Piégée
Steven Soderbergh échoue partiellement dans ce qu'il aurait voulu être une relecture des codes du film d'action contemporain. Hésitant trop entre revival des polars sixties et contrepied aux combats sur orchestrés, le film, qui se regarde sans déplaisir, ne marque pas l'esprit.
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Gina Carano et Michal Fassbender en pleine bataille de polochons
Steven Soderbergh est assurément un cinéaste. Ambitieux cinéphile, il s'attaque à de nombreux genres, cherchant à y mettre sa patte, recyclant ses influences et joue avec les codes ou tend vers l'expérimentation. Chaque sujet dont il s'empare suscite à tout le moins la curiosité. Cette fois, l'auteur entend s'attaquer à un sous-genre aussi populaire que méprisé : le film de baston. Type de film qui par définition ne peut qu'être mineur puisque l'argument de vente principal est la tatane bien administrée. De la pléthore de films d'action qui sort chaque année, bien peu s'extirpent du lot et encore moins laissent une trace dans l'histoire du cinéma. Par conséquent, trois choix s'offrent au cinéaste un tant soit peu doué et consciencieux : faire un produit correct, une œuvre d'art essentiellement formelle ou le grand film qui irait bien au-delà de ses seules scènes d'action[1]. Cette dernière option ne nous a pas paru être celle retenue dans Piégée, le film manquant totalement d'envergure. Il en possède, par contre, sur le plan formel. Bénéficiant encore une fois d’un casting luxueux, Soderbergh se laisse aller à la mise en abyme puisque l'actrice principale n'en est pas une (Gina Carano, championne de freefight) et interprète une agente secrète plongée dans un monde d'hommes qui lui veulent du mal (interprétés par des stars du cinéma donc des acteurs confirmés). Le pari est double : présenter des combats réalistes et crus et retrouver le charme de quelques polars classieux des sixties (Bullit – 1968 – de Peter Yates par exemple). Dans les deux cas, des efforts louables sont réalisés : les combats sont spectaculaires mais toujours crédibles, la musique de David Holmes, aux accents soul, vient prendre le contrepied des torrents symphoniques auxquels le spectateur est habitué dans ce genre de films, … Pourtant, et malgré cette mise en scène bien au dessus de la moyenne, le film ne trouve quasiment jamais d'équilibre entre ces deux objectifs. Par chance, sa courte durée évite au spectateur de sentir un début de désintérêt qui ne risquait pas d'être contrebalancé par une histoire archi-revue. Après tout, Soderbergh ne réussit vraiment son coup que lors de la séquence avec Michael Fassbender en jouant de la classe de l'acteur et de la gaucherie de l'actrice (elle porte une robe, déteste ça, et lui donne l'impression d'être constamment en smoking) faisant monter la tension au terme d'un jeu de dupes qui se finit par un mano a famo (?!) sec et violent dans lequel le spectateur de plus de douze ans verra une métaphore sexuelle. A ceci près que c'est Gina qui « éjacule » sur le visage de Michael.
nolan
Note de nolan : 2
Haywire (Steven Soderbergh, 2011)
[1] Les exemples ne manquent pas, et nous reviens à l'esprit que depuis plusieurs années Wong Kar Wai monte un film d'arts martiaux (The Grand Master) qui devrait sortir le jour où Easyjet proposera des billets pas chers pour aller sur la Lune.
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