Le Loup de Wall Street
En version ultra-longue de trois heures, la bande-annonce du Loup de Wall Street reste fidèle à l’originale. Ce film, si cool et si parfaitement vide, est donc un sacré divertissement. Mais un Scorsese mineur.
Le Loup de Wall Street (Martin Scorsese, 2013)
Le plus terrible peut-être, c’est cette signature de l’artiste en forme de pied-de-nez. En un plan, Martin Scorsese s’attarde sur l’agent Patrick Denham (Kyle Chandler). Celui-ci, après avoir enfin fait tomber le courtier Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio), rentre chez lui. Dans un sombre tramway, les corps sont uniformément laids, fatigués et exhalent la pauvreté. Et Scorsese, ironique, de nous tendre ce désagréable miroir en nous glissant à l’oreille : « Alors, ça, ce serait un vrai sujet ? Allons, donc, au bout d’une demi-heure, vous demanderiez grâce. Au lieu de quoi, vous êtes vissés sur votre siège depuis trois heures – en en demandant encore ! » Le bougre n’a pas tout à fait tort. Pourtant, il ne suffit pas de décréter, avec une belle assurance performative, que le monde est horrible et que le spectateur se rend au cinéma pour s’en éloigner, pour offrir un semblant de fond à un film pensé pour en être dépourvu. Bref, un plan moralement abject ne transforme pas une farce gonflée à l’hélium en chef-d’œuvre…
Pour le reste, Le Loup de Wall Street s’affiche comme l’exact contraire de ces quelques secondes qu’il faut mieux oublier : explosions de lumière – solaire ou artificielle –, hommes bien habillés et filles à poil (ou l’inverse mais quand même plutôt dans ce sens), argent à gogo, et, surtout, pour éviter le réel, drogues, drogues, drogues. De bons ingrédients pour un show qui tient ses promesses 180 minutes durant. Non grâce au discours – il n’y en a pas –, aux personnages – ils sont à peine esquissés – ou à l’histoire – vue et archi-revue – mais par la seule virtuosité de Martin Scorsese. Le réalisateur septuagénaire délivre une leçon hype, cool et toc qui réussit même à n’être pas dénuée de tout bon goût puisqu’elle rappelle que, pour éblouir, le cinéma a plus besoin de musique (l’utilisation de la bande son est à couper la souffle) que de 3D. Demeure, à l’issue de la dérive rythmée de Jordan Belfort, cette interrogation : est-ce parce qu’ils sont si enneigés que les sommets du héros, pauvre Scarface des temps modernes, apparaissent si peu élevés et, partant, son inévitable chute si peu douloureuse ?
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 3
Note de nolan : 4
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