Trajectoires de Tim Burton (1)
Dark Shadows et Frankenweenie sont les deux opus 2012 de Tim Burton. Et comme le premier sort dans moins d'un mois, il convient de revenir sur la carrière du célèbre cinéaste natif de Burbank. Aussi ai-je du renoncer à faire un Bribes et fragments avec des photos de Rihanna pour la sortie de Battleship de Peter Berg. nolan
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Big Fish (2004)
Trajectoires de Tim Burton (1) – Comment va Tim Burton ? A l’heure où une exposition (que je n’ai pas encore eue l’occasion de découvrir et jugée par certains d’un intérêt limité car oubliant presque l’aspect cinématographique) lui rend hommage à la cinémathèque, alors que de nouvelles œuvres sont annoncées (Dark Shadows en mai puis Frankenweenie), la question ne manque de se poser. Il serait injuste d’affirmer, sans autre forme de procès, que le réalisateur du sublime Batman Returns n’a cessé de décevoir au cours de la première décennie du XXIe siècle. Sans aucun doute, ses derniers films sont-ils, globalement, d’un niveau clairement inférieur à ceux proposés lors des quinze premières années de sa carrière. A comparer son évolution à celle des frères Coen, de presque alter egos contemporains, on ne peut que constater que Burton se situe désormais en-deçà. Mais, surtout, se dégage l’impression que notre auteur souffre d’une étrange schizophrénie. Peut-être pas dans son rapport au système de production puisque, dès le début, il chercha, comme beaucoup et avec un talent exceptionnel, à l’investir pour mieux le pervertir. En ce sens, après s’être révélé (Pee-Wee Big Adventure et Beetlejuice), avoir réussi un blockbuster de belle facture (le premier Batman), imposé un imaginaire fantastique dans son premier chef-d’œuvre (Edward aux mains d’argent), il signa son coup de maître avec Batman Returns. Assurément, l’un des plus grands miracles hollywoodiens depuis Boulevard du crépuscule. Burton y délivrait un spectacle d’une implacable noirceur, morbide et poétique, politique et érotique, quand on n’espérait qu’une grosse production destinée au plus large public. Après, il ressassa, à satiété, ses obsessions, les modula en de réjouissantes variations et explora le passé d’un cinéma bis qui l’inspirait tant. Ce furent, successivement, L’Etrange Noël de monsieur Jack (avec Henry Selick), Ed Wood, Mars Attacks ! et Sleepy Hollow ; des films de qualité inégale, bien sûr, mais sans que n’apparaisse l’ombre d’un véritable échec artistique. Sa monstrueuse et délirante parade lui permit de créer une œuvre, jusqu’en 1999, presque parfaite. Après ce parcours sans faute, la certitude était acquise qu’un nouveau maître avait émergé.
Puisqu’il jouissait de la plus grande liberté, on pouvait attendre la suite avec grande impatience. Or, elle s’avéra moins convaincante. Des six films qu’il livra depuis Sleepy Hollow, trois (La Planète des singes, Big Fish et Alice au pays des merveilles ) me semblent, au mieux, catastrophiques, trois autres (Charlie et la chocolaterie, Les Noces funèbres – réalisé avec Mike Johnson –, Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street), au pire, plus qu’agréables. La moyenne, en somme. Suffisant, pour beaucoup mais pas pour Burton, serait-on tenté d’écrire. A moins qu’il ne se soit, justement, rendu compte que cela pouvait suffire pour garder sa place, le succès commercial restant, lui, toujours au rendez-vous. Ce qui le fit tomber dans le travers d’une désolante facilité. Cependant, bien qu’il se laissât, bien trop régulièrement, aller en surjouant de sa propre caricature, il développa parallèlement une haine – encore embryonnaire quelques années plus tôt – inextinguible, quasi-langienne, de l’Homme, soi-même compris. Elle irrigua, avec grand bonheur, Charlie et la chocolaterie et Sweeney Todd. Plus que jamais, le marginal était, en pleine conscience, au cœur d’un système qui, par nature, sait intégrer ceux qui tentent de le défier. Alors que son regard gagnait un peu plus en acuité désespérée, il profitait des avantages – financiers notamment – d’une situation tout de même privilégiée. Cette trajectoire, pour étrange qu’elle soit, l’est évidemment moins selon qu’on l’envisage du point de vue de l’artiste ou de celui du monde dans lequel il se meut. Avant d’y revenir et puisque l’on en est aux considérations chiffrées, osons conclure ce billet par une métaphore sportive. Quels que soient les errements passés ou à venir de sa carrière, le palmarès de Burton restera. Rien ne viendra, jamais, ternir la grandeur d’Edward aux mains d’argent, Batman Returns ou Sleepy Hollow !
Antoine Rensonnet
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