Le Dernier Pub avant la fin du monde
Une comédie de potes bascule dans le film d'invasion extra-terrestre. C'est drôle et enlevé. On regrette seulement que le cinéaste Edgar Wright n'ait pas su être à la pleine mesure de son talent.
Troisième opus de la trilogie Cornetto après Shaun of the Dead (Cornetto à la framboise, 2004), Hot Fuzz (Cornetto à la vanille, 2007), Le Dernier Pub avant la fin du Monde (Cornetto à la pistache) adopte une construction assez osée puisque le film est littéralement cassé en deux. Dans les précédents métrages, Edgar Wright prenait soin d'intégrer le genre qu'il pastichait au sein d'une histoire d'amour et d'amitié. Cette fois, Le Dernier Pub... est dans sa première partie un film de potes quadra en pleine tournée nostalgique avant de basculer au bout d'une quarantaine minutes dans l'invasion extra-terrestre. Déjà vu dans Une Nuit En Enfer (Robert Rodriguez, 1996) par exemple, ce type de basculement aurait pu n’être qu’une béquille structurelle servant à relancer le rythme et surprendre à peu de frais le spectateur. Evidemment la tentation est grande de dire que c'est le cas mais une lecture différente s’impose. En effet Gary (Simon Pegg, également co-scénariste) est un quadra qui macère sa gloire de jeunesse et entraîne ses amis d'enfance dans un « barathon » (une tournée des bars avec la consommation d'une pinte de bière dans chacun d'entre eux) à Newton Haven, petite bourgade qui les a vus grandir (et accessoirement se saouler). A mesure que le barathon avance, Gary se révèle un triste loser, égocentrique et lourd, qui doit supporter le regard dur et rancunier de ses amis, rangés des voitures mais dont la vie n'est pas plus reluisante. Aussi le basculement, provoqué par Gary, est une forme de deus ex-machina qui, s'il plonge la bande de potes dans la catastrophe, donne raison à Gary, resté fidèle à lui-même. Imaginer que la deuxième partie est un grand délire éthylique de ce dernier (alors avec quatre ou cinq pintes dans le gosier), poussée par le délitement de ses rapports amicaux, serait plausible et justifierait alors cette rupture.
Mais n'ergotons pas plus sur ce seul aspect. Le Dernier Pub respecte comme les deux autres Cornetto les codes du (sous-)genre qu'il aborde. Aussi, cette invasion extra-terrestre qui colonise l'être humain via des robots biens trop aimables se double-t-elle d'une réflexion sociale, à l'instar par exemple d'Invasion Los Angeles (John Carpenter, 1988). Wright lie l'asservissement social à la civilisation et l'oppose au libre-arbitre, notamment celui de rester idiot. On voit bien l'ambiguïté d'un tel discours et sans doute la volonté d'interroger le spectateur sur ce thème. On regrette toutefois que le réalisateur n'ait pas réussi à le filer tout le long du métrage et recourt à une ultime confrontation des amis avec une super puissance de la galaxie lors d'un débat, certes très drôle (rappelons que la discussion a lieu avec trois personnes ronds comme des barriques et finira par tourner court), mais parfois un peu didactique. Si le cinéaste va, à raison, jusqu'au bout de son idée, il est étonnant qu’il ajoute une conclusion à sa conclusion du type « que sont-ils devenus ? » qui sert de fourre-tout à des idées supplémentaires qui, faute de pouvoir être traitées, auraient du être évacuées. D’ailleurs la durée du film, péché mignon du réalisateur, est, une nouvelle fois, trop importante.
Le Dernier Pub est une comédie d'action et, sur ces deux volets, s'en sort avec les honneurs. Certes les combats ont un aspect répétitif mais les scènes sont brillamment filmées. Une échauffourée dans les toilettes des hommes devient ainsi le théâtre d'un épique pugilat que n'aurait pas renié James Bond (l'introduction de Casino Royale – Martin Campbell, 2006) ou Arnold Schwarzennegger dans True Lies (James Cameron, 1994). Côté comédie, ce sont les dialogues au débit mitraillette qui font mouche (mention spéciale à « la Bible a été écrite par Jésus, tout le monde le sait » assénée par Gary ou le débat sans fin des protagonistes sur le nom à donner aux robots de l'espace). Le Dernier Pub ne faiblit quasiment jamais sur ce point, regorgeant d'idées, et dont la réjouissante bêtise des ses héros alcooliques suffit à contenter le spectateur.
Enfin le film est une célébration de la pinte de bière bien fraîche et le cinéaste occupe alors le rôle de l'envahisseur en transmettant à notre insu une spectaculaire envie d'aller lever le coude avec, à la main, un délicieux nectar houblonné.
Aussi, le Dernier Pub n'est-il peut-être pas le meilleur de la trilogie Cornetto, et s'il n'atteint le niveau de l'oeuvre précédente d'Edgar Wright (Scott Pilgrim, 2010), il reste un très bon divertissement.
nolan
Note de nolan : 3
Le Dernier Pub avant la fin du monde (Edgar Wright, 2013)
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