Passion
Que reste-t-il de Brian de Palma après une décennie pas très fameuse ? Pas grand-chose malgré un talent de formaliste capable de sauver n'importe quel mauvais scénario. Cette fois-ci, il abandonne son traditionnel sérieux papal pour un regard plus amusé. Par sûr que cela soit un choix judicieux.
Artistiquement, les années 2000 ne furent pas éclatantes pour Brian de Palma. De Mission To Mars (2000) au Dahlia Noir (2006), le cinéaste livrait des films moyens traversés par quelques passages extrêmement réussis. Si Redacted (2008) a pu nous faire croire que le réalisateur avait trouvé un second souffle, ce Passion démontre qu'il n'en est rien. Lorgnant plus vers l'asthmatique Femme Fatale (2002) que le baroque Body Double (1985), ce remake de Crime d'Amour (Alain Corneau, 2010) est un puzzle très ambitieux formellement mais que le réalisateur ne prend pas au sérieux. Chose assez étonnante de la part du cinéaste, qui par son premier degré contre vents et marées, a réussi à faire passer quelques salades indigestes, de grands moments de mauvais goûts transcendés par… la passion (notamment dans Body Double). Dans une première partie, le réalisateur joue des apparences et travaille son cadrage avec soin, multiplie les écrans comme il avait su le faire dans son précédent film. Dans la seconde, il tâche de faire perdre ses repères au spectateur, décadrant et privilégiant un éclairage expressionniste. Il faut reconnaître que sur ce point, sa mise en scène est très largement supérieure à celle de Corneau. L'idée de ne pas laisser l'œuvre se reposer sur la seule mécanique du scénario et de favoriser une ambiance angoissante et confuse est plutôt bonne. Mais de Palma semble y porter un regard amusé pourtant sans trace d'humour, ce qui vide le film de toute tension. Corneau avait certes une bonne histoire de meurtre qui, une fois vue, s'oubliait rapidement. Il n'avait pas su (ou voulu) la valoriser par sa mise en scène – à l'exception notable du meurtre, filmé comme une étreinte là où de Palma ressort un plan subjectif sans grande originalité.
Dans cette histoire de relations entre trois femmes face au pouvoir (trois couleurs de cheveux, trois formes de visages distinctes, trois types de tenue), de Palma joue sur les figures géométriques, décrit la modernité du monde du travail (ordinateurs et smartphone) triomphant de la désuétude du sentiment amoureux. Par moments, il sait donner une réelle complexité aux motivations de Christine (Rachel Mc Adams), boss super-salope, et d’Isabelle (Noomi Rapace), cadre dynamique et sur-ambitieux, et son thriller acquiert alors une dimension supplémentaire. Mais ce ne sont que des fragments, le réalisateur semblant ne pas y croire une seconde. Dommage.
nolan
Note de nolan : 2
Passion (Brian De Palma, 2012)
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