Le Discours d’un roi
Le Discours d’un roi, film programmé pour les oscars et néant cinématographique quasi-absolu. Ce naufrage consensuel autant qu’attendu, qui nous offre une relecture toute rose de l’histoire britannique, permet toutefois de rappeler qu’Hitler était malheureusement un grand orateur et que la musique de Beethoven est sublime.
Georges VI (Colin Firth)
Le Discours d’un roi est un film diablement iconoclaste, jugez plutôt : on y voit un roturier, orthophoniste autodidacte, Lionel Logue (Geoffrey Rush), s’asseoir sur le trône royal alors que sa majesté Georges VI (Colin Firth) n’hésite pas, pour vaincre ses difficultés de diction, à prononcer des tonnes de grossièretés notamment des ‘‘Fuck’’ bien sonores. Et, en plus, les deux finiront amis pour la vie (s’appelant, faisant fi de tous les usages, Lionel et Bertie)… Arrêtons là ; on a, en effet, rarement vu une œuvre aussi respectueuse des conventions sociales et si soucieuse de préserver l’histoire dorée de la Grande-Bretagne que ce film signé Tom Hooper. On le sait Edouard VIII (ici incarné par Guy Pearce) a été obligé de quitter le trône non parce qu’il briguait la main de Wallis Simpson (Eve Best), Américaine deux fois divorcée aux mœurs légères mais parce que celui-ci et celle-là étaient soupçonnés de sympathies pronazies. Quant au roitelet qui lui succéda, son frère Georges VI donc, il ne devait jouer qu’un rôle parfaitement symbolique durant la Seconde Guerre mondiale. Mais, il n’est point question d’évoquer ici ces points qui pourraient effaroucher les âmes (vraiment très) sensibles et c’est donc un monde politique (ah, la dignité de Stanley Baldwin – Anthony Andrews – qui démissionne de son poste de Premier ministre parce qu’il estime avoir failli ; oh, la charismatique figure de Winston Churchill – Timothy Spall – qui se dessine en creux) et royal (qu’il est touchant, ce pur amour d’Elizabeth – Helena Bonham Carter – pour son roi de mari) tout rose qui nous est ici présenté.
Lionel Logue (Geoffrey Rush)
Cela ne serait rien si le film réussissait à faire quelque chose des deux enjeux majeurs – notamment de cinéma – qu’il se propose de traiter : la nécessité des personnages publics de devenir des acteurs et la puissance de la parole. Une attendue mais pertinente mise en abyme serait possible et souhaitable. Mais, on aura beau bien creusé, rien n’en sera tiré au-delà de leur simple évocation. Il faudra donc se contenter du cabotinage, à la limite du supportable, de Geoffrey Rush et de la performance d’acteur – qui n’impressionne guère – de Colin Firth dans un rôle « difficile ». Peut-être seront-ils récompensés par l’académie des Oscars mais c’est peu de dire, à deux ou trois répliques près qui arrachent un sourire, que ne nous n’avons guère été convaincus par leur duo… Pas plus que la mise en scène de Tom Hooper, sans invention aucune, même s’il réussit parfois bien à montrer l’immensité de certaines pièces. N’y aurait-il donc rien à retirer de ce Discours d’un roi ? Si, trois choses qui en soulignent la dramatique faiblesse. Tout d’abord, le meilleur moment de cinéma – et celui dans lequel s’exprime le mieux le pouvoir de la parole – est incontestablement un extrait d’images d’archives d’un Congrès du parti nazi dans lequel s’exprimait Adolf Hitler. Oui, les Allemand avaient alors d’excellents techniciens (héritage de leur sublime cinéma des années 1920) et leur dictateur belliciste et raciste était un orateur aussi excellent qu’effrayant. Ensuite, le grand moment d’émotion que devait constituer le fameux discours – celui lors duquel Georges VI annonce l’entrée en guerre de son pays – qui donne son titre au film est recouvert par une musique. Choix très étonnant de mise en scène puisqu’il s’agissait là de nous faire sentir toute la puissance des mots. On ne le regrettera nullement car il permet d’écouter le sublime allegretto de la Septième Symphonie de Ludwig van Beethoven… et d’oublier quelques instants le pensum auquel on assiste. Enfin, ce discours qui annonce le plus grand conflit mondial de l’histoire de l’humanité est un pur happy end puisque le héros n’est plus bègue. Alors, là, oui, peut-être, Le Discours d’un roi se montre-t-il subversif. Mais on craint que ce soit totalement involontaire. Bref, une catastrophe…
George VI et Lionel Logue
Ran
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Le Discours d’un roi (Tom Hooper, 2010)
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