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The Social Network par nolan

28 Octobre 2010 , Rédigé par nolan Publié dans #Critiques de films récents

Pour son huitième film, David Fincher revient sur ses thèmes de prédilections pour délivrer un film admirable, cohérent et complexe, qui vient confirmer que l'auteur de Zodiac et de Fight Club est l'un des réalisateurs hollywoodiens les plus intéressants du moment.

 

 

Aujourd'hui, David Fincher est un réalisateur reconnu pour ses talents et l'image de cinéaste tape-à-l'œil acquise avec Fight Club (1999) et Panic Room (2001) s'estompe de film en film. Pourtant, dès son premier film, Alien3 (1992), les mouvements de caméra virtuoses offerts par le réalisateur venu du clip ne tiennent pas de l'esbroufe mais dessinent la thématique que l'auteur affectionne, à savoir l'enfermement mental, social et physique. Aussi lorsqu'il réalise Zodiac (2007), passionnante enquête sans dénouement cloisonnant les personnages dans leur obsession, le film résonne comme une réponse à son Se7en (puis Seven, 1995) dans lequel David Mills (Brad Pitt) n'était qu'une marionnette dans les mains du serial killer (Kevin Spacey), maîtrisant à la perfection le plan qu'il a élaboré. Mais force est de constater qu'avec David Fincher, l'inspiration ne vient qu'une fois sur deux – ce n’est qui n’est déjà pas mal. Ainsi, The Game (1997) était une réelle déception, Panic Room un peu vain et L'Etrange histoire de Benjamin Button (2008) était soit trop subtil pour moi (c'est possible) soit doté d'un propos d'une banalité affligeante (c'est tout aussi possible). Mais tous les films de David Fincher ont en commun une flamboyance visuelle et lorsqu'elle s'allie avec le fond, la réussite est au rendez-vous. C'est le cas de Fight Club, un grand film (et un échec commercial dans un premier temps), pierre angulaire de l'œuvre du cinéaste. Son huitième film, The Social Network, y fait écho reconvoquant le déterminisme social et l'individualisme méthodologique assaisonnés de machinations à travers la figure de Mark Zuckerberg (Jesse Eisenberg), créateur du site Facebook.

Pourtant, on peut lire ici ou là que le film aurait une double paternité, celle du réalisateur et de son scénariste Aaron Sorkin, au motif que le cinéaste n'aurait pas touché une ligne du scénario et n'oserait pas d'amples mouvement de caméra (!), on peut lire également que David Fincher pense que l'"auteur n'existe pas quand il faut 40 millions de dollars et 900 personnes pour faire exister un film".

Dans ce cas, avec un peu de mauvaise foi, on pourra aussi reconnaître à Columbia Pictures d’avoir donné au film cette sensation permanente que tout va trop vite, où le rythme se cale sur la fulgurante réussite financière de Mark Zuckerberg, en imposant à Fincher – s’il voulait conserver le final cut – de faire un film qui ne dure pas plus de deux heures (pour des considérations qui n’ont rien d’artistiques puisqu’un film dépassant deux heures diminue le nombre de séances quotidiennes). Et si Fincher a trouvé ce scénario si parfait, ce qu'il faut reconnaître tant la construction en flashbacks reste lisible sans faire appel à des effets appuyés, il a choisi d’accélérer le débit des dialogues plutôt que d’élaguer certains passages. Première bonne idée d’un film qui fait feu de tout bois dans son aspect formel : montage nerveux, belle gestion de l'espace, cadrage soigné entre la position des personnages et le décor rempli de barrières symboliques.

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Jesse Eisenberg

 

Sur le fond, on se concentre sur le personnage et la trajectoire ascendante de Zuckerberg. L'acteur – formidable – lui donne un visage fermé et son regard dont on ne saurait dire s'il est rempli de mépris ou de tristesse va se perdre parfois vers l'extérieur, vers ce monde pour lequel il n'est visiblement pas fait. Ainsi, Mark Zuckerberg se construit un royaume, le plus gros final club (ces très sélectives fraternités de campus américain, promesse d'une vie sociale accomplie) du monde pour atteindre son double objectif : reproduire à l'échelle mondiale ce système de clubs auxquels il rêvait d'appartenir et démontrer à son ex (Rooney Mara) qu'elle ne peut pas y échapper. Car, oui Facebook, c'est aussi pratique pour retrouver son ex et savoir si sa vie est un désastre alors que toi, le cœur brisé, tu es milliardaire. Finalement Mark Zuckerberg n'entends rien aux relations sociales, et cela semble être le propos du film. Mais les autres protagonistes ne sont guère plus brillants. A ce titre les irréels jumeaux Wincklevoss (Armie Hammer), grands blonds musclés identiques (les effets spéciaux sont d'ailleurs très réussis puisqu'on ne les décèle jamais) à la voix virile et assurée sont l'expression d'une forme de réussite composée de valeurs traditionnelles et aristocratiques. Lors d'une jolie course d'aviron sur fond d’In the Hall of the Mountain King d’Edvard Grieg déglinguée par Trent Reznor (responsable de la très réussie bande originale du film), on voit bien que ces aspirants gentlemen sont en train de perdre pied, dépassés par le changement et vont devoir s'abaisser, comme l'incite leur ami Divya Narendra (Max Minghella), à sortir l'artillerie lourde et demander de la thune à ce voleur d'idées qu'est Zuckerberg.

Et comme tous les personnages du film, ils scellent leur destin sur une erreur de communication, un point faible que Zuckerberg ne leur pardonnera pas : lui proposant une belle opportunité dont nombre d’étudiants rêveraient, ils l’accueillent dans la remise à vélo du bâtiment de leur fratrie. Ce geste restera comme la marque de mépris, l’ignorance de ne pas avoir pris conscience qu’ils avaient devant eux un génie à respecter. C'est le leitmotiv du film : Mark Zuckerberg expulse son entourage, y compris celui qui fait figure de mentor Sean Parker (Justin Timberlake) - charismatique, génial et tout aussi paranoïaque que le héros - et y compris, mais cela ne pouvait pas en être autrement, son unique ami Eduardo Saverin (Andrew Garfield) qui paiera au prix fort le fait d'avoir été, lui, retenu dans un final club d'Harvard et de ne pas être assez cool pour Facebook (il voulait mettre de la pub). On ne saura jamais si Mark Zuckerberg a intrigué pour déchoir ses relations même si la possibilité reste probable tant le moindre faux pas est immédiatement suivi d'une sanction (ainsi Sean Parker disparaît après son petit numéro d'humiliation de Saverin que Zuckerberg n'a pas goûté). Pierre Desproges disait que "la caractéristique principale d'un ami est sa capacité à vous décevoir", c'est de cette déception que naît l'extrême solitude du héros, ne croyant plus à grand chose, ni à lui-même comme le montre ce dernier dialogue avec une jeune avocate (Rashida Jones) qui le cloue gentiment : le brillant cerveau n'a plus de réparties saillantes, dans un silence de mort, il finit prisonnier de sa création.

 

nolan 

 

Note de nolan : 5

 

The Social Network (David Fincher, 2010)

La note de Ran

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