True Grit par nolan
Puni par là où on a pêché. Voilà la sentence biblique en vogue au moyen-âge (on coupe les mains du voleur, on coupe la langue du menteur) qui se dessine dans le très brutal dernier opus des frères Coen. Pourtant non dénué d'humour, le film tient un propos très noir et peu nuancé mais c'est un plaisir.
Jeff Bridges et Hailee Stainfeld
Attention cette note révèle une grande partie de la fin du film.
‘‘Il y a un prix à payer’’ nous répète sans cesse la jeune Mattie Ross (Hailee Steinfeld, parfaite) qui cherche à faire pendre en bonne et due forme Chaney (Josh Brolin, court mais bon) ; l'assassin du père de l'adolescente. True Grit, c'est ‘‘Alice au pays des cadavres’’. Et bien avant le premier morceau de bravoure qui voit l'héroïne traverser une rivière pour un voyage en territoire indien aussi drôle que morbide, Mattie dort avec les morts, assiste à une triple pendaison et choisit sans hésiter de s'adresser au marshall le plus violent au détriment de celui qui attrape ses cibles vivantes, pour venger son père. D'une première partie présentant une civilisation à la justice assez expéditive, essentiellement liée aux questions d'argent, le film bascule dans la quête vengeresse au sein de l'Ouest sauvage dans lequel la justice est encore aussi brutale et les problèmes d'argent déjà présents (un double troc autour d'un cadavre, une menace de non paiement pour Chaney, …) avant d'enchaîner sur une séquence aux confins de l'onirisme et une conclusion plus que mélancolique.
Réalisation au cordeau respectant les codes du western, photographie magnifique de Roger Deakins et interprétation remarquable, le film ne manque pas de qualités. Et malgré son propos très noir, s'invitent de grands moments comiques à base de joutes verbales toutes plus jouissives les unes que les autres. Notre préférence va bien sûr aux disputes opposant le marshall Rooster Cogburn (Jeff Bridges, également parfait) au Texas Ranger LaBoeuf (Prononcez ‘‘Labif’’ – Matt Damon parfait, lui aussi). Avec ses petites étoiles qui font cling, cling sur ses bottes, son épi et l'idée (saugrenue) qu'il a de voler un baiser à Mattie, ce Ranger apparaît comme un enfant, ce qui provoque chez lui une recherche permanente de reconnaissance là où Mattie, présomption de la jeunesse, estime n'avoir rien à prouver. Mais comme les autres, c'est une brute. Dans True Grit, les personnages manient mieux le verbe que leur arme. Pourtant, les discussions n'aboutissent presque jamais (excepté au terme d'une cocasse négociation de vente de poneys) et c'est dans le meurtre que les personnages s'accomplissent, c'est en tuant qu'ils acquièrent un statut. A ce titre, les personnages discourant avec aisance (y compris Ned le bandit crado – Barry Pepper) sont ramenés au niveau de Chaney, qui a la diction d'un attardé ou d'Harold Parmalee (Bruce Green), ne s'exprimant que par cris d'animaux. Et le prix à payer est assez fort. Certes, on s'amuse de voir le verbiage de LaBoeuf sanctionné – et sectionné – par une blessure à la langue mais on s'attriste pour Mattie, trop grande pour son âge (intellectuellement et physiquement) qui finira vieille fille, punie par les serpents pour avoir jouée à la grande. Le meilleur d'entre tous, Cogburn, a perdu un œil et boit comme un trou. Entre sa première apparition – qui n'en est pas une, il est aux toilettes – et la fin du film, le marshall passe de l’état de beauf sanguinaire, tirant dans le dos au besoin, à celui de valeureux héros lors d'un magnifique duel final (comment dit-on à quatre contre un ?). Mais au terme d'un sauvetage épique, Rooster Cogburn ne devient pas une légende, il n'est qu'une attraction pour les badauds. Tout cela n'est pas bien gai et il ne semble pas y avoir d'échappatoire dans ce film qui, s'il n'est pas trop violent graphiquement, accumule les morts au point qu'ils font partie du décor notamment lorsque, assis contre un mur, au milieu du film, ils paraissent assister au spectacle dont ils connaissent déjà la fin.
nolan
Note de nolan : 4
True Grit (Joel et Ethan Coen, 2010)
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