The Dark Knight Rises
Christopher Nolan ne pouvait malheureusement se contenter de signer un bon gros, ronflant et impressionnant, film de superhéros. Il veut faire réfléchir son spectateur mais n’a rien à lui dire et creuse, son joker égaré, sa propre tombe.
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Batman (Christian Bale)
Il faut d’abord souligner la force de frappe de ce Dark Knight Rises. Bien que trop long, encombré de twists inutiles ou de lourds tunnels narratifs et donnant une bien pâle illustration de l’art de l’ellipse (ici, une désolante facilité qui évite cependant que l’affaire ne dure dix heures), le film de Christopher Nolan affiche une puissance brute peu commune. Ridiculisant les productions marveliennes récentes, qu’elles fussent estimables ( X-Men : Le Commencement de Matthew Vaughn en 2011) ou non (le récent et éprouvant Amazing Spider-Man de Mark Webb), The Dark Knight Rises montre que son auteur demeure, sans conteste, le numéro un actuel du film de superhéros, genre il est vrai mineur et souvent décevant. Le festival pyrotechnique, un poil abrutissant, est à la hauteur de nos attentes et offre ce que nous réclamions : de l’action pure. Assez pour raviver, pendant quelque temps, la flamme de nos fantasmes adolescents, de plus en plus éloignés, en nous laissant l’impression, délicieuse, que nous les vivons. Nous serions alors tout prêt à ne pas point revenir sur les évidentes faiblesses de construction, à ne pas remarquer le manque de charisme du méchant (Bane –Tom Hardy), qui ne fait aucune ombre, même l’espace d’une seconde, à l’ahurissant Joker (Heath Ledger) de The Dark Knight (2008), à oublier même que le second retour (après un premier assez réussi où le héros s’arrachait à la dépression lorsqu’il voyait revenir, en s’en pourléchant les babines, le chaos) de Batman (Christian Bale) est extraordinairement mal conçu. Bref, à dire, sans fard et avant de retourner à des choses plus sérieuses, notre plaisir. Pubère et gorgé de testostérone (disons-le viril). Emportés par notre élan, nous pourrions nous laisser aller et saluer, du trio de figures paternelles (Michael Caine, Gary Oldman et, surtout, avec son complice sourire aux lèvres, Morgan Freeman), mis en jeu depuis le premier épisode du triptyque (Batman Begins en 2005), au fils spirituel (l’agent John Blake – Joseph Gordon-Levitt) en passant par Selina Kyle/Catwoman (Anne Hathaway), les auxiliaires de la chauve-souris qui, à la notable exception d’une anonyme Miranda Tate (Marion Cotillard), séduisent. La femme-chat d’autant plus que nous craignions le pire soit une confrontation, vouée à l’échec, avec la définitive icône sexuelle (Michelle Pfeiffer) inventée par Tim Burton dans le génial Batman Returns (1992). Mais Nolan évite le piège et préfère, avec légereté et souplesse (plus adaptées au personnage que familières du cinéaste), rendre un discret hommage au Cary Grant de La Main au collet (Alfred Hitchcock, 1955) et à l’Audrey Hepburn de Diamants sur canapé (Blake Edwards, 1961). Douces réminiscences qui confèreraient un peu de solidité à l’ensemble et permettraient de refermer, avec un brio certain, la trilogie nolanienne qu’il serait permis de qualifier d’impressionnante, agréable et intéressante.
Catwoman (Anne Hathaway)
Sauf que… Christopher Nolan ne peut se contenter d’être ce qu’il est : un (le ?) roi du blockbuster, grand maestro des images pompières et rien de plus. Aussi, avec la bienveillance d’une Warner trop heureuse de compter dans ses rangs une telle poule aux œufs d’or, se rêve-t-il démiurge et veut-il, comme Burton naguère, donner un contenu, noir si possible, à son Batman. Dans un vaste shaker, il mélange alors les ingrédients les plus incongrus : la figure sacrificielle, la révolution, la résistance, la bombe atomique, le terrorisme. Tout est bon pour que The Dark Knight Rises gagne en densité. Ce qui, évidemment, ne saurait fonctionner. Se mesure un peu plus ce qui faisait la force de l’opus précédent et l’avait sauvé : un Joker sorti de nulle part, véritable incarnation de l’anarchie. Puisqu’il est absent, qu’il ne saurait être remplacé, Nolan n’échappe pas, cette fois-ci, à la noyade. Son invraisemblable méli-mélo devient discours grandiloquent. Que l’auteur pense subtil et croit maîtriser. Double erreur, parfaitement fumeux, il ne fait que confirmer les limites d’un talent mesuré et n’en ressort qu’une ode, au surplus peu claire, à l’Ordre.
Fasciste, Nolan ? Stupide, plutôt (ce n’est certes pas incompatible), qui s’imagine pouvoir jouer avec des concepts et idéologies qui le dépassent pour tendre un miroir aux Etats-Unis… Mais ne l’accablons pas, souhaitons que, après quelques essais infructueux (dont Inception en 2010), cessent ses délires mégalomanes et contentons-nous de nous amuser tièdement devant sa castagne si savamment mise en scène. Après tout, il fallait être le Fritz Lang de Metropolis (1927) pour signer une œuvre où la seule puissance des images permettait de ne plus (trop) sourciller devant l’épais capharnaüm intellectuel, il fallait être celui né avec M, Le Maudit (1931), à son apogée dans Règlement de comptes (1953), pour développer un discours inquiétant d’ambigüité mais, in fine, juste par sa misanthropie éclairée. Le Christopher Nolan de The Dark Knight Rises n’est ni l’un, ni l’autre. Ce dont nous nous doutions, ce que, également, nous aimerions qu’il comprenne afin de cesser de se fourvoyer et de se gâcher ainsi.
Bane (Tom Hardy) et Batman
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 2
Pour clore sa trilogie, Christopher Nolan, fait le choix malheureux de revenir à la Ligue des Ombres et de ce fait présente le deuxième épisode comme une parenthèse et non comme la continuité d'un récit au long cours. C'est une ville verrouillée par la police, assoiffée de contrôle que nous espérions dans le cadre de cette conclusion mais le cinéaste nous ressert la même soupe que dans Batman Begins sauf que là c'est Batman's Ending. Bane n'est pas venu faire la révolution, il est venu finir le boulot d'un Rah's Al Guhl qui ne l'a jamais porté dans son cœur dans une ville qui n'a pourtant plus rien de décadente. C'est donc la confusion scénaristique qui règne à laquelle vient s'ajouter une confusion thématique qui aboutit à quelques raccourcis balourds, entre développement durable et bombe atomique ou anticapitalisme et totalitarisme et seuls les entrechats, au sens propre comme au sens figuré, de Selina Kyle font sortir le spectateur de la mise en sommeil intellectuel. Peut-être notre auteur favori aurait-il du se concentrer sur un seul thème ou virer tout ce salmigondis pour livrer uniquement la pétaradante guérilla urbaine illustrée par de fort réussies scènes d'action. Portées par un Bane, certes à mille lieux du Joker mais qui ne manque pas d'allure avec son accent pas possible, sa veste en mouton et son Facehugger sur la tronche, les poursuites et bagarres sont variées et violentes, ultra-spectaculaires. Les deux mano a mano contre Batman valent le coup d'œil. Décrivant avec minutie et clarté, le siège et l'organisation de chaque camp, le film accroche vraiment. Il arrive même, sans briser la cohérence, à insérer des scènes absurdes et assez drôles, d'un tribunal, dit populaire, présidé par un juge iconoclaste, dans un rôle clin d'œil, dont le trône est une œuvre d'art contemporain (un amas de bureaux et de paperasse dénuée de sens).
Une question pointue pour ce film parfois obtus se pose enfin : Selina Kyle est-elle bisexuelle ? Nous avons bien vu que ce coquin de Batman prête sa moto à Catwoman parce que l'engin met en valeur son joli popotin. Il peut alors la mater tranquillos du haut de sa carapace volante. Ce dernier joujou permettant d'ailleurs de montrer à la féline que la chauve souris en a dans le slip, ce dont elle doutait un peu plus tôt. Pourtant, il ne nous a pas échappé non plus qu'elle vivait avec une petite blonde qui lui faisait des bisous dans le cou. Petite blonde qui disparaît de l'histoire sans que nous sachions pourquoi. Sans doute s'est elle fait larguer comme une vieille chaussette. Encore un entrechat ...
nolan
Note de nolan : 2
The Dark Knight Rises (Christopher Nolan, 2012)
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