Vous n'avez encore rien vu
Après ses fabuleuses Herbes Folles, Resnais joue de nouveau avec la forme de son film au sein d'une mécanique parfaitement huilée. Celle-ci, si voyante et si élaborée, tend à devenir le seul intérêt du film. Mais un intérêt majeur.
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Sabine Azéma et Pierre Arditi
De fameux acteurs sont invités dans la résidence d'un célèbre metteur en scène récemment décédé (Denis Podalydès) pour y voir la captation vidéo d'une de ses pièces (Eurydice) par une jeune troupe de théâtre. Ils se remettent alors spontanément à interpréter des rôles qu'ils ont eux mêmes assurés par le passé. La tragique histoire d'amour qui est racontée est loin d'être inintéressante mais parfois le dispositif mis en place prend le pas sur ce qui est raconté. Ainsi, nous sommes-nous surpris durant le film à comparer les acteurs entre eux pour le même rôle (en préférant largement, par exemple Sabine Azéma à Anne Consigny dans le rôle d'Eurydice) ou les choix de Resnais à ceux volontairement plus rudimentaires mais toutefois biens réels de Bruno Podalydès qui a filmé la jeune troupe. Mais la captation podalydienne n'est qu'un support : c'est bien la mise en scène élaborée de Resnais qui occupe la place prépondérante, à l'instar de ses acteurs, plus importants et plus expérimentés que ceux de la troupe. Il ne s'agit pas pour autant de démontrer que le cinéaste nonagénaire est actuellement le meilleur de France (tout le monde le sait de toute façon) mais de reproduire un champ des possibles à travers la seule interprétation des acteurs. Aussi Resnais ne modifie-t-il pas sa mise en scène en fonction de ces derniers. Pour une même scène, Lambert Wilson ou Pierre Arditi (Orphée) sont cadrés de la même façon et l'homogénéité et la continuité restent assurées. Sans doute le but est-il alors de montrer qu'avec les mêmes mots et les mêmes mouvements de caméras, deux acteurs livreront une émotion différente. Le jeu devient donc infini, l'expérience pouvant être la même en gardant l'acteur et le texte mais en testant un travelling avant ou une contre-plongée. Bref, si l'ensemble nous a paru fort maîtrisée avec quelques sommets de tragédie (en particulier la réapparition d'Eurydice qu'Orphée ne peut regarder) et que l'esprit joueur du cinéaste retient toujours l'attention du spectateur, l'adhésion n'est cette fois, à l’inverse du film précédent, pas totale.
nolan
Note de nolan : 3
Vous n'avez encore rien vu (Alain Resnais, 2011)
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