Rubber
Rubber un film qui disserte sur le degré d’invraisemblance qu’est prêt à accepter le spectateur devant une histoire fantastique. Ainsi, des protagonistes du film sont des spectateurs venus suivre le récit d’un pneu tueur en série, élément incongru, mêlé à un scénario plus classique avec climax, rebondissements, jolie fille.
Le pneu mate (Robert et Roxane Mesquida)
Ce n’est pas tant le fait que le film raconte l’histoire d’un pneu assassin dans le fin fond du désert américain que la mise en abîme du spectateur qui fait l’incongruité du scénario. En effet l’introduction nous met, nous spectateurs, face à un parterre de … spectateurs venus dans le désert pour regarder (avec des jumelles) cette histoire de pneu mortel (interprété par Robert dixit le générique). Et les spectateurs de se comporter comme tel : ils font des commentaires, ils essaient de deviner ce qui va se passer, ils trouvent cet élément-là ou celui-ci est un peu « gros », ils demandent aux autres de fermer leur gueule, … Et – naturellement ! – vont peu à peu faire partie intégrante du récit (déjà qu’il n’y a pas d’ellipse temporelle pour eux, ils suivent tout en temps réel) un peu comme dans Tamara Drewe (Stephen Frears, 2010) à ceci près qu’ils ne contrôlent jamais l’histoire. C’est donc bien là que se situe le décalage du film, cet aspect est le plus absurde et le moins expliqué. S’ajoute à cela un personnage qui joue dans l’histoire du pneu mais qui sait qu’il est un personnage suivi par les spectateurs en jumelle (vous suivez ?) : l’officier Chad (Stephen Spinella). Et pourtant le film est réussi car tout se tient. Ainsi, nous suivons avec intérêt cette histoire de pneu, une référence cheap et amusée au Duel de Spielberg (1971), à ambiance coennienne et qui, sans doute, multiplie les clins d’oeils à bien d’autres grands films américains tant Rubber reste classique dans son déroulement ; les personnages sont stéréotypés donc facilement identifiables et nous suivons la naissance des capacités meurtrières du pneu qui finit par tomber amoureux d’une jeune brune aux yeux bleus (Roxane Mesquida). Les effets comiques sont nombreux et réussis : visuels – le pneu éclate la tête des gens par la pensée comme dans Scanners de David Cronenberg (1981) – et textuels, un flic demandant si le suspect-pneu est « black ».
Le métrage privilégie donc les situations burlesques et son réalisateur, Quentin Dupieux, interroge de manière amusante le degré d’invraisemblance que nous, spectateurs, sommes prêts à accepter et quels sont les éléments qui nous permettent de nous intéresser à l’histoire d’un pneu qui tue sans raison apparente, enfin un pneu qui vit, un objet… Un objet qui ne bouge normalement que s’il est fixé sur une roue ! Ça ne peut pas exister dans la vraie vie !! Et puis pourquoi un pneu ? ! Pardon. Ainsi l’officier Chad, qui sait qu’il est observé par le spectateur, finit par se demander pourquoi il doit chercher le climax alors qu’il pourrait tuer le pneu d’un coup de fusil à pompe dans le caoutchouc vite fait bien fait. Et bien tout simplement parce que Dupieux soigne sa réalisation et donne vie à ce boyau. Si nous gardons une certaine distance devant l’irréalisme incontestable de la situation, nous souhaitons savoir comment tout cela va se finir. C’est donc un film de qualité dont le pitch n’est pas qu’un gadget pour faire son original.
nolan
Note de nolan : 3
PS : sur les objets qui prennent vie, un exemple assez récent avec la célèbre pub Ikea réalisée par Spike Jonze.
Rubber (Quentin Dupieux, 2010)
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