Spring Breakers
Bikini + guns. On dirait une série Z, et c'est un film mainstream. Jouant avec délectation avec son sujet et son style racoleurs, Harmony Korine fait semblant de provoquer mais cherche surtout à faire émerger un peu de beau au milieu d'un océan de laideur. Cette expérience nous a paru concluante.
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Devant : Ashley Benson
Derrière : Selena Gomez et Vanessa Hudgens
De jeunes étudiantes américaines passent 1h30 en bikini, fument, boivent, volent et jouent de la gâchette. Voilà l'alléchant programme que promettait Spring Breakers et sur cet aspect Harmony Korine fait le boulot. Mais ce disciple de Larry Clark[1] arrive à faire un peu plus tant ce patchwork d'images à la fois sexy et dégoûtant séduit l'œil.
Dès la séquence d'introduction, le cinéaste règle son compte au Spring Break : il use des ralentis sur moult paires de fesses et de seins, doigts d'honneur et canettes de bière. La musique électro très festive se saccade soudain sur un beat plus dur et les images paraissent changer de nature : voici une belle brochette de gros porcs. Arrive le gimmick sonore du film (le cliquetis d'une arme qui se charge) et nous nous retrouvons avec des jeunes filles (Candy Cotty, Faith et Brit, – Vanessa Hudgens, Rachel Korine, Selena Gomez et Ashley Benson) qui s'ennuient et ne rêvent que d'une chose : rejoindre cette bande de sagouins. Cependant, malgré l'évidente vulgarité que trois d'entre elles revendiquent, le réalisateur ne les filme pas de la même manière. La caméra s'attarde sur leurs corps, leurs jeux sensuels… Korine semble alors chercher une forme d'érotisme qu'il va confronter à un monde faux et sale. La semaine de vacances à Miami ressemble à une échappatoire pour ces filles éprises de liberté. En manque d'argent, elles braquent avec succès un fast-food ; c'est le déclencheur d'un nouveau plaisir, plus puissant encore que la débauche à venir. S'ouvre ensuite une longue séquence de Spring Break faites de virées en scooter, de fête dans des hôtels, de coke, de bières, de baisers mais pas de sexe. Le passage à l'acte n'est pas encore présenté et les héroïnes jouent au maximum du teasing sans jamais, semble-t-il, perdre le contrôle de leur corps.
Vanessa Hudgens et Ashley Benson
Empilant et déconstruisant les séquences, Korine crée d'étranges raccords. Le fluo devient hypnotisant. Il emploie la bonne distance avec ses héroïnes, jamais prises de haut, ni mises sur un piédestal, évite aussi bien les lourdeurs du malaise adolescent que le second degré trop appuyé. Utilisant les sonorités justes pour distiller un malaise, cette partie du film file sur une ambiance rappelant en permanence que cette forme de plénitude n'est que très passagère – ce que souligne le personnage de la pudibonde Faith incapable de trouver ce qu'elle est venue chercher. La dernière partie voit l'entrée en scène d'Alien (James Franco, excellent), mauvais rappeur aperçu quelques minutes plus tôt mais vrai gangster qui va vivre avec les filles une drôle d'histoire d'amour. Personnage aussi inquiétant que ridicule, Alien emmène les spingbreakeuses dans un monde moins coloré, pourtant tout aussi factice que celui présenté auparavant. Jamais les filles ne sortiront de leur posture (en bikini, provocantes et fragiles) comme en rupture de ton avec un autre film (en l'occurrence l'œuvre de Michael Mann, respectueusement citée dans les boites de nuit, en voiture ou sur l'eau). L'œuvre prend alors un tour fantasmagorique bienvenu : ce sont les plus allumées et convaincues de leur force qui prennent la direction du récit. Présenté dans un cadre machiste (les flingues et l'argent qui excitent les filles, l'amour à trois dans la piscine), le passage à l’acte sexuel est dominé par les femmes (notamment lors de la "pipe aux flingues"). De manière plus humoristique, c'est le gangster qui, dans une hilarante séquence, entonne une célèbre guimauverie de Britney Spears. Enfin, en guise de pied-de-nez adressé au spectateur, Spring Breakers s'offre un final idiot et réjouissant, dans la continuité du jeu avec la superficialité et la vacuité du monde représenté.
James Franco
nolan
Note de nolan : 3
Note d'Antoine : 1
Spring Breakers (Harmony Korine, 2012)
[1] Cinéaste qui nous paraît démonstratif et prétentieux: son Ken Park (2002) n’est pas mal mais Wassup Rockers (2004) ressemble à une mauvaise comédie française à ceci près que les films avec Jean Lefebvre sont rarement donneurs de leçons.
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