Millenium
Pour l’adaptation hollywoodienne de la saga Millenium, David Fincher fait montre d’une complète assurance et signe un thriller d’une efficacité absolue. Sans doute n’a-t-il pas là une ambition démesurée et ne force-t-il pas, sauf lors de l’exceptionnel générique initial, son talent. Mais cela est suffisant pour emporter l’adhésion.
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Générique de Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes
La saga littéraire de Stieg Larsson, Millenium (dont les trois tomes ont été publiés de 2005 à 2007), au vu de l’immense succès qu’elle a rencontrée et parce sa première adaptation (en 2009 par Niels Arden Oplev pour la première partie et en 2010 par Daniel Alfredson pour les deux suivantes) n’était pas de bien grande qualité, ne pouvait qu’aboutir à Hollywood. Et on ne la voyait pas tomber dans de meilleures mains que celles de David Fincher. En effet, le premier épisode (de son nom complet Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes) se doit d’être un thriller haletant puisqu’un journaliste obsessionnel et une hackeuse géniale et asociale se retrouvent à la poursuite d’un dangereux psychopathe tueur de femmes. Ce qui apparaît comme un exercice de style plutôt aisé lorsqu’on a mis en scène The Social Network (2010), Zodiac (2007) et Seven (1995). Le réalisateur ne force d’ailleurs pas vraiment son talent mais réussit à rendre l’ensemble réellement captivant. Si jamais cette enquête au pays du froid ne décolle complètement pendant ses deux heures et demie, elle ne s’endort pas non plus. Le spectacle attendu est bien au rendez-vous. Certes, les thèmes abordés (l’opposition entre les méthodes de l’ancien, et un peu dépassé par les événements, Mikael Blomkvist – Daniel Craig, loin de James Bond – et de la jeune Lisbeth Salander – Rooney Mara – ; les complexes histoires de la décadente famille Vanger ; le passé nazi mal camouflé de l’Europe), potentiellement riches, ne sont qu’effleurés, aucun ne faisant l’objet d’un traitement privilégié et approfondi. Mais ce n’est pas si grave, l’auteur semblant avant tout attaché à réaliser une grosse machine efficace – qu’il regarde, un peu comme le patriarche Henrik Vanger (Christopher Plummer), avec un détachement certain, voire une certaine dose d’ironie.
Mikael Blomkvist (Daniel Craig)
David Fincher, plein de maîtrise, ne commet ainsi aucune erreur : sa réalisation est léchée, sa photographie soignée et son montage serré. Surtout il développe sa quelque peu tortueuse intrigue avec une grande souplesse. Refusant de se perdre (et nous avec) dans l’examen des ramifications de la famille Vanger, il ne crée guère, hors ses deux personnages principaux, que des spectres. Aussi évite-t-il, autant que faire se peut, les tunnels narratifs et, malgré sa longueur, tout affaiblissement du rythme du film. Bref, c’est là de la fort belle ouvrage donc un divertissement de haut vol – ni plus, ni moins mais qui mérite d’être salué comme tel. Peut-être était-il possible, à partir du matériau originel et en tenant compte des contraintes de la production, de faire un tout petit mieux. Fincher aura préféré se contenter de son minimum syndical qui, déjà, est assez élevé. Sauf dans les premiers instants où il propose, au son de l’Immigrant Song de Led Zeppelin revu et corrigé par Trent Reznor, Atticus Ross et Karen O, un générique à couper le souffle. Moment ahurissant qui, à lui seul, mérite le déplacement. On se souvient alors que, avant de réaliser les œuvres citées plus haut, David Fincher fût un excellent auteur de clips. Il l’est toujours. Désormais, c’est également l’un des rois du blockbuster. Il vient, à nouveau, de le prouver.
Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander (Rooney Mara)
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 3
Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes (David Fincher, 2011)
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