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Le vampire dans l’histoire du cinéma : chefs d’œuvre, films de série, sous-genres

10 Décembre 2009 , Rédigé par Ran Publié dans #Le personnage du vampire dans l'histoire du cinéma

Au-delà des quelques chefs d’œuvre inspirés par le personnage du vampire, on remarque qu'il est partout dans la production cinématographique mondiale. Ainsi, de Murnau aux Charlots, de Dreyer à la pornographie en passant par Polanski et les films d’horreur, le cinéma a inscrit ce personnage dans l’imaginaire collectif du XXe siècle.

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La partie est le tout

 

Illustration de la théorie à travers le personnage du vampire dans l’histoire du cinéma

 

1) Un mythe venu de la littérature

2) Naissance d’un art : Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922)

3) A travers les champs culturels : chefs d’œuvre, films de série, sous-genres

 

Le comte Dracula (Klaus Kinski) dans

Nosferatu, fantôme de la nuit (Werner Herzog, 1978)


Ainsi, à l’extrême fin du XIXe siècle, alors que les frères Lumière créent le cinéma, Bram Stoker écrit Dracula. Et, quelques vingt-cinq ans plus tard, Friedrich Wilhelm Murnau s’empare du livre de Stoker pour apporter une contribution majeure à la naissance de l’art cinématographique en réalisant Nosferatu (1922). Dès l’origine, fructueux rapport, donc, que celui entretenu entre le personnage du vampire et le cinéma. Il ne cessera de se confirmer par la suite et, après le Nosferatu de Murnau, trois films empruntant directement à la thématique du vampire méritent de compter parmi les chefs d’œuvre du septième art. C’est tout d’abord le sublime Vampyr (1932) de Carl Theodor Dreyer. Dans ce film, inspiré non de l’œuvre de Bram Stoker mais des nouvelles de Sheridan Le Fanu, on voit un héros étrange et hiératique, David Gray[1] (Julian West), déambuler comme dans un rêve dans un monde étrange et fantastique dominé par un vampire qui périra à la fin de l’œuvre. Peut-être plus encore que pour le Nosferatu de Murnau, on peut parler pour qualifier le film du cinéaste danois de poème cinématographique tant l’histoire – d’ailleurs à peu près incompréhensible … – compte peu alors que le spectateur ne peut manquer de se laisser envouter par des images superbes qui s’enchaînent pendant un peu plus d’une heure. Le troisième chef d’œuvre du film de vampire est Nosferatu, fantôme de la nuit (1978) de Werner Herzog. S’il possède bien les droits du Dracula de Stoker, Herzog en nommant ainsi son film rend directement hommage à son compatriote Murnau. Et le film cite ainsi des plans entiers – notamment la célèbre séquence du bateau – du film de Murnau et retrouve une part de sa beauté onirique. A cela, Herzog ajoute une intelligente réflexion sur les superstitions et la (fausse) rationalité des masses quand les personnages principaux – le comte Dracula (Klaus Kinski), Lucy Harker (Isabelle Adjani), Jonathan Harker (Bruno Ganz) – sont, eux, empreints d’une sensibilité supérieure[2]. Le mal, donc, ne se loge plus seulement dans le personnage du vampire[3] d’ailleurs génialement interprété par un Klaus Kinski qui semble un cancéreux en phase terminale tant le sang lui manque. Ce vampire assez positif (valant, en tout cas, mieux que la plupart de l’humanité), on le retrouvera largement dans le Dracula[4] (1992) de Francis Ford Coppola, dernier chef d’œuvre du film de vampire à ce jour et qui se veut une adaptation fidèle du Dracula de Bram Stoker[5] mais est surtout un hommage au cinéma, un grand film d’amour et, in fine, – comme le sont toujours les chefs d’œuvre – une œuvre très personnelle.

Le comte Dracula (Bela Lugosi) dans Dracula (Tod Browning, 1931)

 

Mais le cinéma ne se nourrit pas que de chefs d’œuvre et si le personnage du vampire est devenu à ce point important pour notre art, c’est qu’il a touché l’ensemble de la production cinématographique. Le personnage de Dracula s’est ainsi largement imposé comme mythique grâce au cinéma de série fantastique. Deux couples formés par un cinéaste et un interprète ont ainsi joué un rôle décisif. Le premier est celui formé par Tod Browning et Bela Lugosi. Ainsi, au début des années 1930 alors qu’Hollywood met en production de très nombreux films fantastiques[6], le premier réalise Dracula (1931) dans lequel le second tient le rôle-titre. Disons-le, ce film très célèbre est médiocre[7]. Il souffre notamment de son côté extrêmement statique[8] et le jeu – limité – de son interprète principal n’arrange rien. Néanmoins, les grimaces et le phrasé de Bela Lugosi se sont imposés dans l’imaginaire collectif. La seconde paire est formée par Terence Fisher et Christopher Lee. Pour le compte de la compagnie britannique de la Hammer films, Terence Fisher reprend les personnages classiques de la littérature fantastique (Dracula, la créature de Frankenstein, le loup-garou, la momie, …) et les met en scène dans de très nombreux films. Le Dracula interprété par Christopher Lee et mis en scène par Terence Fisher tiendra ainsi la vedette de différentes productions de qualité variable – allant du bon au très moyen – dont le premier est Le cauchemar de Dracula (1958). Là encore, l’image d’un Christopher Lee (qui est, lui, un excellent acteur) en vampire s’ancrera dans l’imaginaire populaire du XXe siècle. Il apportera deux caractéristiques majeures au personnage de Dracula : un port aristocratique et des canines proéminentes.

 

Le comte Dracula (Christopher Lee) dans

Le cauchemar de Dracula (Terence Fisher, 1958)

 

Ainsi se construisit le mythe du vampire dans le cinéma. Dans ces conditions, les hommages furent nombreux. On l’a déjà dit, le Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog est un hommage explicite au Nosferatu de Murnau alors que le Dracula de Francis Ford Coppola s’intéresse au film de vampire en général et à celui de Murnau en particulier. Dans un registre plus mineur, L’ombre du vampire (Elias Mehrige, 2000) revisite également le chef d’œuvre du cinéaste allemand. Mais les détournements et les parodies ne manquèrent pas non plus. Et, dès 1935, Tod Browning, fera jouer à Bela Lugosi un faux vampire dans La marque du vampire[9]. Mais le chef d’œuvre du genre reste, bien sûr, Le bal des vampires (1967) de Roman Polanski qui utilise avec talent tous les codes du film de vampires et les détourne pour signer un bijou d’humour[10]. Plus largement, les comédies sont nombreuses autour du personnage du vampire et sans atteindre au même sommet que Le bal des vampires, certaines sont réussies comme ce Dracula, père et fils[11] (1976) mis en scène par Edouard Molinaro quand d’autres sombrent dans la plus abyssale des médiocrités comme ces désastreux Charlots contre Dracula (Jean-Pierre Vergne, 1980). En tout cas, un comique comme Mel Brooks – hélas, pas dans sa meilleure période – n’a pu s’empêcher d’ajouter le personnage de Dracula à la longue liste de ses pastiches cinématographiques (Dracula, mort et heureux de l’être en 1995). Au-delà des comédies, le personnage du vampire ne pouvait également manquer d’inspirer les producteurs et réalisateurs des pires sous-genres du cinéma. Ainsi, le cinéma d’horreur gore à petit budget pour adolescents prépubères mit-il en scène des kyrielles de films – sans ambition artistique aucune – dans lesquels intervenaient des vampires. De même, ce personnage aux grandes dents dont l’action est de pénétrer et de sucer les corps ne pouvait manquer d’être récupérer par le cinéma pornographique qui ne cesse – quand il décide de s’appuyer sur un embryon de scénario – d’utiliser le (réel) potentiel érotique du mythe du vampire. Nous sommes certes là très éloignés de l’art et des films de Friedrich Wilhelm Murnau ou de Carl Theodor Dreyer. Mais ce serait ignorer une dimension fondamentale du cinéma – qui est aussi une industrie – que de ne pas rappeler même rapidement l’existence de telles productions. Elles participent, en effet, pleinement du fait que le vampire puisse être considéré comme le personnage de référence du cinéma c’est-à-dire de cet art du XXe siècle qui couvre tous les champs culturels et qui, donc, marie, à l’image du siècle dans lequel il s’est imposé, cultures élitaire et populaire.

 

Alfred (Roman Polanski) et Sarah (Sharon Tate) dans

Le bal des vampires (Roman Polanski, 1967)

 

Car les vampires – même s’ils sont étrangement absents de l’âge d’or hollywoodien – sont bel et bien à peu près partout dans l’espace cinématographique mondial. Au-delà des films déjà cités, on trouve ainsi des productions – avec des titres qui font souvent craindre le pire – faisant intervenir ce personnage en Argentine (Blood of the virgins d’Emilio Vieyra en 1967), en Australie (Soif de sang de Rod Hardy en 1979), au Canada (Dracula de Jack Nixon-Browne en 1973), à Cuba (Vampires à La Havane de Juan Padron en 1985), en Espagne (avec les nombreux films à petit budget de Jesus Franco, ancien assistant d’Orson Welles), en Hongrie (Drakula de Karoly Lajthay en 1923), en Italie (Hercule contre les vampires de Mario Bava et Franco Prosperi en 1961), au Japon (de très nombreux films), en Nouvelle-Zélande (Kung Fu Vampire Killers de Phil Davison en 2001), au Mexique (de nombreux films dont Castle of the monsters de Julian Soler en 1958 et El Baron Brakola de Jose Diaz Morales en 1965), au Pakistan (Dracula au Pakistan de Khwaja Sarfraz en 1967), en Roumanie (Journal intime d’un vampire de Ted Nicolaou en 1997), en Turquie (Dracula in Istanbul de Mehmet Muhtar en 1953), en Suède (Morse de Tomas Alfredson en 2008),… Quant à la principale machine de production cinématographique mondiale, si son intérêt pour les films faisant intervenir des vampires n’avait guère été ravivé par le médiocre Dracula de John Badham (1979), l’œuvre de Coppola a relancé l’enthousiasme pour les vampires. Et, depuis 1992, de nombreuses productions à forte vocation commerciales ont été réalisées. On peut ainsi citer Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994), la série des Blade[12], la série des Underworld[13], Van Helsing (Stephen Sommers, 2004) ou encore la récente série des Twilight[14]. Certes, dans l’ensemble de cette très abondante production, le très médiocre l’emporte largement et on attend encore le prochain film utilisant la thématique du vampire qui s’inscrira aux côtés de ceux de Murnau, de Dreyer, de Herzog et de Coppola. Mais quatre chefs d’œuvre, c’est déjà beaucoup et cela illustre bien la puissance cinématographique du personnage du vampire. Et, pour conclure, cette série, je reviendrai sur le Dracula de Francis Ford Coppola. Il illustre bien à quel point le cinéma contemporain est devenu de son cœur le vampire…


Le comte Dracula (Gary Oldman) dans Dracula (Francis Ford Coppola, 1992)

 

Ran



[1] Le titre exact du film est d’ailleurs Vampyr, l’étrange aventure de David Gray.

[2] Et, dans ce film, le vampire est à la mort ce que l’amour est à la vie : une nécessaire (et élitaire) incohérence…

[3] Cette réflexion sur la bêtise de masses superstitieuses était déjà ébauchée dans le Nosferatu de Murnau (dont on sait qu’il était très anticlérical comme le montre, en 1925, son Tartuffe ). Werner Herzog se place donc également dans la filiation intellectuelle de son maître.

[4] Question d’époque sans doute mais on pense beaucoup non à la peste comme chez Murnau ou au cancer comme chez Herzog mais au sida en voyant le Dracula de Francis Ford Coppola (dans lequel l’hémoglobine coule à flots). Pourtant, le cinéaste s’est toujours défendu de toute référence à cette maladie…

[5] C’est d’ailleurs assez largement le cas. Le titre original du film est ainsi Bram Stoker’s Dracula.

[6] Dont le chef d’œuvre reste La fiancée de Frankenstein (James Whale, 1935).

[7] Son réalisateur est pourtant très doué comme le montrera, en 1932, l’admirable – et effrayant – Freaks.

[8] En fait, le film n’est pas une adaptation du livre de Bram Stoker mais de la pièce de Broadway tirée du roman. Et, ce Dracula est largement – et malheureusement – du théâtre filmé.

[9] Et ce film, très sympathique, est bien plus réussi, que le Dracula du même réalisateur.

[10] Ainsi le grand méchant vampire se nomme-t-il le comte von Krolock (Ferdy Mayne) ; on aura reconnu une variation orthographique autour du comte Orlok (Max Schreck) du Nosferatu de Murnau.

[11] Dans lequel Christopher Lee reprend son personnage de comte Dracula.

[12] Blade (Stephen Norrington, 1998), Blade II (Guillermo Del Toro, 2002) et Blade : Trinity (David S. Goyer, 2004).

[13] Underworld (Len Wiseman, 2003), Underworld 2 : Evolution (Len Wiseman, 2006) et Underworld 3 : Le soulèvement des Lycans (Patrick Tatopoulos, 2009).

[14] Twilight, chapitre I : Fascination (Catherine Hardwicke, 2008) et Twilight, chapitre II : Tentation (Chris Weitz, 2009)

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G
Le dernier film que j'ai vu avec un vampire est Dark Shadows, certainement pas un des meilleurs de Burton ni sur les vampires...en tout cas je trouve que les zombies ont beaucoup plus la côte ces dernières années.
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