Prometheus
Un projet foireux. Evidemment. Alien ne pouvait se découvrir de géniteur. Prometheus ne pouvait être qu’une énorme machine tournant désespérément à vide dans laquelle Ridley Scott allait gâcher son talent. On eût néanmoins pu espérer que celui-ci parte un peu moins dans tous les sens et dose mieux ses nombreuses images spectaculaires. Mais, bon, raté pour raté…
Le cœur de la ‘‘pyramide’’
Alléchante perspective que de voir Ridley Scott revenir à la science-fiction ? A bien y réfléchir, celui-ci court vers un inévitable échec en voulant donner un ‘‘prequel’’ à Alien. Prometheus possède, lui aussi, un nom programmatique. Mais, si Scott a réussi à créer l’Autre, c’est parce que la place de Prométhée était déjà prise. En 1979, en effet, il inventa un avenir à la science-fiction post-2001, L’Odyssée de l’espace[1] (Stanley Kubrick, 1968) en absorbant, partiellement, le monstre kubrickien. Alien devait ainsi s’épanouir en reprenant quelques-uns des motifs dominants de son glorieux prédécesseur (un vaisseau isolé dans l’espace, une Terre devenue un fantôme, des êtres perdus et rencontrant l’inconnu, l’incompréhensible, la peur et eux-mêmes…) mais surtout en introduisant une composante supplémentaire qui devait tout changer : le féminin. Avec Ellen Ripley (Sigourney Weaver), un ordinateur central simplement nommé ‘‘Mother’’, des corps (ceux du Nostromo et du xénomorphe compris) ouverts, découpés, mutilés, recomposés. De même qu’il ne pouvait que remarquer la petite culotte du lieutenant Ripley, le spectateur était sommé de regarder cet étalage de tripes et de cavernes. Dans Alien, l’enveloppe ne cachait plus les entrailles et nous étions, en permanence, ramenés à l’origine. C’était là un curieux film de science-fiction féministe dont l’immense pouvoir d’attraction se résumait en une sensation confuse et difficile à admettre : sans qu’il ne soit besoin de mobiliser le cliché castrateur, la figure de la mère terrorisait. Une voie prospère s’ouvrait et Alien connut, logiquement, de nombreuses suites (Aliens de James Cameron en 1986, Alien3 de David Fincher en 1992, Alien Resurrection de Jean-Pierre Jeunet en 1997), plus ou moins réussies, qui, toutes, furent des variations sur le même thème.
Elisabeth Shaw (Noomi Rapace) et David (Michael Fassbender)
Sans doute Ridley Scott souffrit-il de voir son enfant s’émanciper avec un tel succès. D’où, peut-être, la volonté de se réapproprier l’univers qu’il avait façonné et ce tardif Prometheus. Mais, on l’aura compris, il était impossible, par essence, de donner un père à Alien. Le réalisateur a-t-il vraiment cru à ce projet insensé ? Cela reste difficile à déterminer. En tout cas, il semble ne pas craindre grand-chose, surtout pas le ridicule, et ne fait montre d’aucune subtilité pour se confronter à sa légende, à ses grands rivaux hollywoodiens du moment (dont Cameron, voire Fincher…) et même, comble de l’absurdité, à 2001, l’Odyssée de l’espace. Il reprend les éléments du chef-d’œuvre (du prologue situé sur Terre à la création de l’Homme), intelligemment laissés de côté dans Alien, les mélange, dans un gigantesque fatras, à tout et à peu près n’importe quoi (Peter Weyland – Guy Pearce – est ainsi un évident double du professeur Tyrell – Joe Turkel – de Blade Runner…) et ne laisse plus la moindre place à l’imagination du spectateur. Prometheus, à des années-lumière d’Alien, n’est qu’un trop-plein dégoulinant et explicite. Noyés dans la masse, les principaux personnages peinent à émerger et la plupart des acteurs (Charlize Theron, Idris Elba, Logan Marshall-Green…) doivent se demander ce qu’ils sont venus faire dans cette galère. Noomi Rapace et Michael Fassbender (respectivement dans les rôles de la scientifique-aventurière Elizabeth Shaw et de l’androïde David) s’en sortent toutefois avec les honneurs. On admettra également que Scott, doté d’un budget quasi-illimité, a conservé une parcelle de son talent et signe quelques séquences réellement spectaculaires. C’est tout de même bien court et surtout beaucoup trop long, la lassitude gagnant rapidement au cours de ces deux heures surchargées qui se limitent, en fin de compte, à un interminable festival de prouesses techniques.
David
Prometheus est donc une déception. Mesurée, cependant, car il ne pouvait en être autrement. C’est là la vraie bonne nouvelle : il ne saurait y avoir de matrice à une matrice. L’Homme – et le génie qui, parfois (rarement) l’accompagne – ne procède de rien. Inutile de chercher plus loin.
Le vaisseau Prometheus
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 1
Note de nolan : 2
Prometheus (Ridley Scott, 2012)
[1] Trois ans plus tard, il compléta son œuvre de refondation avec l’immense Blade Runner – on y reviendra.
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