quarantaine d’années, l’image même de notre pays à l’étranger.
12 - A l'approche de votre mort, si vous aviez le temps de mettre en ordre vos affaires, quel film souhaiteriez-vous avoir la possibilité de regarder une toute dernière fois ?
C’est une question que ne cesse de me hanter. Pour l’heure, j’hésite entre Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958) ou 2046 (Wong Kar Wai, 2004).
Hans Beckert (Peter Lorre)
dans M, Le Maudit (Fritz Lang, 1931)
13 - Pour quel tueur en séries avez-vous de la fascination ou à défaut de l'indulgence ?
Je n’éprouve guère de fascination pour les tueurs (en série ou pas) mais presque toujours de l’indulgence. Mais, bon, à cette question, la réponse est évidente, ce ne peut être que Hans Beckert (Peter Lorre) dans M, Le Maudit (Fritz Lang, 1931).
14 - Quel est votre vampire de chevet ?
De chevet, je ne sais pas mais mon fond d’écran affiche une très belle photographie issue de Nosferatu, Une symphonie de l’horreur (Friedrich Wilhelm Murnau, 1922) avec Max Schreck dans le rôle-titre. Mais peut-être le vampire le plus convaincant – et le plus touchant – est-il le Dracula incarné génialement par Klaus Kinski dans Nosferatu, fantôme de la nuit (1978) dans lequel Werner Herzog signait un superbe hommage au film de Murnau précedemment cité.
15 - Quel film retenez-vous parmi tous ceux dont le titre (original ou traduit) évoque la mort ?
Concernant un titre mal traduit, je pense immédiatement à Assurance sur la mort (Billy Wilder, 1944).
Concernant un titre original non conservé, ma préférence va sans hésitation au très poétique Der müde Tod (Fritz Lang, 1921) – ce qui pour ceux qui seraient encore plus mauvais germanistes que moi veut dire « La mort fatiguée », le titre français étant Les Trois Lumières.
Ghost Dog (Forest Whitaker)
dans Ghost Dog, la voie du Samouraï (Jim Jarmusch, 1999)
16 - Rédigez en quelques lignes la future notice nécrologique d'une personnalité du cinéma
Pour Jean Becker : « Bon débarras ! » ou « Enfin, une bonne nouvelle… » (si la journée a été mauvaise).
17 - Quelle représentation d'exécution capitale vous a semblé la plus marquante ?
L’exécution de Johnny Prince (Dan Duryea) à la fin de La Rue rouge (Fritz Lang, 1945) et celles des soldats Férol (Timothy Carey), Paris (Ralph Meeker) et Arnaud (Joe Turkel) dans Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick, 1957) me semblent assez saisissantes d’autant que les condamnations résultent d’une injustice.
18 - Quel est votre cimetière préféré ?
Au cinéma, je n’en ai pas la moindre idée (il y a un beau survol de cimetière dans Ghost Dog, la voie du Samouraï si ma mémoire est bonne).
Sinon, j’aime bien les cimetières. Ce sont des endroits dans lesquels on peut jouir en toute tranquillité – ce qui est, en général, absolument incompatible – de l’amusant spectacle de la bêtise humaine en regardant, par exemple, les plaques funéraires. Ma préférée reste celle qui porte cette mention : « Depuis que tes yeux se sont fermés, les oiseaux ont cessé de chanter. »
19 - Possédez-vous un bien en rapport avec le cinéma que vous pourriez coucher sur votre testament ?
Oui. Ma collection de DVD qui est conséquente et dont j’aimerais bien faire don à quelques personnes – chacune recevant le ou les titres que je trouve le mieux appropriés pour elle. Mon compère nolan recevrait une partie appréciable de celle-ci. Au moins serai-je sûr qu’ils sont en de bonnes mains.
Affiche de Boulevard du crépuscule (Billy Wilder, 1950)
Ran
[1] Bon, l’honnêteté me pousse à dire qu’elle n’a pas réussi à totalement foutre en l’air Le Mépris (1963) et peut-être est-ce là, au-delà de ses plus grands chefs d’œuvres comme Pierrot le fou (1965), la plus grande marque du génie de son réalisateur, Jean-Luc Godard.
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