Scott Pilgrim
Très bonne surprise que ce long-métrage racontant les déboires d’un jeune Canadien face aux ex de sa nouvelle copine. Le réalisateur fait preuve d’un grand sens de la mise en scène et signe plus qu’une comédie très réussie. Réjouissant.
Michael Cera et Mary Elizabeth Winstead
Edgar Wright est un réalisateur britannique qui s’est fait connaître pour ses comédies parodiant des sous genres cinématographiques aidé par son compère acteur et scénariste, Simon Pegg (Shaun of the Dead – pour le film d’horreur – en 2005 et Hot Fuzz – pour le Buddy movie – en 2007). Wright faisait preuve d’une certaine maîtrise de la caméra (un plan séquence décrivant la monotonie de la vie du héros dans Shaun of the Dead, un montage frénétique mais maîtrisé pour les scènes de fusillades dans Hot Fuzz) et d’un sens de l’humour potache qui rappelle par endroits celui des Nuls ou de la doublette Quentin Tarantino/Robert Rodriguez. Il n’en fallait pas plus pour qu’Universal Pictures lui confie l’adaptation cinématographique de la BD Scott Pilgrim (Bryan Lee O'Malley, pas lue), parue en six volumes entre 2004 et 2010, relatant le combat que mène Scott (Michael Cera), bassiste glandeur de 23 ans, pour pérenniser sa relation avec Ramona Flowers (Mary Elizabeth Winstead), livreuse chez Amazon. Le pauvre garçon, oubliant une douloureuse rupture sentimentale en sortant platoniquement avec une mineure (Knives Chau – Ellen Wong), a le coup de foudre pour Ramona (qui rappelle nettement dans son style et son visage la Kate Winslet de Eternal Sunshine of the Spotless Mind – Michel Gondry, 2004). Pas de bol, les ex de Ramona ont fondé une ligue afin d’occire le gentil Scott. Convoquant l’imaginaire des jeux vidéos (en particulier ceux des années 1990, le film se déroulant vers la fin de cette décennie), du cadrage et des effets de bruitage propres à la bande dessinée, le film exploite pleinement le potentiel cinématographique de ces éléments. Ainsi les bastons frénétiques sont bardées de cuts violents mais toujours lisibles, pleines de couleurs chaudes, de décadrages très mangas. De même, de nombreuses scènes jouent sur l’apparition de mots sur l’écran (un son de basse, une chute, un mot, une émotion, ..) parfaitement intégrés dans l’image. Pour ne prendre qu’un exemple, il y a une scène dans laquelle Ramona, debout adossée sur un mur dans une fête pendant laquelle elle s’ennuie gentiment est à la droite du cadre. Sur la gauche apparaît, fléché, « that one girl », cette mention disparaît à mesure que Scott s’approche d’elle l’air de rien, jusqu’à être assez prêt pour lui parler de Pac-man. De même, le réalisateur joue souvent sur l’éclairage pour traduire les émotions d’un personnage. Ainsi il fait parfois disparaître et réapparaître une partie du décor en arrière plan et notamment lampes, plafonniers, écrans, …
Doté d’un rythme effréné – et il aurait peut-être fallu en raccourcir la durée –, le film assimile avec bonheur une certaine forme de sous-culture (en plus des jeux vidéos et des comics, il faut ajouter la sitcom puisque Seinfeld est expressément citée) et, à l’instar du cinéma de Quentin Tarantino, la transcende pour en faire un objet cinématographique. Mais, contrairement à son homologue américain, point de subversion, à peine de provocation, la réflexion est ici essentiellement formelle mais judicieuse et assez jouissive. Judicieuse, car le film s’inscrit dans la lignée de Speed Racer (Andy et Lana Wachowski, 2008) en cherchant à intégrer d’autres médias (et notamment le jeu vidéo) dans sa manière de filmer. Jouissive, car le métrage remplit sa mission première : il est très drôle, entre gags burlesques et saillies débitées à une vitesse de mitraillette. Il faut dire aussi que l’ensemble du casting semble avoir pris un grand plaisir (en particulier les ex) à cabotiner à l’extrême dans des stéréotypes masculins et féminins.
On s’étonne d’ailleurs qu’Universal ait délivré un imposant budget et, semble-t-il, laissé une grande liberté à un réalisateur qui n’a pas encore connu d’énormes succès. C’est tant mieux pour le spectateur et tant pis pour les producteurs car le film est un énorme bide commercial (gageons que le temps et le DVD répareront ce qui m’apparaît comme une injustice).
nolan
Note de nolan : 4
Scott Pilgrim vs The World (Edgar Wright, 2010)
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