Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Science Fiction : un genre ? Des codes et des représentations

2 Juillet 2010 , Rédigé par Ran Publié dans #Textes divers

A priori, rien de plus simple que de reconnaître un film de science-fiction. Et pourtant, le genre est multiple, divers et même traversé de tendances contradictoires. Aussi vais-je tenter, dans ce texte, de répondre à cette question : qu’est-ce, en définitive que la science-fiction ?

 

--------------------------------------------------------------------------------------------------

 

La Science Fiction : un genre ? Des codes et des représentations

 

2001, L'Odyssée de lespace2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968)

 

Qu’est ce que la science-fiction ? A priori, chacun est capable de reconnaître un film appartenant à ce genre et l’expression « science-fiction » semble parler à tout le monde. Et pourtant cette facilité ne vient pas de la solidité d’un genre dont les codes seraient aisés à repérer – à l’instar, par exemple, du western – mais, au contraire, du flou de ceux-ci et des nombreuses représentations, parfois contradictoires, qui s’attachent à la science-fiction. Qu’il me soit permis pour confirmer la justesse de ce propos liminaire de donner une petite liste de films, pour la plupart bien connus : Metropolis (Fritz Lang, 1926), Le Jour où la terre s’arrêta (Robert Wise, 1951), Planète interdite (Fred Macleod Wilcox, 1956), La Jetée (Chris Marker, 1962),  Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (Jean-Luc Godard, 1965), Fahrenheit 451 (François Truffaut, 1966), La Planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968), 2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968), Solaris (Andreï Tarkovski, 1972), la série des Star Wars (George Lucas et alii, 1977, 1980, 1983, 1999, 2002 et 2005), Rencontres du troisième type (Steven Spielberg, 1977), celle des Alien (Ridley Scott, 1979 ; James Cameron, 1986 ; David Fincher, 1992 ; Jean-Pierre Jeunet, 1997), Stalker (Andreï Tarkovski, 1979), Blade Runner (Ridley Scott, 1982), E.T., l’extraterrestre (Steven Spielberg, 1982), Dune (David Lynch, 1984), la série des Terminator (James Cameron, 1984 et 1991 ; Jonathan Mostow, 2003 ; McG, 2009), Brazil (Terry Gilliam, 1985), Total Recall (Paul Verhoeven, 1990), L’Armée des douze singes (Terry Gilliam, 1995), Mars Attacks ! (Tim Burton, 1996), Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997), eXistenZ (David Cronenberg, 1999), Minority Report (Steven Spielberg, 2002), Avatar (James Cameron, 2009). Peut-on imaginer des films plus différents, tant par le public qu’ils drainent que par la reconnaissance critique dont ils jouissent ? Si personnellement, j’apprécie – quoiqu’à des degrés très divers – tous ces films ou presque (en tout cas parmi ceux que j’ai pu voir c’est-à-dire la grande majorité), combien de cinéphiles revendiqués iraient, sans réflexion préalable, mettre côte à côte les noms d’Andreï Tarkovski et de Jean-Luc Godard, d’une part, et ceux de George Lucas et de James Cameron, d’autre part. Parallèlement, les nouveaux films des deux derniers sont toujours d’immenses événements quand ceux des deux premiers n’intéressent (ou n’intéressaient dans le cas d’un Tarkovski mort en 1987), non pas personne, mais un cercle d’amateurs nettement plus restreint… Le but de ce texte n’est pas de disserter des vertus comparées du cinéma dit grand-public et du cinéma d’auteur (en remarquant que Stanley Kubrick a su, avec génie, brisé les barrières entre les deux) pour répéter des banalités cent fois écrites[1] mais bien de s’intéresser à la science-fiction en tant que genre. Or, nul ne pourra nier que tous les films cités, malgré leurs profondes différences, appartiennent à celui-ci. C’est donc que le genre, dont on remarquera par ailleurs qu’il traverse les époques et les continents, est extrêmement polymorphe.

 

MetropolisMetropolis (Fritz Lang, 1926)

 

Essayons alors d’y voir plus clair en nous tournant vers le premier des films évoqués, Metropolis[2]. Quels éléments constitutifs de la science-fiction y trouve-t-on ? Ils sont nombreux, dans ce film fourre-tout, pour le pire comme pour le meilleur. Citons : la ville ultra-futuriste ; l’évolution rationnelle (ou pseudo-rationnelle) des techniques et le risque de dictature que cela engendre ; à l’opposé, l’évolution irrationnelle (ou pseudo-magique) des sciences (avec le personnage de Rotwang – incarné par Rudolf Klein-Rogge – qui crée une femme-robot) ; le thème du messie (avec les personnages de Maria – Brigitte Helm – et Freder – Gustav Fröhlich – fils de Joh Fredersen – Alfred Abel –, le maître de Metropolis) qui viendra sauver le monde. Les principales pierres de la science-fiction sont posées mais il manque sans aucun doute, parmi les principales représentations qui s’attachent au genre, celle du voyage dans l’espace avec (ou non) la rencontre de créatures étranges souvent humanoïdes.

 

La Planètes des singesLe capitaine George Taylor (Charlton Heston)

dans La Planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968)

 

Reprenons donc ces thèmes. Que l’action se déroule dans le futur semble, au premier abord, un élément nécessaire et suffisant pour faire qu’un film soit considéré comme étant de science-fiction. Mais tel n’est pas le cas. Si la plupart des films de science-fiction se déroulent dans un futur plus ou moins proche, ils peuvent tout aussi bien être situés dans un passé recomposé – la série des Star Wars –, dans une sorte de hors-temps – Dune –, ou même se jouer des temporalités – La Planète des singes et sa célèbre fin – ; de facto, le lien qui est décisif est non celui avec notre époque ou avec notre espace – la Terre ou le système solaire – mais celui avec notre espèce c’est-à-dire l’Homme. C’est de l’évolution et des possibles de celle-ci à laquelle s’intéresse la science-fiction. Selon que la réflexion est plus ou moins poussée, on peut alors flirter avec la métaphysique, la philosophie pure et la philosophie historique. C’est ce qu’avait très bien compris Stanley Kubrick qui, dans une œuvre largement tournée vers la réflexion sur la nature humaine et son lien indissoluble avec la violence en passât donc logiquement par la science-fiction avec 2001, L’Odyssée de l’espace mais put aussi situer des certains de ses films dans le passé lointain (Barry Lyndon, 1975, 1-2) ou très proche ( Full Metal Jacket, 1987). De même son Orange Mécanique (1971) participe pleinement de cette thématique[3]. On remarquera d’ailleurs que celui-ci est situé, comme 2001, L’Odyssée de l’espace, dans un futur proche ; or, il ne s’agit en aucun cas d’un film de science-fiction car il ne s’intéresse pas au futur en tant que tel (contrairement à 2001, L’Odyssée de l’espace) mais, au contraire, à l’humain dans ce qu’il a d’éternel[4]. Qu’il soit situé dans le futur, donc, n’est pas un critère déterminant pour s’assurer qu’un film relève de la science-fiction bien qu’il s’agisse là d’une des constantes les mieux établies du genre. Une seule conclusion s’impose donc à ce stade : il ne suffit généralement pas d’un élément unique pour caractériser un film de science-fiction. Cela vaut également pour l’introduction d’une créature fantastique qui ne fait pas automatiquement verser un film vers la science-fiction (songeons à tous ces films plus ou moins directement inspirés par le Dracula de Bram Stoker ou la littérature fantastique anglaise). On remarquera par ailleurs que si un film qui présente des voyages spatiaux, il sera presque automatiquement classé comme relevant de la science-fiction. Cela est juste mais il faut noter que deux éléments sont alors présents : le futur – puisque jusqu’à preuve du contraire, les voyages dans l’espace n’en sont qu’à un stade encore embryonnaire – et la découverte de l’espace.

 

BrazilSam Lowry (Jonathan Price) dans Brazil (Terry Gilliam, 1985)

 

Mais revenons un instant sur la problématique du rapport au temps. Si la réflexion se prête aussi bien à la réflexion sur l’homme et la société, c’est qu’il est intimement lié à un genre qui est très proche – et se confond souvent avec –, l’anticipation. Il s’agit ici de se situer dans un futur proche et de limiter l’espace traité soit à la terre et ses confins, soit à un territoire assimilable à la Terre ou à une portion de celle-ci[5]. Il s’agit donc de proposer une évolution pouvant sembler plausible du monde – de notre monde – ; celles-ci sont généralement techniques ou biologiques – et cela renvoie donc directement à l’expression de science-fiction – mais elles peuvent être également politiques (il serait donc alors plus juste de parler de politique-fiction) comme le fait un film comme Brazil. Ces deux éléments sont d’ailleurs souvent liés, par exemple dans le cas de Bienvenue à Gattaca. A ce niveau, les films dénoncent toujours plus ou moins – sans toutefois s’interdire parfois une certaine fascination pour celles-ci – les risques de telles évolutions[6]. Ils véhiculent alors quelques grandes thèses classiques sur des sociétés évoluant vers le totalitarisme par mise sous la tutelle de l’hyper-rationalité (parfois incarnée par un superordinateur), de la bureaucratie et de la technocratie, ou encore du culte du corps parfait. Mais la qualité de la pensée diffusée diffère, bien sûr, très largement d’un film à l’autre et l’on ne saurait comparer l’ordinateur HAL de 2001, L’Odyssée de l’espace à la société Skynet de la série des Terminator. De même, la réflexion sur la génétique de Bienvenue à Gattaca aux clones du film éponyme de Jonathan Mostow n’est-elle pas véritablement de même niveau

 

Bienvenue à GattacaVincent Anton Freeman (Ethan Hawke)

dans Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997)

 

A l’autre bout du spectre et à l’opposé de cette tendance « réaliste » ou anticipative, on retrouve donc un goût de la science-fiction – et le terme peut ici sembler quelque peu mal adapté – pour l’absence, du moins a priori, la plus totale de vraisemblance. On retrouve cela dans ces films – que l’on qualifie parfois de space opéras – se déroulant dans un espace quasi-infini ; c’est donc le cas tant de la série des Star Wars que du Dune de David Lynch. L’imagination préside alors dans de tels films – et l’auteur peut parfaitement se vivre en démiurge puisqu’il a la possibilité de créer un monde fantastique – et souvent ceux-ci sont-ils peuplés des créatures les plus invraisemblables, la plus fameuse étant sans doute l’Alien créé par Ridley Scott en 1979. Néanmoins, dans cette large galerie de monstres, on notera que la plupart – et un coup d’œil sur le bestiaire proposé dans les six épisodes de Star Wars le confirme largement – restent anthropoïdes, voire animaloïdes[7]. De ceci, on peut tout à la fois déduire que l’on se heurte aux limites de l’imagination humaine (ou à sa capacité à la mettre en images) mais que cela invite généralement à s’interroger une nouvelle fois sur la nature de l’Homme. Notons encore qu’il n’est nul besoin de trop s’éloigner de la Terre pour que ces thèmes apparaissent. Il suffit que l’évolution des sciences soit trop irrationnelle – comme c’était donc le cas dans Metropolis avec les inventions de Rotwang – pour que l’on s’éloigne de la veine anticipative. De même, les interventions d’extra-terrestres qui viennent sur la Terre, le plus souvent pour l’envahir (Mars Attacks ! ou les différentes versions de La Guerre des mondes – par Byron Haskin en 1952 puis Steven Spielberg en 2005) mais pas toujours (Le Jour où la terre s’arrêta) fournissent d’inépuisables ressources au genre. C’est là toujours plus ou moins l’occasion d’interroger notre rapport à l’autre ou notre volonté de survie et, là encore, d’un film à l’autre, la finesse de la pensée diffère. On pourrait dire la même chose du thème du messie présent dans de très nombreux films de science-fiction (Metropolis, Le Jour où la terre s’arrêta, les Star Wars, Dune et, d’une certaine manière, 2001, L’Odyssée de l’espace et Stalker). Se situant du côté du religieux, ce thème – qui, bien sûr, n’est pas propre à la science-fiction mais se marie fort bien avec elle – selon la façon dont il est creusé, peut faire flirter les films qui l’abordent avec la philosophie ou la métaphysique, quand bien même, la plupart du temps, ils se contentent d’un mysticisme bas-de-gamme, voire ne disent rien du tout. A cela peut également s’ajouter, et le voyage spatial y invite assez naturellement, une grande force poétique que l’on retrouve notamment dans 2001, L’Odyssée de l’espace et Solaris (mais des films comme La Jetée, Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution ou Stalker, qui ne se déroulent pourtant pas dans l’espace, en sont également pourvus).

 

SolarisSolaris (Andreï Tarkovski, 1972)

 

A ce stade, on remarque donc que la science-fiction mobilise quelques grands thèmes classiques et véhiculent quelques thèses récurrentes. Il faut également souligner que le genre dispose d’une ou plutôt de différentes esthétiques propres – et peut-être est-ce là l’élément qui permet de déterminer le plus facilement si un film relève ou non de la science-fiction. Celles-ci se construisent à partir de différents éléments vus précédemment et de nature différente. On peut ainsi relever la représentation d’un espace immense, différents objets (les robots, les super-ordinateurs, les vaisseaux,…) et des créatures avec au premier rang de celles-ci, les extra-terrestres. Logiquement, cela participe de la construction des codes du genre qui, dès lors, se prête facilement à la parodie (Woody et les robots, Woody Allen, 1973 ; La Folle Histoire de l’espace, Mel Brooks, 1987). On notera par ailleurs – ce qui est logique au vu de ce qui précède – que le film de science-fiction peut facilement se marier avec d’autres genres. Au premier de ceux-ci, figure bien sûr le fantastique – ou, plus exactement, la fantasy – comme le montre la série des Star Wars. La différence entre les deux genres est d’ailleurs parfois bien ténue. Et si les Star Wars penchent incontestablement plus du côté de la science-fiction que de la fantasy, tel n’est pas le cas – alors que de nombreux thèmes sont communs – des trois volets du Seigneur des anneaux (Peter Jackson, 2001, 2002 et 2003), un film comme Dark Crystal (Jim Henson et Frank Oz, 1982) présentant un cas intermédiaire sur lequel il est assez difficile de trancher. Mais bien d’autres genres peuvent également facilement se coupler avec la science-fiction comme le thriller, le film d’action, le film-catastrophe, le film de super-héros ou encore le film d’aventures. Cela explique sans doute qu’Hollywood s’intéresse tant au genre – malheureusement parfois en produisant de navrants blockbusters (Independence Day de Roland Emmerich en 1996; Armageddon de Michael Bay en 1998, …) – comme le montre l’exemple d’un Steven Spielberg. Enfin, il faut noter que dans son esthétique, le genre emprunte souvent au film noir de l’âge d’or hollywoodien ce qu’ont brillamment montré des films comme Blade Runner ou Bienvenue à Gattaca[8]. Par ailleurs, une remarque doit être faite sur le rapport entre cinéma et littérature concernant la science-fiction. Comme souvent, le premier a beaucoup emprunté à la seconde et il n’y a pas ici de différence majeure sur la relation générale (tant au niveau des différences que des proximités) entre ces deux arts[9] mais, dans le cas de la science-fiction, il y a, bien sûr, une nécessaire invitation à l’imagination (et, souvent, à la réflexion) ce qui prend, fatalement, des formes différentes (d’où l’importance particulière de l’esthétique cinématographique) entre cinéma et littérature. On notera par ailleurs que la littérature et le cinéma de science-fiction ont inventé des expressions plus ou moins passés dans le langage courant : citons l’idée du « laser » comme arme de base, du « robot » comme humanoïde de synthèse, du « vaisseau spatial » ou encore du « cyborg », mi-homme/mi-« robot ». Cela atteste de l’importance de la science-fiction dans la culture populaire du XXe siècle.

 

L'Empire contre-attaqueDark Vador (David Prowse) et Luke Skywalker (Mark Hamill)

dans L’Empire contre-attaque (Irvin Kershner, 1980)

 

Enfin, au terme de ce texte consacré à la science-fiction, proposons donc pour conclure cette réponse simple – mais, bien sûr quelque peu incomplète et non totalement satisfaisante – à la question posée initialement : Qu’est ce que la science-fiction ? Disons que pour qu’un film relève de ce genre, l’important semble être soit que le réalisateur crée un monde futuriste propre (mais qui ait toutefois un lien avec le nôtre ou plutôt avec notre nature) soit que l’élément de science-fiction qu’il incorpore dans son film soit assez décisif pour profondément déstabiliser notre monde (ou une représentation proche de celui-ci) si l’intrigue s’y déroule. Je n’en ai pas de meilleure eu égard à la polymorphie et l’éclectisme d’un genre qui, on l’a vu, ne se laisse pas si facilement enfermer et caractériser.

 

AlienAlien (Ridley Scott, 1979)

 

Ran

 


[1] Je me contenterai de rappeler que je défends – avec peut-être, j’en conviens, une légère pointe d’irénisme – une vision à la fois populaire et élitaire du cinéma qui s’oppose aussi bien au populisme lamentable qu’à l’élitisme abscons et je renvoie, pour des développements, aux six textes de mon « histoire et théorie générale du cinéma ».

[2] C’est promis, ce détour sera court et parler de ce film n’est pas seulement une nouvelle preuve de mon obsession pour l’œuvre de ce réalisateur. Simplement, on admettra qu’il est difficile de parler de science-fiction sans évoquer Metropolis. Pour plus de détails sur ce film, je renvoie au premier texte de ma série « Retour sur Fritz Lang ».

[3] Voir la courte partie consacrée à ce film et à son rapport à 2001, L’Odyssée de l’espace dans mon texte consacré à ce dernier film publié dans « Textes divers ».

[4] Tout juste le programme Ludovico (voire la création et l’utilisation d’une novlangue) pourrait-il être considéré, en ce que, tel qu’il est présenté, il dénonce les dérives possibles de nos sociétés, comme un élément d’anticipation. Mais là n’est pas le fond de ce film.

[5] Comme c’est, par exemple, le cas dans Metropolis. Rien n’indique où est située cette ville mais il s’agit, c’est évident, de l’expression d’une immense ville futuriste (comme l’indique d’ailleurs le titre de l’œuvre).

[6] Ce n’est nullement l’objet de ce texte mais il serait intéressant de voir quels discours – et à quels moments précis – sont exactement véhiculés par de tels films d’autant que le XXe siècle est à la fois celui d’un progrès technique effréné – avec une diffusion de plus en plus rapide (le cinéma, à lui seul, en fournit la preuve) – mais également d’une remise en cause de celui-ci comme pouvant apporter le bonheur à l’ensemble de la société à l’inverse de ce qui était le discours ultra-dominant de la fin du XIXe siècle. En effet le siècle a été marqué par d’épouvantables conflits – à commencer, bien sûr, par les deux Guerres Mondiales – dont l’ampleur des destructions était largement due à ces progrès techniques (songeons à la seule bombe atomique), par l’émergence de régimes totalitaires dont les systèmes de contrôle s’appuyaient sur l’évolution technique et par un début de prise de conscience du risque de destruction des ressources naturelles pour en créer d’autres de nature technologique. Aussi notre société entretient-elle désormais un rapport extrêmement ambivalent avec le concept de progrès notamment dans son acception technologique.

Il est par ailleurs à noter que si la critique du militarisme a été traitée par la science-fiction (par exemple dans Docteur Folamour de Stanley Kubrick en 1964 ; cas intéressant d’ailleurs que ce film qui, la guerre froide étant terminée, est en quelque sorte « périmé » en tant qu’œuvre de science-fiction ce qui ne l’empêche pas de demeurer l’un des multiples chefs d’œuvre de son auteur), ce ne fut, à ma connaissance, guère le cas du capitalisme (qui ne manque pourtant pas de contempteurs…). Or, les crises financières se transformant en crises économiques sont partiellement liées au phénomène de déconnexion/interconnexion/reconnexion entre le virtuel et le réel alors que les paniques boursières actuelles sont amplifiées par l’existence d’outils technologiques hypersophistiqués (des informations et des opérations peuvent désormais traitées en nanosecondes) que l’être humain a forcément (et il ne s’agit pas là d’un jugement mais d’une constatation) du mal à maîtriser. Voilà qui aurait du – et pourrait – inspirer les auteurs de science-fiction.

[7] Exception faite, bien sûr, de cet étrange monolithe noir – dont la nature exacte peut laisser la place à toutes les interprétations et les spéculations – de 2001, L’Odyssée de l’espace.

[8] On notera que Fritz Lang qui a participé, en tant que représentant de l’école expressionniste allemande des années 1920, à la création de l’esthétique du film noir et qui en réalisa énormément – voir le cinquième texte de ma série « Retour sur Fritz Lang » – durant la partie hollywoodienne, avait intégré une large dimension policière – que la nouvelle version présentée récemment dans le cadre de la Berlinale permet de mieux comprendre – dans son Metropolis.

[9] Voir la quatrième partie de mon « histoire et théorie générale du cinéma » ; notons que, dans le cas de 2001, L’Odyssée de l’espace, le livre (d’Arthur C. Clarke) et le film furent réalisés parallèlement.

Partager cet article

Commenter cet article

C
<br /> blog(fermaton.over-blog.com), L'aube de fondation d'Isaac Asimov réalisée.<br />
Répondre
.obbar-follow-overlay {display: none;}