Sherlock Holmes : Jeux d'ombres
On espérait – on ne demandait surtout pas plus – un divertissement de bonne facture comme l’était le premier opus. Mais ce Sherlock Holmes : Jeu d’ombres se révèle d’une insigne médiocrité. Un spectacle affligeant.
Sherlock Holmes (Robert Downey Jr.)
Le premier Sherlock Holmes (2009) de Guy Ritchie n’avait pas laissé grand souvenir mais au moins celui-ci était-il plutôt agréable. Ce ne sera pas le cas de cette suite désastreuse. Il n’est pas interdit d’éliminer totalement (au nom et au goût pour le travestissement près) les caractéristiques du célèbre détective créé par Arthur Conan Doyle pour inventer un nouveau personnage. C’est même ce que Billy Wilder avait fait dans son génial La Vie privée de Sherlock Holmes (1970). Mais l’exercice impose de jouer avec le mythe pour créer un héros plus étonnant que celui mis en scène dans de multiples films et téléfilms – parfois recommandables. Or, si le Sherlock Holmes du premier opus était distrayant, on l’a ici réduit à une consternante caricature de ce qui avait pu faire son relatif succès. Tous ses traits ‘‘novateurs’’ sont accentués au-delà de la limite du supportable. Les scènes de kung-fu ne surprennent pas, ses déguisements sont tous plus ridicules les uns que les autres, son phrasé est inadapté, son humour est toujours grossier et ne provoque plus l’esquisse d’un sourire. Dans le rôle-titre, Robert Downey Jr. cabotine à tout-va. A ses côtés, Jude Law, qui incarne son fidèle complice le docteur Watson, n’est guère plus sobre. Comme le film n’a rien à dire sur les relations ambigües entre les deux personnages, il se résume à une vaste pantalonnade. Une sorte d’aventures des Charlots avec des moyens bien supérieurs.
Simza Heron (Noomi Rapace),
Sherlock Holmes et le docteur Watson (Jude Law)
Pourtant, Guy Ritchie, ses scénaristes ou ses producteurs ont eu une idée intéressante pour sauver leur produit. Ils éloignent Holmes de Londres et le confrontent au professeur Moriarty (Jared Harris) qui, en tirant les fils d’une grande organisation, complote et cherche à provoquer une guerre mondiale. L’intrigue, donc, n’est pas vraiment une enquête mais lorgne vers les histoires de machination à l’échelle internationale que Fritz Lang (Docteur Mabuse, le joueur – 1922 – et surtout Les Espions – 1928), dans les années 1920, puis Alfred Hitchcock, à sa suite, mirent en scène. Guy Ritchie cherche visiblement – il multiplie d’ailleurs les clins d’œil – à retrouver le mélange de souffle et de la légèreté que le futur maître du suspense offrait dans les derniers films de sa période anglaise (comme Les trente-neuf marches en 1935 ou Une femme disparaît en 1938). Une telle direction pourrait offrir à ce Sherlock Holmes : Jeu d’ombres un certain charme, voire un cachet un brin suranné. Ce serait aussi une manière habile de substituer une ambiance à une autre en puisant dans deux périodes dorées de la créativité britannique – qui n’entretiennent, a priori, que peu de rapports entre elles(1).
Sherlock Holmes et le professeur Moriarty (Jared Harris)
Mais l’échec est total. La réalisation, fort peu inspirée, est extrêmement brouillonne. Pire, l’intrigue, elle-même, fort mal amenée, ennuie tout au long de ces deux heures – quand un effort minimal aurait dû être fait pour qu’elle retienne l’attention. Le rythme se voudrait fou et trépidant ; pourtant l’on se prend rapidement à implorer pour que tout cela se calme et qu’on nous propose un petit jeu d’esprit (même médiocre pourvu qu’il soit un peu reposant). Mais, non, aucune concession ne nous sera faite. On doit supporter et supporter encore les pitreries de ce Holmes de pacotille, regarder des dizaines d’explosion, toutes plus redondantes les unes que les autres, apprendre plus précisément encore ce que sont un montage nerveux ou un ralenti mal utilisés. Décidément, il est impossible de reprendre son souffle – c’est-à-dire de mettre un terme à ce long bâillement. Bref, entre des gags qui ne font pas mouche, des scènes d’action qui n’accrochent pas l’œil et une histoire qui n’intéresse pas, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. On pourra bien noter que Jared Harris en génie du mal propose une composition assez honnête et dispose d’un certain charisme. Mais une place trop faible lui est laissée pour qu’il puisse développer son aura. Le seul point positif du film est donc sous-utilisé. Quant aux autres personnages secondaires, ils sont au mieux inutiles (qui peut bien expliquer à quoi sert la gitane Simza Heron – Noomi Rapace ?), au pire grotesques (Mycroft Holmes – Stephen Fry –, le frère de Sherlock). Peu importe puisqu’il n’y en a presque que pour le sinistre pantin-héros et son acolyte. A la fin – puisque, heureusement, elle arrive –, un nouvel épisode de la franchise est annoncé. Mais, est-il vraiment utile de poursuivre dans cette voie sans issue ?
Le docteur Watson et Sherlock Holmes
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 0
Sherlock Holmes : Jeu d’ombres (Guy Ritchie, 2011)
(1) Ce lien existe cependant clairement puisque les films allemands des années 1920 (tel le Nosferatu, une symphonie de l’horreur – 1922 – de Friedrich Wilhelm Murnau) se sont nourris de la littérature fantastique anglaise de la fin du XIXe siècle (à laquelle se rattachent les aventures de Sherlock Holmes) et ont directement inspiré Alfred Hitchcock. Travailler, à partir du personnage de Sherlock Holmes, sur cette voie mêlant histoires de la littérature et du cinéma pourrait être passionnant. Mais on n’en demandait pas tant à Guy Ritchie… On voulait juste un honnête divertissement.
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