The tree of life
Terence Malick revient avec un film visuellement splendide, grande leçon de montage et tout simplement belle réussite cinématographique. Donnant à son film un ton aussi expérimental qu’hollywoodien (il faut le faire !), le réalisateur cherche lui-même à se faire emporter par l’ambition démesurée de sa dernière œuvre. Nous sommes perdus et ravis de l’être.
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Affiche du film
Ils sont nombreux les films du festival de Cannes 2011 qui donnent envie d’aller au cinéma. Si certains ne répondent pas aux attentes, voire se révèlent nuls (La Conquête de Xavier Durringer), certains se montrent à la hauteur comme le film des frères Dardenne (Le Gamin au vélo) et surtout le dernier Malick. Admettons-le, juger du dernier film du très discret réalisateur américain, est un exercice qui a ses limites tant il est difficile d’expliquer l’œuvre qui joue sur les sensations par le biais d’un montage tout simplement extraordinaire. Il faudra sans doute étudier dans quelques années par quel miracle, le réalisateur a réussi à rendre à son œuvre aussi fluide alors que le film se découpe en succession de plans de quelques dizaines de secondes qui sont parfois très éloignés les uns des autres, tant temporellement que spatialement. L’histoire est assez simple, l’anniversaire de la mort de son frère RL (Laramie Eppler) rappelle à Jack (Sean Penn) une foule de souvenirs notamment sa jeunesse (il est alors interprété par Hunter McCraken), son père rigide (Brad Pitt) et sa mère (Jessica Chastain) … La caméra n’adopte pas toujours le point de vue de Jack, notamment lors de son introduction qui raconte l’annonce de la mort de RL, avant de partir dans un trip complet qui alterne entre la résidence familiale et l’univers (seraient alors reprises quelques images du Home de Yann Arthus Bertrand – 2007, sortie en 2009[1]…). Un tel passage est superbe et le collage est si audacieux qu’il fait littéralement s’envoler le film (qui part de la très concrète disparition d’un proche pour en arriver au Big bang). Nous n’avons pas vu les Océans (Jacques Perrin), Home ou Le syndrome du Titanic (Nicolas Hulot, 2007, sortie en 2009), n’étant guère sensibles aux discours de leurs auteurs et devinant montage sans saveur et propos didactique mais force est d’admettre que certaines images en sont fort belles. Ici aussi et il y a bien sûr ces cinq minutes de dinosaures qui vaut actuellement au film une réaction de rejet ou d’incompréhension même chez les plus grands fans de Malick. Même s’il ne s’agit pas de la meilleure partie du film (effets spéciaux trop voyants et seul moment où le « message » prend le pas sur l’art), le film maintient le pouvoir hypnotisant de son introduction. Dans The Tree of life, le raccord violent est presque la règle, cherchant à reproduire le mélange entre les souvenirs de Jack, les pensées philosophiques qui l’étreignent, le monde qui vibre autour de lui (naturel et mécanique, ce qui est assez habituel chez l’auteur mais plastiquement toujours aussi envoûtant). Une fois de plus, la splendeur visuelle est au rendez-vous, ce qui suffit largement à une première vision.
Brad Pitt au centre
De gauche à droite Tye Sheridan, Laramie Epler et Hunter McKraken
L’arbre de vie, c’est la famille. Et le réalisateur fait sien un des grands thèmes du cinéma américain pour délivrer une très belle vision de l’enfance. Une acuité rarement vue au cinéma (dans nos souvenirs de spectateur) de l’âge de raison, entre 7 et 12 ans, où l’insouciance cède parfois le pas à la découverte de la violence – celle qui contraint. Où le sens de la vie perd soudain de son évidence et le cocon familial devient aussi emprisonnant que rassurant. On pense au thème fétiche de Steven Spielberg. Forcément les corrélations avec la Vie (la naissance et la mort sont les points de cadrage de la famille) et Dieu (ce père injuste et tout puissant en apparence, semble n’avoir aucun contrôle des éléments) sont présentes. On a parfois l’impression que Terence Malick a vu quelques films de Claude Lelouch et qu’il s’est dit : « je ne peux pas le laisser faire ça, il y a tant de choses à faire ressentir ». Le final nous montre alors une vision du monde des morts où tout le monde se retrouve. C’est Jack qui meurt (un « bip bip » propre au moniteur d’une chambre d’hôpital, utilisé de manière extradiégétique, alors qu’il semblait être plongé dans des abymes de perplexité à son lieu de travail, nous semble indiquer qu’il n’est pas vraiment où il croit être). Découpé en trois parties (l’annonce de la mort de RL et son trip originel, l’enfance de Jack et sa relation avec ses parents et enfin une acceptation de la mort), la seconde est sans aucun doute la plus poignante. La maîtrise du réalisateur est alors totale (autant dans la direction d’acteurs que dans la composition des séquences et des plans), c’est aussi la plus accessible. Nous ne savons pas si le temps nous fera trouver les autres parties pompeuses ou profondes mais, pour l’instant, nous sommes encore totalement sous le charme.
nolan :
Note de nolan : 5
[1] Dixit Luc Besson, le producteur dans un entretien au journal Le Monde daté du 29 mai 2011.
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