Oslo, 31 août
Les dimanches ensoleillés sont rarement source de déprime, aussi rien de tel que ce Oslo, 31 aout pour inverser la tendance. Ce film sur le désir de disparaître est réussi notamment par ses quelques fulgurances visuelles mais il n'est pas exempt de quelques défauts qui rappellent que le dialogue est un art délicat.
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Anders Danielsen Lie et
Kjærsti Odden Skjeldal
Des souvenirs d'enfance, une image d'un amour perdu, et surtout une tentative de suicide qui rappelle l'introduction de Two Lovers (James Gray, 2008), voilà comment débute la journée d'Anders (Anders Danielsen Lie), pas au meilleur de sa forme et dont la sortie de cure de désintoxication ne présage aucune réjouissance pour lui. Anders est si fantomatique qu’il ne fait déjà plus partie de ce monde. Il est pourtant bien là, du premier au dernier plan. Présence-absence fort bien rendue par le choix du cadre alternant les plans de son visage et ceux, larges, sur des décors-obstacles (vitres, tables...). Sa déambulation dans la ville d'Oslo, les retrouvailles avec ses anciens amis, la nuit d'errance avec une jeune fille (Mirjam - Kjærsti Odden Skjeldal), ne constituent qu'une tournée d'adieu. Des adieux qu'il ne pourra formuler que partiellement.
Le cinéaste Joachim Trier s'inspire de la nouvelle Le Feu follet de Pierre Drieu La Rochelle (1931), sans doute également du film éponyme de Louis Malle (1963), pour raconter « l'oscillation » d'un homme condamné. Oscillation et non hésitation. Le doute n’assaille pas Anders mais il veut en finir proprement et sentir que sa motivation est justifiée. Aussi le long-métrage restitue-t-il avec une acuité certaine la tension entre la présence du monde qui entoure le héros et la totale déconnexion dont ce dernier fait, déjà, montre.
Après l'introduction, Anders rencontre son ami Thomas (Hans Olav Brenner). Cette longue rencontre, qui se découpe en deux parties (un café avec Thomas, sa femme – Ingrid Olava - et ses enfants ; une balade dans la ville), pose, lors d'un long dialogue, les enjeux du film, sans doute pour faciliter la tâche au spectateur. Mais cette partie, a priori simplement narrative, se révèle fort intéressante parce qu’elle se construit dans la durée, Thomas, d'abord futile et cynique, devenant peu à peu pathétique. Il veut sincèrement sauver son ami mais ses efforts n'aboutissent qu'à un aveu d’échec concernant sa propre vie. C'est aussi le seul personnage qui prend un peu d'épaisseur aux yeux d'Anders dont la dépouille, pendant quelques instants, regagne esprit et chair. Le réalisateur sera moins heureux une heure plus tard lors d'une discussion bien lourdingue avec une ancienne maîtresse. Plus globalement, au cours des rencontres avec de vieilles connaissances, le film tend à répéter les enjeux évoqués avec Thomas. Ce n'est pas tant que les scènes soient mauvaises mais elles se font trop démonstratives. Néanmoins, le cinéaste se garde bien de trop dévoiler le passé ante-désintox de son héros. Il fut populaire, charmeur, doué et sans doute un peu salaud. Ou peut-être rien de cela, notre dépressif considérant sa vie comme une supercherie. Ce ne sont que des bribes d'éléments au détour d'une phrase. On comprend pourtant que, malgré son absolu désespoir, Anders est en quête de pardon. Celui qu'il veut recevoir et qu'il veut donner. Anders, nous le devinons, fut autant victime que bourreau[1].
C'est lorsqu'il cherche à nouveau Thomas quand tombe la nuit que le film déploie toute sa puissance. Anders, encore une fois, reprend corps lors d'une rencontre dans une soirée (glauque). Dernier moment de spleen un peu doux, Anders raccroche peu à peu les gants (il ne verra pas sa sœur, son amour perdu ne répond pas à ses appels), il se laisse aller à une longue balade nocturne en petit groupe, dans les bras d'une fille splendide et innocente. Les éclats visuels, que Joachim Trier distillait déjà dans la première partie, deviennent plus nombreux. Nous retiendrons cette descente à vélo enfumée par un extincteur dans les rues d'Oslo aux tons surréalistes rappelant – pourquoi pas ? – le bateau entouré de fumigènes colorés remontant la rivière dans Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979). Puis un final à la Gus Van Sant achève de nous plonger dans une grande tristesse.
nolan
Note de nolan : 3
Note d'Antoine : 3
Oslo, 31 aout (Joachim Trier)
[1] « Anders, je te pardonne » doit lui dire une personne qui joue le rôle de son ami Thomas au centre de désintoxication. Cette scène, nous ne la voyons pas, c'est Anders qui la raconte à Thomas et à sa femme. Thomas feint de ne pas réagir et ne dira rien.
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