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True Grit par nolan

2 Mars 2011 , Rédigé par nolan Publié dans #Critiques de films récents

Puni par là où on a pêché. Voilà la sentence biblique en vogue au moyen-âge (on coupe les mains du voleur, on coupe la langue du menteur) qui se dessine dans le très brutal dernier opus des frères Coen. Pourtant non dénué d'humour, le film tient un propos très noir et peu nuancé mais c'est un plaisir.

 

Spécial Coen 

true-grit.jpg

Jeff Bridges et Hailee Stainfeld

 

Attention cette note révèle une grande partie de la fin du film.

 

‘‘Il y a un prix à payer’’ nous répète sans cesse la jeune Mattie Ross (Hailee Steinfeld, parfaite) qui cherche à faire pendre en bonne et due forme Chaney (Josh Brolin, court mais bon) ; l'assassin du père de l'adolescente. True Grit, c'est ‘‘Alice au pays des cadavres’’. Et bien avant le premier morceau de bravoure qui voit l'héroïne traverser une rivière pour un voyage en territoire indien aussi drôle que morbide, Mattie dort avec les morts, assiste à une triple pendaison et choisit sans hésiter de s'adresser au marshall le plus violent au détriment de celui qui attrape ses cibles vivantes, pour venger son père. D'une première partie présentant une civilisation à la justice assez expéditive, essentiellement liée aux questions d'argent, le film bascule dans la quête vengeresse au sein de l'Ouest sauvage dans lequel la justice est encore aussi brutale et les problèmes d'argent déjà présents (un double troc autour d'un cadavre, une menace de non paiement pour Chaney, …) avant d'enchaîner sur une séquence aux confins de l'onirisme et une conclusion plus que mélancolique.

 

Réalisation au cordeau respectant les codes du western, photographie magnifique de Roger Deakins et interprétation remarquable, le film ne manque pas de qualités. Et malgré son propos très noir, s'invitent de grands moments comiques à base de joutes verbales toutes plus jouissives les unes que les autres. Notre préférence va bien sûr aux disputes opposant le marshall Rooster Cogburn (Jeff Bridges, également parfait) au Texas Ranger LaBoeuf (Prononcez ‘‘Labif’’ – Matt Damon parfait, lui aussi). Avec ses petites étoiles qui font cling, cling sur ses bottes, son épi et l'idée (saugrenue) qu'il a de voler un baiser à Mattie, ce Ranger apparaît comme un enfant, ce qui provoque chez lui une recherche permanente de reconnaissance là où Mattie, présomption de la jeunesse, estime n'avoir rien à prouver. Mais comme les autres, c'est une brute. Dans True Grit, les personnages manient mieux le verbe que leur arme. Pourtant, les discussions n'aboutissent presque jamais (excepté au terme d'une cocasse négociation de vente de poneys) et c'est dans le meurtre que les personnages s'accomplissent, c'est en tuant qu'ils acquièrent un statut. A ce titre, les personnages discourant avec aisance (y compris Ned le bandit crado – Barry Pepper) sont ramenés au niveau de Chaney, qui a la diction d'un attardé ou d'Harold Parmalee (Bruce Green), ne s'exprimant que par cris d'animaux. Et le prix à payer est assez fort. Certes, on s'amuse de voir le verbiage de LaBoeuf sanctionné – et sectionné – par une blessure à la langue mais on s'attriste pour Mattie, trop grande pour son âge (intellectuellement et physiquement) qui finira vieille fille, punie par les serpents pour avoir jouée à la grande. Le meilleur d'entre tous, Cogburn, a perdu un œil et boit comme un trou. Entre sa première apparition – qui n'en est pas une, il est aux toilettes – et la fin du film, le marshall passe de l’état de beauf sanguinaire, tirant dans le dos au besoin, à celui de valeureux héros lors d'un magnifique duel final  (comment dit-on à quatre contre un ?). Mais au terme d'un sauvetage épique, Rooster Cogburn ne devient pas une légende, il n'est qu'une attraction pour les badauds. Tout cela n'est pas bien gai et il ne semble pas y avoir d'échappatoire dans ce film qui, s'il n'est pas trop violent graphiquement, accumule les morts au point qu'ils font partie du décor notamment lorsque, assis contre un mur, au milieu du film, ils paraissent assister au spectacle dont ils connaissent déjà la fin.

 

nolan

 

Note de nolan : 4

True Grit par Ran : 4

 

True Grit (Joel et Ethan Coen, 2010)

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N
<br /> <br /> Bonjour Dasola,<br /> <br /> <br /> C'est vrai que Josh Brolin apparait tardivement et qu'en tant que spectateur, on souhaite qu'il corresponde plus à la description qu'en fait Laboeuf qu'à celle de Mattie. Je pense également que<br /> c'est voulu, leur rencontre dans la rivière montre bien cela  : on le voit se retourner l'air patibulaire, puis il reconnait Mattie, presque content de la voir et commence à discuter le bout<br /> de gras. Cela participe, à mon avis, de la volonté de ne pas donner au spectateur plaisir coupable de la vengeance mais Ran l'a déjà écrit. Mais en matière de méchant, Ned Pepper a quand même du<br /> style.<br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Bonsoir Dasola.<br /> <br /> <br /> Je laisserai, bien sûr, à nolan le soin de dire ce qu'il en pense mais, personnellement, je crois que c'est complètement voulu, à tout le moins pour Josh Brolin. Tant qu'il n'est pas apparu dans<br /> le film, s'opposent à son propos les visions de Mattie (un lâche plutôt limité intellectuellement) et celle de LaBoeuf (un quasi-fantôme presque impossible à attraper) dans l'esprit du<br /> spectateur. Quand on le voit enfin, celle de Mattie triomphe. Par ailleurs et surtout, tant qu'il n'est pas là, la vengeance de Mattie a un côté abstrait et ce dernier personnage garde encore une<br /> parcelle de son innocence. Une fois Brolin entré en jeu, il s'agit pour elle d'abattre (ou de faire pendre) plutôt froidement un pauvre type. Aussi sa vengeance devient-elle aussi concrête que le<br /> seront ses conséquences. Aussi l'apparition retardée de Brolin et son côté falot me semblent participer (et rebondir), de manière pertinente, de la réflexion générale du film sur l'Innocence, le<br /> Bien, le Mal, la Justice, la Vengeance,...<br /> <br /> <br /> Par ailleurs, les frères Coen - à la très notable exception d'Anton Chigurh (quoique celui-ci se situe par delà le Bien et le Mal) dans No Country for Old Men) composent rarement, sans<br /> doute parce qu'ils aiment beaucoup leurs personnages, des méchants très méchants et véritablement inoubliables. Héritiers d'Hitchcock sur de nombreux points, ils n'appliquent pourtant donc guère<br /> son fameux précepte "Plus réussi est le méchant, plus réussi est le film".<br /> <br /> <br /> Bonne rédaction ; on viendra lire ça.<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Bonsoir Nolan, je dois rédiger un billet sur ce film qui m'a beaucoup plu (je ne me rappelais plus du film original). Le seul bémol serait "les méchants" pas très méchants voire assez bêtes. Josh<br /> Brolin est inexistant, d'ailleurs on le voit pour la première fois dans le film très tardivement. La jeune fille est très bien et Jeff Bridges savoureux. Bonne soirée.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Que True Grit ne s'élève pas au niveau des meilleurs films des frères Coen, d'accord. La déception peut même être un peu renforcée du fait qu'on avait très envie, au vu de leurs oeuvres<br /> précédentes notamment No Country for Old Men, de les voir enfin s'attaquer au western.<br /> <br /> <br /> Il n'en reste pas moins que True Grit a d'indéniables qualités (beauté formelle, humour) que l'on ne peut que lui reconnaître. De plus, certaines discussions (notamment chez Ed) tendent<br /> à montrer qu'il y a bien des points sur lesquels on peut s'arrêter devant ce film - qu'on les défende ou pas - donc qu'il pose question ce qui est plutôt une bonne chose. Par ailleurs, il offre<br /> différentes lectures (conte initiatique ou film de vengeance - celle que je retiens) ce qui, là encore, est intéressant même si l'on peut tout à fait considérer que cela pose un problème de<br /> cohérence ou d'équilibre. Bref, on peut sans aucun doute attaquer le film mais tout en posant certains préalables. Par ailleurs, s'il n'appartient pas à mon sens aux chefs d'oeuvre des Coen,<br /> True Grit n'est pas non plus l'un de leurs films les plus faibles (qui, même ratés, ne sont pas catastrophiques contrairement à certains films de Burton, par exemple).<br /> <br /> <br /> En tout état de cause, faire une critique de ce film impose de faire la part des choses entre ce que l'on attendait, d'une part, et ce que l'on découvre, d'autre part (en pensant que certains<br /> spectateurs ne connaissent guère le cinéma coenien). Et True Grit, au vu de ses qualités et des petites déceptions qu'il peut générer, se prête mieux à la discussion qu'à la polémique.<br /> <br /> <br /> PS : nolan, je t'encourage vivement à découvrir Tueurs de dames ! C'est l'un des vrais fleurons de la comédie britannique (Alec Guiness est excellent et on découvre un Peter Sellers tout<br /> jeune).<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Positif a fait sa couverture dessus. J'ai lu la critique hier, je n'ai pas tout compris mais Masson semble avoir adoré. Sinon, je place les Coen sur un piedestal (et c'est loin d'être votre cas,<br /> vous n'êtes pas grand amateur de leur cinéma, "de bons faiseurs" selon vous), donc je ne leur jetterai pas la pierre. Mais si les Coen sont des génies du cinéma, la déception est encore plus<br /> grande quand ils foirent leur film. Par exemple, je suis sorti enervé de The Ladykillers (pourtant le film ne pouvait souffrir de la comparaison avec l'original puisque je ne l'ai pas<br /> vu).<br /> <br /> <br /> <br />
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