Mon pire cauchemar
Sur un thème éculé, Mon pire cauchemar avait peu de chances d’atteindre les sommets. Mais, bon, Poelvoorde et Huppert réunis et stéréotypés, cela aurait pu donner une honnête comédie. Si l’on supporte la grossièreté, on y a droit pendant trois quarts d’heure. Après…
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Patrick (Benoît Poelvoorde) et Agathe (Isabelle Huppert)
Sur le thème archi-rebattu de la rencontre improbable entre la « bonne » société et le marginal absolu, on ne s’attendait pas, avec Mon pire cauchemar, à un chef-d’œuvre subversif à la Boudu sauvé des eaux (Jean Renoir, 1932). Mais, bon, voir Poelvoorde qui possède une vraie puissance comique pour peu que le dispositif soit, a minima, adapté (ainsi C’est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux et André Bonzel en 1992 ou Le Vélo de Ghislain Lambert de Philippe Harel en 2001), et Huppert se frotter l’un à l’autre pouvait receler quelque léger attrait. Admettons que le début, quoique surchargé de vulgarité (assumée), est d’une correcte facture comique. Pas d’exposition ou très peu et, tout de suite, avec l’entrée en jeu de l’élément désorganisateur, la confrontation attendue entre le beauf ultra-caricatural (Patrick – Benoît Poelvoorde qui assure le show) et la bourgeoise froide et cassante (Agathe – Isabelle Huppert, à l’aise) arbitré par le compagnon de la seconde (François – André Dussolier, en roue libre). Si l’on n’est pas trop regardant sur la finesse, les gags et le tandem fonctionnent, les deux héros campant parfaitement leurs stéréotypes respectifs. Le problème, c’est que cette situation de départ ne peut, à elle seule, constituer un film. On se doute qu’Agathe va évoluer, laisser affleurer quelques failles et envies derrière son apparente rigidité. Mais il faut, au surplus, qu’elle succombe au charme, animal et alcoolique, de Patrick. Or, il est inexistant, le personnage ne possédant pas la moindre parcelle de poésie corrosive (à l’inverse d’un Boudu – Michel Simon –, donc). Quant à la découverte de l’altérité, elle se résume à une assommante suite de clichés (seule bonne idée : l’incapacité du très décomplexé Patrick à tutoyer une Agathe qui l’impressionne) et de discours convenus. Même s’ils le frôlent (avec l’embryon d’un propos, particulièrement confus, sur l’art contemporain), ceux-ci ont cependant le bon goût d’éviter le populisme. On apprécie ainsi que Mon pire cauchemar ne bute pas sur le pire écueil qui se présentait à lui : prendre résolument le parti de Patrick en nous montrant combien son âme, malgré tout, est belle quand celle des riches est affreuse – sauf à ce qu’un révélateur ne leur indique un nouveau chemin de vie. De fait, avec une Isabelle Huppert qui tient honorablement la baraque, c’est autour d’Agathe que se construit l’ensemble du film. Ce qui ne l’empêche pas de rapidement sombrer puisque le personnage de Patrick ne peut, lui, que rester prisonnier de sa caractérisation première. L’inévitable décoinçage de la bourgeoise est d’un ridicule achevé et n’amène pas même à la fin. Il faut encore qu’Anne Fontaine fasse s’enfoncer le tout dans un interminable mélodrame. Sans autre intérêt que d’offrir une conclusion qui semble ne jamais devoir venir. Il y avait pourtant vingt bonnes minutes à gagner d’autant que rien ne vient élever le niveau. Seuls quelques nouveaux gags (allez, Poelvoorde en train de beugler Antisocial, ça vaut tout de même un léger coup d’œil), qui ne sont que des doubles de ceux de la première partie, permettent que l’ennui ne soit pas total au long d’une dernière demi-heure. Au cours de celle-ci, Patrick fait des allers-retours dans la vie d’Agathe et, partant, dans un film qui, depuis longtemps, a perdu ce qui faisait son initiale et relative efficacité : le rythme. Comédie bancale, grossière, échouant complètement à dépasser ce sur quoi reposait son argument éculé et s’enlisant progressivement jusqu’à devenir franchement poussive, Mon pire cauchemar est bien loin d’être une réussite. Et si elle est, par instants, un peu drôle, elle laisse l’impression que de son parti-pris, de son sujet donc, il n’y avait pas grand-chose à tirer, sauf à faire montre d’une ambition complètement absente.
Patrick et Agathe
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 1
Mon pire cauchemar (Anne Fontaine, 2011)
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