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Sanjuro

22 Mai 2011 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Critiques de films anciens

Un an après Yojimbo, Akira Kurosawa revient au personnage de Sanjuro, le samouraï errant. Il délivre une œuvre mineure mais un divertissement majeur, rythmé, plein d’humour et porté par l’excellente composition de Toshiro Mifune.

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S1Affiche de Sanjuro (Akira Kurosawa, 1962)


Sanjuro (1962), suite de l’excellent, et à notre sens supérieur, Yojimbo, réalisé un an plus tôt par Akira Kurosawa, narre la sombre histoire, qui a, comme dans son immédiat prédécesseur, certaines résonances policières (mais se fait ici, ce qui est légèrement dommageable, plus manichéenne), d’une lutte de clans dominés respectivement par un grand inspecteur félon (Kikui – Masao Shimizu) et un pur gouverneur (Mutsuta – Yunosuke Ito) pour lequel ont pris parti un groupe de jeunes samouraïs, courageux mais un peu niais, et auxquels s’est adjoint Tsubaki Sanjuro (Toshiro Mifune), rônin errant de son état. Le récit, situé dans le Japon du début du XIXe siècle est d’ailleurs un peu confus (les enjeux ne sont et jamais vraiment explicités) mais là n’est pas l’important, tout résidant dans la fluidité de sa mise en scène et dans le retour d’un héros baroque et diablement sympathique. On assiste ainsi à une œuvre sans guère de temps morts (si ce n’est lorsque que Kurosawa se permet de filmer la nature – c’est là l’une de ses grandes forces que l’on retrouvera notamment dans le magnifique Dreams en 1989 – à travers un ruisseau aux camélias) qui, en jouant du montage parallèle, sait ménager le suspense et les rebondissements. Elle offre aussi de fort belles séquences de combat, se faisant parfois pur film de sabre (genre dérivé du film de samouraïs et qui ne va pas tarder à complètement s’affirmer). Sanjuro marque aussi, après Yojimbo, l’avènement d’un héros populaire de cinéma qui inspirera bien d’autres réalisateurs. Il faut dire que ce personnage volontiers baroque (et parfaitement incarné par Mifune) suscite une absolue sympathie. Hirsute, alcoolique, peu regardant sur les méthodes et légèrement vénal (même si son sens de l’honneur finit toujours par l’emporter et qu’il se montre d’une loyauté sans failles après avoir choisi son camp) mais aussi charismatique, ingénieux, calme et empli d’une sagacité (plutôt que de sagesse) dont ses trop fougueux alliés ont bien besoin, il figure un héros finalement assez complexe. Ainsi son verbe fleuri qui malmène les conventions sociales vient-il s’opposer à son malaise devant les femmes (et tout particulièrement celle du gouverneur – Takako Irie –, incarnation, elle, de la vraie sagesse, qui lui reproche sa trop grande violence).

 

S2Sanjuro (Toshiro Mifune) et les jeunes samouraïs

 

On prend donc un plaisir non dissimulé devant l’histoire de cet étrange justicier, de ce truculent redresseur de torts d’autant que Sanjuro est également un égaré, à la lisière de deux mondes et devant s’inventer de nouveaux combats car ne sachant plus vraiment contre qui guerroyer (il se découvrira d’ailleurs un adversaire de valeur en la personne de l’ambitieux second du grand inspecteur, Muroto – Tatsuya Makadai). Aussi ce marginal est-il, trop logiquement, destiné à s’effacer dans un monde dans lequel l’ordre est appelé à régner. Il y a là matière à une certaine gravité qui rapproche Sanjuro de certains westerns (on y reviendra bientôt) mais Akira Kurosawa la travaille toutefois assez peu et préfère résolument s’arrimer à une veine plus légère et signer, pour une fois (après des films comme La Forteresse cachée – 1958 – ou Yojimbo), une œuvre vive, alerte, très spectaculaire et surtout pleine d’humour. Si celui-ci n’est pas toujours des plus fins, la réalisation, incroyablement efficace (et le Japonais, s’il ne vise clairement pas au chef-d’œuvre, montre là encore tout son savoir-faire), permet qu’il fonctionne au point que Sanjuro constitue, même s’il n’est que l’un des plus petits joyaux d’une carrière majuscule, un peu plus qu’un très aimable et très agréable divertissement. Ou alors celui d’un maître qui ne se reposerait qu’à demi. Cela suffit amplement, au vu du talent de Kurosawa. Celui-ci, déjà au sommet de sa gloire et qui, donc, n’a plus rien à prouver, délaissera pourtant définitivement son nouveau héros et commencera à réaliser à partir de Barberousse (1965) une série de fresques immenses – plus importantes mais nettement plus pessimistes que ce Sanjuro. Peut-être moins populaires ou commerciales (moins accessibles en tout cas), elles réaffirmeront le génie intact d’un maître qui souffrira de leur relatif échec public. Toujours est-il que Sanjuro, malgré ses limites, est bien un grand moment de cinéma.

 

S3Muroto (Tatsuya Makadai) et Sanjuro

 

Ran/Antoine Rensonnet

 

Note de Ran : 3


Sanjuro (Akira Kurosawa, 1962)

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A
<br /> <br /> Tout à fait, un film populaire et de qualité. Il faut le souligner. J'y revenais hier, à propos de Lang et d'Hitchcock (et on peut effectivement ajouter certains Kurosawa), dans un commentaire<br /> sur Fast and Furious 5 (que je n'irai pas voir), d'aucuns - dont mon acolyte - expliquant que la seule qualité dudit film était de détendre. C'est d'ailleurs très certainement le cas...<br /> Mais certains auteurs proposent des films qui détendent le travailleur (qui, à mon humble avis, ferait mieux de faire autre chose mais ce n'est pas la question) et qui n'en sont pas moins de<br /> grands films. On touche là à un domaine finalement assez rare.<br /> <br /> <br /> Et puis, oui, Barberousse, c'est quelque chose (même si, dans le genre difficilement abordable, je préfère Dodes'kaden).<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> C' est pour ça que je l' aime beaucoup, c' est un film populaire ET de qualité, ce qui n' est pas si facile à faire (surtout à ce niveau).<br /> <br /> <br /> Mais j' aime aussi beaucoup Barberousse ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
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