The Artist
The Artist, pastiche muet des films hollywoodiens des années 1920 (et pas seulement…). Une comédie profondément ambitieuse et originale et surtout parfaitement réussie. Un régal qui confirme le talent de son auteur, Michel Hazanavicius.
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George Valentin (Jean Dujardin) et Peppy Miller (Bérénice Béjo)
1927 : George Valentin (Jean Dujardin) est, à Hollywood, une immense star du muet qui croise la débutante Peppy Miller (Bérénice Béjo). Las, le son arrive et George Valentin qui refuse de s’y adapter tombe dans les oubliettes de l’histoire quand Peppy Miller connaît, elle, une ascension fulgurante. Elle n’oublie pourtant pas le héros et lui permet de connaître une renaissance après que celui-ci a sombré dans l’alcool, la ruine et la dépression. Telle est la trame scénaristique de The Artist (2011). Elle n’est que le prétexte de l’ingénieux dispositif mis en place par Michel Hazanavicius qui, s’appuyant sur l’idée que le cinéma est évidemment mieux que la vie, choisit de tourner un film en noir et blanc et presque complètement muet (bien que bruitages et paroles fassent de très furtives irruptions), les personnages existant comme s’ils étaient des héros de films des années 1920. On mesure là toute l’originalité (qui tranche radicalement avec la moyenne des comédies, pas seulement françaises) d’un projet qui s’inscrit dans la lignée des deux OSS 117 (OSS 117 : Le Caire, nid d’espions en 2006 ; OSS 117 : Rio ne répond plus en 2009) du même Michel Hazanavicius, avec, déjà, Jean Dujardin, qui avaient tant séduits mais les dépasse par son ambition. Il n’est certes question que de pastiche mais celui-ci est d’une telle efficacité et l’auteur manie avec un talent si assuré ses multiples références que l’on ne peut que s’incliner devant sa réussite (1). Rythme endiablé, à l’exception de quelques petites longueurs au début de la seconde partie, gags qui font mouche, interprètes parfaits (Jean Dujardin et Bérénice Béjo, donc, mais aussi John Goodman – que l’on retrouve avec plaisir –, James Cromwell et le chien Uggy) et surtout extraordinaire mise en scène qui indique combien Michel Hazanavicius sait jouer et déjouer les codes. Ainsi The Artist se divise-t-il en deux segments, l’un de pure comédie, l’autre d’apparence mélodramatique. Or, c’est bien dans le deuxième, se situant pourtant après l’arrivée du son qu’hommage est rendu à ces chefs-d’œuvre du muet (auxquels les films, vus précédemment, de George Valentin, grande vedette mais ne tournant que dans des productions aux prétentions artistiques réduites, n’appartenaient visiblement pas), ceux de Friedrich Wilhelm Murnau (L’Aurore en 1927, City Girl en 1930) ou de Frank Borzage ( L’Heure suprême en 1927, L’Ange de la rue en 1928, Lucky Star en 1929, La Femme au corbeau en 1929), que l’avènement du parlant avait, malheureusement et provisoirement, rayés de la carte. Magie du cinéma donc, toujours renouvelée de 1927 à 2011. Quand bien même The Artist ne dément pas, bien au contraire, la tendance de notre art à s’autovampiriser. Mais, dans ce cas, il s’agit d’un véritable régal – que les cinéphiles avertis ne sont pas les seuls invités à venir savourer.
George Valentin
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 4
The Artist (Michel Hazanavicius, 2011)
1 On ne saurait toutes les citer, ni en percevoir l’ensemble mais remarquons néanmoins, même s’il ne s’agit que de légers clins d’œil : les films avec Fred Astaire et Ginger Rogers, ceux d’horreur du début des années 1930, Citizen Kane (Orson Welles, 1941), Boulevard du crépuscule (Billy Wilder, 1950), Chantons sous la pluie (Stanley Donen et Gene Kelly, 1952), Vertigo (Alfred Hitchcock, 1958), … Ce simple énoncé témoigne de la grande culture cinéphilique et surtout de l’énorme travail du réalisateur.
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