Le Grand soir
On attendait beaucoup (quoi exactement ? Bah, en fait, on ne sait pas trop) du Grand Soir. Et c’est juste une bonne comédie. Donc, on est déçu. Mais, c’est déjà ça…
‘‘Not’’ (Benoît Poelvoorde) et ‘‘Dead’’ (Albert Dupontel)
Parce qu’il se révèle rapidement en-deçà d’espoirs probablement infondés, quelque chose chiffonne devant ce Grand Soir. L’effort des deux réalisateurs, Benoît Delépine et Gustave Kervern, pour faire un film et ne pas seulement se reposer sur leur notoriété, leurs acquis, les numéros d’acteurs (tous au poil, de Benoît Poelvoorde à Albert Dupontel, le duo de stars, jusqu’à 8.6 – Billy Bob, de son vrai nom –, le chien du premier), quelques savoureuses blagues potaches et apparitions clins d’œil (Bouli Lanners, Yolande Moreau, Gérard Depardieu, Noël Godin, Les Wampas) est fort louable. Néanmoins, force est de reconnaître que la mise en scène est sans inventivité particulière, que, le plus souvent, la caméra ne semble pas judicieusement placée. Un manque d’œil cinématographique, sans doute… Qui pourrait n’être qu’un détail, s’il était compensé par un autre, social (ou sociétal), cette sorte de laser dont le Bertrand Blier des Valseuses (1974) disposait il y a près de quarante ans. Les deux compères ont beau nous conter l’histoire de deux sympathiques prolos punks – ‘‘Not’’ (Benoît Poelvoorde), qui l’est depuis toujours, et son frère ‘‘Dead’’ (Albert Dupontel) qui le devient, après un salutaire pétage de plomb et une rapide initiation – en rébellion contre les normes sociales (comment la mener d’ailleurs ? En les ignorant ou en les combattant ; à hésiter pendant une heure et demie, le film se perd un peu) dans une zone commerciale minable, ils n’ont pas grand-chose à montrer ou à dire qu’on ne sache déjà. L’énergie, surréaliste et anarchisante, reposant sur un savant mélange de (vrais) bons sentiments et de (très) mauvais esprit, qui est leur marque de fabrique, est bel et bien présente mais, à l’inverse de l’excellent Louise-Michel (2008), elle peine à se déployer et Le Grand Soir à complètement s’animer et convaincre. Au moins ne se perd-t-il pas, contrairement à son immédiat prédécesseur (Mammuth en 2010), dans une grotesque veine pseudo-poétique. Il a peu de souffle mais garde un efficace rythme de croisière (celui, tranquille, du pas de ‘‘Not’’…) et s’avère suffisamment absurde pour que l’attention ne cède pas et qu’un rire, franc, se déclenche à de nombreuses reprises. Ce qui fait, au final, une bonne comédie. Clairement au-dessus de la moyenne, basse, du tout-venant français. Mais qui ne le renouvelle pas. Le Grand Soir permet donc de passer un agréable moment. Ni plus, ni moins. Cela apparaît, à la fois, appréciable et dommage.
8.6 (Billy Bob) et ‘‘Not’’
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 2
Le Grand Soir (Benoît Delépine et Gustave Kervern, 2012)
Commenter cet article