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Trajectoires de Tim Burton (3)

25 Avril 2012 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Bribes et fragments

Dark Shadows et Frankenweenie sont les deux opus 2012 de Tim Burton. Et le premier sortant dans moins d'un mois, il convient de revenir sur la carrière du cinéaste natif de Burbank. Aussi ai-je du renoncer à faire un Bribes et fragments avec des photos d'Elie Semoun pour la sortie des Vacances de Ducobu. nolan

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Sweeney-Todd--La-Diabolique-Barbier-de-Fleet-Street.jpgSweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street (2007)


Trajectoires de Tim Burton (3) – Distribué quelques semaines seulement après Charlie et la chocolaterie, Les Noces funèbres voit Tim Burton s’aventurer pour la seconde fois sur le terrain du film d’animation, douze ans après L’Etrange Noël de monsieur Jack. Son nouvel opus souffre, ce qui vient conforter la thèse d’une panne d’inspiration, de la comparaison qui naturellement s’impose entre les deux films. Critique sans doute injuste. Si Les Noces funèbres est inférieur à L’Etrange Noël de Monsieur Jack, il est le lieu où la beauté de l’imaginaire burtonien atteint peut-être son plus haut sommet. Partiellement privé d’originalité, il s’emplit d’une grâce éthérée et triste. Comme souvent, le monde des vivants se révèle effrayant mais celui des fantômes n’apparaît plus que comme une solution ponctuelle. Burton désenchante, sans trop insister, son propre univers. Le monstre-ressource qui le rendait supportable s’efface doucement… Burton, après Batman Returns, joue avec la verticalité et travaille l’opposition d’espaces. Esthétiquement, il s’inscrit alors pleinement dans la filiation de Fritz Lang.

C’est dans Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street que son long flirt avec l’œuvre du maître germanique se consomme. Burton assume complètement sa nouvelle noirceur, révélée dans Charlie et la chocolaterie. Du film, malgré l’outrance gore et les nombreux instants qui font sourire, se dégage l’impression que le réalisateur est devenu nihiliste. Sa weltanschauung ne laisse place qu’à une universelle misanthropie. Véritable, car Burton est le premier objet et la première victime de sa haine absolue qui, par capillarité, touche le reste du monde. Dans Sweeney Todd, Burton affirme sa culpabilité (d’avoir cédé aux sirènes hollywoodiennes ?). Depuis Edward aux mains d’argent, Johnny Depp compose un évident double du réalisateur. A l’époque, il n’était, déjà muni de longs ciseaux, qu’innocence. Dans Sleepy Hollow, s’appareillant volontairement d’appendices en tous genres, il versait stupidement dans la rationalité avant de (devoir) plonger dans le fantastique. Légère faute, aisément pardonnable. Dans Sweeney Todd, il est, bien plus encore que le Willy Wonka de Charlie et la chocolaterie, le monstre. Furieux et sinistre, il tranche, au moyen de ses lames, toutes les gorges qui se présentent à lui. A ces deux détails près que sont son retour d’entre les morts et son talent surnaturel de barbier, il est aussi parfaitement humain. Le monstre-ressource disparaît corps et âme et s’ancre dans le réel. Bien sûr, c’étaient des hommes qui, déjà, par leur bêtise, constituaient les personnages les plus négatifs d’Edward aux mains d’argent et de Sleepy Hollow et Max Schreck (Christopher Walken) était le vrai – et le seul – méchant de Batman Returns. Dans ces œuvres subsistaient pourtant des possibles, des marginaux qui, de par leur anormalité même, apportaient un peu de magie dans l’ordre du monde. A moins qu’ils ne se donnent pour mission, comme Batman, de le préserver… Par ce qu’ils prenaient en charge, consciemment ou non, ce qu’ils enduraient parfois, ils figuraient des Christ baroques et absurdes. Sweeney Todd, lui, n’a pas la moindre caractéristique d’un héros salvateur. Peu importe qu’il y ait une motivation compréhensible à sa ‘‘croisade privée’’ – pour reprendre l’expression de Lang à propos du Dave Bannion (Glenn Ford) de son Règlement de comptes –, elle ne fait que participer d’une barbarie généralisée. Meurtre, cannibalisme, pédophilie, mensonge, viol, poids de la hiérarchie sociale et égoïsme sont les composantes de cette représentation des abîmes ordinaires. Les conclusions sont logiques. L’unique être innocent (la femme de Sweeney Todd, Lucy Barker – Laura Michelle Kelly), qui, depuis longtemps, a sombré dans la folie, tombe, victime de la rage aveugle de Sweeney Todd. Preuve de son échec et de la vacuité de sa quête. La seconde compagne du héros (Mrs Lovett – Helena Bonham Carter), aussi effrayante que celui-ci, malgré quelques rares traces d’humanité (un amour – non partagé –, un désir de maternité, des rêves d’une confondante banalité,…) a recueilli un orphelin (Toby –Edward Sanders). Sa destinée, la seule imaginable, est de tuer à son tour pour mettre un terme à la trajectoire vengeresse de Sweeney Todd. Sombre tableau…

 

Antoine Rensonnet

 

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A
<br /> Merci pour le lien. J'irai écouter cela.<br />
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S
<br /> Je vous invite à écouter l'analyse que fait<br /> Jean-Baptiste Thoret du cinéma de Burton dans la seconde partie de l'émission Mauvais Genre du 7 avril (à partir de 1h37).<br />
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