Les Adieux à la reine
Le dernier film de Benoît Jacquot est une variation sur le sentiment amoureux sans réciprocité. Aussi, la figure du triangle est-elle constamment répétée autour du personnage principal, unique point de vue du film.
Virginie Ledoyen
Assurément, Les Adieux à la reine est un film maîtrisé dont le sous-titre pourrait être « il y a quelque chose de pourri au château de Versailles ». Pourri au sens de sale. Le manque de propreté des sujets de la reine et de ses serviteurs est constamment souligné. Pourri au sens de vicié. Certains serviteurs se révèlent sans foi ni loi pendant que la monarchie amorce sa chute (l'action se déroule du 13 au 16 juillet 1789). Mais ce n'est pas – à tort, peut-être – ce qui a retenu notre intérêt mais bien cette variation autour du triangle amoureux concentrant son attention sur celui qui aime sans être aimé.
Sidonie Laborde (Léa Seydoux) est liseuse pour la reine (Diane Kruger, excellente). La première voue une admiration sans borne à la seconde et fait preuve d'une absence de recul, son amour se traduisant par une totale (et volontaire) disparition d'elle-même. La reine, quant à elle, est tout aussi amoureuse de Gabrielle de Poulignac (Virginie Ledoyen) qui, elle, ne semble s’intéresser à la souveraine que par intérêt pour jouir d'un statut extrêmement favorisé au sein de la Cour.
Léa Seydoux
Sidonie occupe une place privilégiée dans l'entourage de Marie-Antoinette, mais, au-delà d'une confidence et de quelques moments de complicité, force est de constater qu'elle ne trouve guère grâce auprès de la reine. Aussi Sidonie veut-elle être Gabrielle et c'est, littéralement, ce qui va arriver.
Témoin de la douleur amoureuse de Marie-Antoinette, Sidonie accourt dans la chambre de la comtesse de Poulignac, profondément endormie. La liseuse retire le drap de la noble et admire la beauté de son corps à la lueur de la bougie. Plus tard, Sidonie se retrouve nue devant la reine. La scène, en plein jour et gênante, se révèle bien moins érotique et la monarque ne semble pas le moins du monde touchée par les courbes de sa servante. Mais cette dernière est nue pour changer de peau. Elle doit prendre la place de Gabrielle (au sens propre afin de tromper les révolutionnaires) en quittant, suprême sacrifice, la reine au péril de sa vie. Par procuration, elle revit alors la séparation entre Marie-Antoinette et Gabrielle : la reine lui a demandé de s'enfuir, elles ne se reverront plus.
La figure du triangle autour de Sidonie, dont le film adopte en permanence le point de vue, ne cesse de se répéter. Il y a ce triangle amoureux mais aussi ceux qui dessinent les contours de la personnalité de la servante, dont nous ne savons pas grand-chose. Le triangle de ce qu'elle deviendra : Madame Campan (Noémie Lvovsky), dévouée et sans mari, et Monsieur Moreau (Michel Robin), rat de bibliothèque cultivé et esseulé. Le triangle de ce qu'elle pourrait être : la brodeuse Honorine (Julie-Marie Parmentier), lucide, et la femme de ménage Louison (Lolita Chammah), libertine. Remarquons d'ailleurs la complexité de la place de Sidonie dans ce monde. Elle tient à son statut de liseuse : si elle brode une rose demandée par la reine, elle refuse de s'en attribuer le mérite et voit Honorine en être récompensé.
Nous pourrions enfin ergoter sur le chiffre trois car Jacquot pousse le motif dans de très nombreuses scènes et jusque dans le carrosse de la fuite, mais là n'est pas le but de cette courte note qui vise surtout à inciter le lecteur à aller voir ce film.
Diane Kruger
nolan
Note de nolan : 3
Les Adieux à la reine (Benoit Jacquot, 2011)
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