Poetry
Une grand-mère sud-coréenne cherche à échapper à la laideur du monde réel par la poésie. Un crapuleux fait divers et un grand dilemme moral vont lui permettre d'écrire ses mots dans un poème. Un film plein de qualités esthétiques mais soit trop démonstratif, soit trop sage.
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La poésie vaincra le monde ![1] Voilà une belle ambition pour ce film qui se veut une réflexion sociale s'interrogeant sur la place de la femme dans la société sud-coréenne actuelle.
Faux jumeau de Mother (Bong joon ho, 2009), ce long-métrage sud-coréen réalisé par un cinéaste déjà très apprécié mais dont je n'ai pas vu les films (j'ai entendu tout de même le plus grand bien de Secret Sunshine - 2007) propose une réalisation sobre mais très belle : le film offre ainsi une magnifique ouverture avec ce corps de jeune fille porté par les flots plein de grâce mais annonciateur d'un malheur. De même la conclusion du film, superbe également, reprend peu avant ce moment et bien après dans le même temps, l'héroïne, Mija (Yoon Jung He) retraçant le parcours de la jeune fille avant qu'elle se jette d'un pont. Alors Mija, apprentie poétesse, trouve les mots pour son poème qui fera figure de requiem.
Mija (Yoon Jung He) éblouie par la poésie de la nature
Pourtant le film n'évite pas quelques lourdeurs démonstratives, notamment parce que le personnage féminin est idéal. Mija est belle malgré son âge, son sourire est gracieux, sa mémoire s'échappe alors elle est un peu dans les nuages, elle est très soignée malgré sa pauvreté,… Bref, elle est parfaite et se voit confronter à des figures masculines qui ne le sont pas, bien au contraire.
Car Mija fait face à un grave dilemme moral. Son petit fils Wok (David Lee), dont elle a la charge, a fait partie d'un groupe de garçons violant plusieurs mois de suite une fille de paysan. N'en pouvant plus, celle-ci se jette d'un pont et se noie. Les pères des adolescents impliqués décident de donner une forte somme d'argent à la mère afin d'éviter le procès. Mija, seul parent de Wok, n'a pas vraiment son mot à dire mais évite soigneusement de donner son avis quand on la sollicite. On comprend peu à peu, ce qui est tout de même assez finement amené, que Mija va tenter de trouver la solution la plus morale qui soit. Mais si le spectateur se dit qu'il y a quand même une justice dans ce bas-monde, c'est bien parce que le réalisateur évite soigneusement de nous faire éprouver de la sympathie pour Wok ou les pères cherchant à protéger leurs mécréants de fils. Quant aux zones d'ombres de Mija, qui auraient pu faire le sel du film, bien qu'elles existent, elles ne sont guère exploitées : le chantage sentimental qu'elle débute avec son petit-fils (elle peut parler à la police à tout moment), son absence de relation avec sa fille, la mère de Wok ou encore ce paraplégique pingre qui l'emploie et qui est brutalement renvoyé à sa double condition de riche et d'handicapé à la fin du film. A la place, les cours de poésie se succèdent et ce sans prétention puisqu'ils se focalisent uniquement sur les élèves (tous adultes) et que le plus remarquable d'entre eux se distingue par des blagues archi-salaces qui lui assurent un certain succès (y compris pour moi mais je suis aussi nul en poésie que les élèves…). Bien sûr Mija, au-dessus de cette masse, sera la seule à faire son devoir de fin d'année.
Il y avait – paradoxalement ? – plus de subtilité dans les excès de Mother que dans la retenue de Poetry.
Une petite remarque pour finir, il existe un décalage culturel et linguistique qui pose un véritable problème de compréhension pour certains enjeux du film. Ainsi, le poète salace joue sur le double sens des mots et des différentes langues asiatiques. Par ailleurs, la valeur de l’argent n'est pas perceptible. On comprend bien que quelques millions de wons sont l'équivalent de quelques milliers d'euros mais cela ne suffit pas à saisir la vraie valeur d'une telle somme en Corée du Sud.
Note de nolan : 2
Poetry (Lee Chang Dong, 2009)
[1] Je fais référence à ce billet de Casaploum qui semble avoir fermé les portes de son blog pour très longtemps.
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