Le Président
Un documentaire sur la dernière campagne de Georges Frêche. Personnage politique qui n’a absolument plus rien à prouver ni plus grand-chose à faire et qui a décidé de rire un brin avant la mort. L’auteur le filme lui et son entourage plus jeune, plus vif et qui s’engouffre avec application et efficacité dans la spirale du vide.
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Georges Frêche hilare
Quitte à voir un documentaire sur un homme politique de gauche, j’aurais préféré que ce fut Jean-Paul Huchon, président de la région Ile de France, mi-homme mi-panda qui a prouvé tout son potentiel comique devant les caméras du Petit Journal de Canal +, oubliant le nom du film qu’il est venu soutenir à Cannes et que la région a subventionné, tirant un penalty dans la tête d’un journaliste, mimant un chef d’orchestre durant l’excellente prestation de Massive Attack à Rock en Seine en 2010. Mais Huchon est un vrai homme politique et Georges Frêche, Président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, mi-homme mi-saurien, en est une représentation dégénérée, désabusée mais dont la truculence de certaines saillies a tôt fait de séduire ou d’agacer. Y a-t-il une analyse à faire sur le discours de Frêche ? Pas sur le fond, semble dire l’auteur du documentaire, Yves Jeuland, qui montre à quel point l’énorme édile ne cherche ni à justifier ses paroles, ni à les nuancer quitte à être mis à en difficulté par un pourtant assez mauvais journaliste sportif. Tout n’est qu’apparence, l’éclat d’une courte déclaration brille plus fort que celui d’un long discours. Propos bien noir qui découle de ce métrage et qui se trouve résumé dans l’une des dernières scènes : dans une magnifique propriété, Georges Frêche célèbre sa victoire, il mange du jambon comme un alligator dévore une gazelle, ne semble déjà plus là, le jeu étant terminé. Parmi son entourage, un quadra rond comme une queue de pelle, cigare à la bouche discourt : Frêche, contrairement aux autres socialistes, n’est pas déconnecté de la réalité, il est près des gens et non pas dans un immense appart parisien à élaborer des théories. Si le contraste décor/discours est déjà flagrant, l’ensemble de ce qui a précédé ladite scène renforce ce décalage doux-amer. Ainsi, nous sera présentée la campagne pour les régionales qui se résume à une stratégie de communication (rien de nouveau sous le soleil me répondront les experts en politique…) et dont la plus grande difficulté était de gérer la volonté de Frêche d’ériger des statuts statues de Gandhi, Mao, Lénine et Jaurès (on appréciera la connexion à la réalité !) et de s’en prendre violemment et inlassablement à la plus inoffensive de ses adversaires, la maire de Montpellier et son ancienne adjointe, Hélène Mandroux. Georges Frêche ne cesse de se comporter comme un papy en pleine crise d’adolescence, parfois rempli de cynisme (en gros : les électeurs sont des abrutis, les journalistes aussi, il ne me reste plus qu’à leur donner ce qu’ils veulent), parfois délicieux dans son obstination à ériger des statues à la con (on ne pourra donc pas penser que l’homme politique était à la merci de ses conseillers). On songe aussi au plaisir qu’il procure aux spectateurs dans certaines joutes verbales (celle qu’il gagne contre Marc-Olivier Fogiel ; celle qui l’agace face à Apathie et qu’il finit dans les coulisses : « Apathie, il faudra l’inviter à la Région … et je lui mettrai mon poing dans la gueule »).
Le documentaire s’attarde donc sur le décalage entre la franchise dont Frêche se réclame et sa grande facilité à mentir ou à raconter sans embarras absolument n’importe quoi. Surtout, ses provocations ne semblent être qu’une façon de tromper l’ennui en attendant la mort. La politique n’est, on l’aura compris, plus le sujet. Frêche vit dans le passé (la musique et ses héros n’ont absolument rien de moderne) et l’actualité ne l’intéresse guère. Il est comme un vieux qui râle et qui double à la caisse d’un supermarché. Mais surtout, il emporte avec lui sa cour, inhérente à l’homme de pouvoir, dans une spirale du vide dont on ne décèle malheureusement qu’une partie malgré les évidentes qualités techniques du documentaire (montage cohérent, absence de commentaire et de pathos). Ses conseillers redoublent d’efforts – assez efficacement d’ailleurs – dans ce qui ressemble à une course complètement absurde…
nolan
Note de nolan : 2
Le Président (Yves Jeuland, 2010)
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