Samsara, le film pour les vieux qui parlent
On se fait souvent chier en regardant Samsara. Mais ce n'est pas beau de le dire, car c'est un documentaire. Qui plus est, il est destiné à un public intelligent puisque le film ne contient ni commentaires, ni interview. Seules comptent les images filmées en 70 mm. Parfait pour les vieux qui peuvent ouvrir la bouche pour sortir de terrifiantes banalités.
Réflexions pointues sur films obtus.
Finalement le concept ultra-lourd de Samsara – des images du monde sans commentaire, sans parole mais avec de nombreux regards caméras et une horripilante musique mystico-synthétique – atteint son objectif : faire porter un regard sur ce que nous sommes. Pas tant à l'écran mais dans la salle. Car, privé de la parole-guide, le spectateur doit par lui-même interpréter cette série de vignettes ultra-léchées parfois saisissantes (en particulier l'humanité dans ses activités industrielles et religieuses où règne une organisation précise et étouffante). Pas d'inquiétude, le message est clair, pas novateur, et permet à nos spectateurs de comptoirs de pouvoir faire profiter à l'assistance de toute l'étendue de sa connaissance – l'absence de parole dans un film étant visiblement une autorisation pour l'ouvrir dans la salle : « Là c'est Yellowstone... là c'est Milan... C'est en Inde, je crois … C'est dingue ce truc avec les poulets en batterie, c'est le système de chaîne... Là, c'est des Chinois, c'est fou comment ils vont fabriquer des millions de fer à repasser … Quelle patience ces moines tibétains ». Le fait que l'assistance soit largement plus âgée que lors d'une séance, au hasard, d’Iron Man permet de casser le cou au cliché qui veut vieillesse égale sagesse et maturité. Car les plus bavards sont ceux qui remplissent les conditions pour la carte Vermeil. Aussi, de moins en moins frais mais pas encore tout à fait pourri, nous voilà renseignés sur notre destin. Le miroir tendu par Ron Fricke n'est pas dans les images patiemment compilées pendant 5 ans, mais posé dans des rangées de sièges de vieux tristounets en manque de sous-titres, et notamment le plus important : « Merci de fermer vos gueules ».
nolan
Samsara (Ron Fricke, 2012),
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